Garder la main sur son contenu

Nicolas Furno
4 min readMay 15, 2015

Le lancement d’Instant Articles, une nouvelle fonction de Facebook qui permet aux éditeurs de contenus de faire héberger leurs articles sur les serveurs du réseau social, relance une vieille question. Quand on publie du contenu sur internet, quel qu’il soit, doit-on le faire sur une plateforme que l’on contrôle ou sur un service de publication prêt à l’emploi ?

Confier son contenu à un service tiers, tel que Medium ou Tumblr, a beaucoup d’avantages, le principal étant sans doute la simplicité. Inutile d’avoir à se soucier de serveurs, ou de configuration de base de données : vous n’avez qu’à ouvrir un compte et commencer à écrire. Quand les outils mis à disposition sont excellents, comme c’est le cas de Medium, c’est encore mieux. Mais cette solution facile est dangereuse : vous n’êtes pas vraiment maître de votre contenu, même s’il vous appartient toujours. Vous dépendez d’un tiers qui peut décider que le contenu créé ne l’intéresse pas, ou bien qui peut tout simplement fermer ses portes.

Il y a des dizaines de raisons qui peuvent poser problème et c’est pourquoi j’ai toujours suivi une règle simple : garder la main sur mon contenu, quoi qu’il arrive. C’est pourquoi mon blog principal est hébergé sur un serveur que je loue et non sur Medium, ni sur aucun autre service similaire. J’aime beaucoup Squarespace aussi, je trouve l’idée de The Grid très séduisante, dans un autre domaine, mais tous ces services ne me laisseraient pas totalement la main sur mon contenu ou sur sa présentation. Et c’est pourquoi, je n’ai pas changé d’avis en sept ans de blog : je reste avec mon serveur et je maîtrise tout, du contenu à la mise en forme.

Le cas Instant Articles

Pourtant, je suis très intéressé par Instant Articles et j’ai même bien envie de voir ce que le service donnerait avec mes articles de blog. Cette vidéo de présentation donne une bonne idée de ce que l’on peut attendre et les quelques articles déjà disponibles sont vraiment convaincants (uniquement sur iPhone pour le moment). Facebook a de solides arguments à apporter, c’est indéniable : le chargement est très rapide et l’interactivité supplémentaire laisse envisager des choses sympathiques.

Vidéo de présentation d’Instant Articles, la nouvelle fonction de Facebook

Mais est-ce qu’en adoptant les Instant Articles de Facebook, je renoncerais à garder la main sur mon contenu ? Telle que la fonction est présentée aujourd’hui, ça ne serait pas le cas. Le réseau social ne veut pas héberger du contenu nouveau, c’est même tout le contraire. Il ne peut pas y avoir d’article hébergé par Facebook sans une publication préalable, hébergée sur un autre serveur et associée à une URL spécifique. Le principe étant le suivant : on partage toujours le lien vers son site, mais s’il existe une version stockée sur les serveurs du réseau, c’est celle-ci que l’on verra. Sinon, Facebook renverra vers le site original, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.

Ce système repose sur des éléments techniques que l’on retrouve partout sur internet : les Instant Articles sont conçus avec du code HTML et le contenu provient d’un flux RSS. D’ailleurs, à terme, les éditeurs de contenus devraient pouvoir automatiser l’ensemble : peut-être que je pourrais mettre en place pour mon blog un système qui convertirait automatiquement mes articles en Instant Articles. Ce service ne prétend pas remplacer le blog, mais uniquement apporter un mode de lecture plus confortable à tous ceux qui lisent mon contenu via Facebook.

En quelque sorte, c’est la même chose que la prise en charge des cartes pour Twitter, ou des tags spécifiques à Facebook que tout le monde avait déjà intégré. La fonction présentée par le réseau social va plus loin, puisqu’il s’agit d’héberger le contenu complet sur un autre serveur, mais ce n’est malgré tout qu’une présentation différente pour un article qui existe par ailleurs. Et c’est une présentation moderne et assez séduisante, bien plus que ce que la majorité des sites proposent.

Un même article présenté avec Instant Articles à gauche, et sur le site original à droite.

Et si Facebook devient trop gourmand ?

Certes, il est facile de voir comment cette offre pourrait « déraper », comment Facebook pourrait imposer aux médias d’utiliser son service, sous peine de ne plus mettre en avant les articles. On peut aussi se demander si le réseau social imposera ses propres publicités. Pour le moment, ce n’est pas le cas, et les publications ont le choix d’utiliser leurs publicités plutôt que celles de Facebook. Si on perdait ce choix, si je devais intégrer des publicités, je ne suis pas sûr de toujours vouloir Instant Articles.

Bref, cette bonne idée pourrait tourner au vinaigre et Facebook étant connu pour son agressivité en matière de publications payantes. J’ai d’ailleurs abandonné la page Facebook liée à mon blog précisément pour cette raison : personne ne voyait plus les liens que j’y publiais, c’était du temps perdu. Peut-être que Instant Articles connaîtra le même sort. Et si c’est le cas, ce n’est pas grave, j’arrêterai d’utiliser la fonction pour revenir à des simples liens.

Car le plus important, ce sont mes mots. Et eux, ils sont sauvegardés sur mon* serveur, dans un format que je maîtrise. Si les articles hébergés par Facebook ne me conviennent plus, j’aurai toujours la main sur ce qui compte.

Toujours garder la main sur son contenu.

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Nicolas Furno

Journaliste le jour pour @MacGeneration, blogueur la nuit sur @nicolinuxfr.