J’ai trouvé la réponse à une question que j’me posais pas

Marc-Olivier Ricard
4 min readFeb 2, 2017

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La sagesse, pas besoin d’être vieux pour en avoir un p’tit peu.

Mon verre de mezcal est délicieux, c’est quasiment dangereux. Ça fait déjà une couple de bières que j’m’enligne, mon oreille s’accoutume pis ma langue se dégourdie. J’comprends le trois quart des jokes que Rodolfo fait en racontant ses problèmes personnels. Y préfère en rire que d’en pleurer et c’est très bien comme ça. 27 ans, 3 enfants, 1 maîtresse pis 1 femme. Quand y parle de sa maîtresse y s’touche le coeur, quand y parle de sa femme y s’tient la tête pis quand y parle de ses enfants y’a des flammèches dans les yeux pis un sourire dans face. Après chaque intervention, y lève son verre en criant pour que ce soit clair qu’y est d’accord pis on trinque. Ça doit faire 20 fois qu’on tchin depuis qu’on est installés ici, on est pas mal d’accord.

“Laughter gives us distance. It allows us to step back from an event, deal with it and then move on.”
– Bob Newhart

On est dans un p’tit bar à mezcal caché dans l’fond d’un café tellement sombre que ça prend une lampe frontale pour aller pisser. Le bar est dans une p’tite salle séparée du café par une demi-porte. J’dis demi-porte parce que ça sonne mieux que cinq huitième de porte. Y faut s’accroupir pour passer le seuil qui m’arrive à peu prêt à hauteur du chest. Si j’suis en train d’abuser du savoir faire de la micro-distillerie c’est parce qu’y a ben trop de nuages sur le volcan ce soir, c’est vraiment pas l’idéal pour une ascension de nuit. Ça sera une aventure pour la semaine prochaine. Donc j’suis là, j’déguste, j’observe, j’écoute pis j’ai une p’tite révélation. J’ai trouvé une réponse à une question que j’me posais pas. Ça me frappe comme si GSP venait de m’donner un coup d’pied dans face.

J’viens de comprendre quelqu’un. C’est un ami loin d’ici, ça fait longtemps que j’le connais mais j’ai jamais essayé de comprendre d’où il venait, j’me suis jamais vraiment intéressé à sa culture. J’regarde ça avec un peu de recul et j’comprends même pas comment j’ai pu être aussi égoïste, aussi fermé. J’étais trop occupé, pré-occupé par le quotidien, pogné dans la machine qui arrête jamais. Ça me fait penser à mon professeur d’anglais de secondaire 2. À chaque fois que quelqu’un disait “J’ai pas eu le temps”, il le/la reprenait en disant “T’as pas pris le temps”. Prendre et avoir, deux mots, une grosse différence. J’ai un peu le même genre de réflexion en apprenant l’espagnol. Entendre et écouter, c’est pas la même chose. Voir et regarder non plus. Mais bon, pour en revenir à ma lesson de vie de secondaire 2, prendre le temps, c’est pas toujours un choix facile à faire. J’réalise que j’le faisais même pas consciemment ce choix. J’étais en mode “auto-pilot” et je l’suis certainement encore sur bien des aspects, mais au moins maintenant j’en suis conscient.

Peu à peu, j’accepte et j’comprends que j’fais parti de quelque chose de bien plus grand que moi pis que j’ai intérêt à remettre en question mes priorités à chaque fois que l’occasion se présente. Être “l’étranger”, ça change de perspective, ça aide à se remettre en question.

J’suis souvent le ‘seul blanc’ quand j’me promène parce que j’aime ça aller dans des endroits pas touristiques. Faut savoir que prendre les Mayas en photo sans se faire remarquer, c’est pas facile. La plupart d’entre eux sont convaincus qu’ils se font voler leur âme quand y sont pris en photo. Peut-être qu’y ont raison. Si c’est l’cas, j’suis vraiment désolé.

“When I let go of what I am, I become what I might be. When I let go of what I have, I receive what I need.”
– Lao Tzu

À chaque fois que quelqu’un m’demande pourquoi je suis parti, c’est quoi le but de mon voyage ou “qu’est-ce que je cherche?” J’sais pas trop quoi dire. J’réponds que j’ai envie de découvrir d’autres cultures, de profiter de la vie. Ou bien j’dis que ça peut pas être juste ça la vie, se lever l’matin pour travailler, gagner un peu d’argent pis l’dépenser, rinse and repeat. Mais c’est un peu difficile à justifier, je cherche le sens de la vie? Quand j’étais p’tit cul, j’passais mon temps à demander pourquoi. J’demandais pourquoi jusqu’à ce que ma mère se tanne et me dise: Parce que! Pourtant quand j’répondais “parce que” à une question, on me disait que c’était pas une réponse. Double standards, mais inquiètes-toi pas maman, j’t’en veux pas. La vérité c’est que j’sais pas c’que j’cherche pis que j’ai pas envie d’chercher. J’ai envie d’être à l’écoute, d’être attentif et de laisser les réponses venir à moi, j’trouverai les questions plus tard. Un peu comme jouer à Jeopardy. C’est ça, j’ai envie de jouer à Jeopardy!

— Philosophie pour 1000$
— Apprendre à se connaître, pour mieux comprendre les autres.
— Qu’est-ce que voyager?
Ding, ding, ding!!! Lumière qui flash pis toute la patente.

C’est le genre de prise de conscience que j’arrive pas à avoir dans un quotidien monotone. J’ai tendance à optimiser mon bien-être, mon confort, comme la plupart du monde j’imagine. Si j’avais été un peu plus attentif dans mes cours de calcul différentiel, j’me serais probablement rendu compte un peu plus tôt que l’amour et l’empathie sont des relations transitives. Ou bien c’est peut-être juste le mezcal qui manquait pour faire des nouveaux liens.

— Salud!

Y’a ben trop d’bières vides su’a table pis ostie qu’Rodolfo crie fort. Y peut pas s’empêcher de trinquer aux 2 minutes, pis savez-vous quoi? J’aime ça.

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