Crédits photo : Simon Clark

Je suis Québec

Dimanche soir, 29 janvier 2017. Ça recommence. Les messages de mes amies qui vivent aux USA s’accumulent dans mon cellulaire. Encore une fois, je comprends sans comprendre. Ici à Québec ? Comment c’est possible qu’une telle chose arrive dans une ville si paisible ?

Marion Soeur Warain

--

La terreur en série.

Sydney, Lindt café, prise d’otages, Décembre 2014. Je crois que c’est le premier attentat dont j’ai entendu parler et que j’ai vécu de l’intérieur. J’étais arrivée en Australie depuis 3 semaines.

Paris, Charlie Hebdo, Janvier 2015. Je profite de ma vie de nomade au cœur des forêts australiennes, pourtant, je vois que la France se mobilise et se rassemble autour de l’horreur qui nous touche pour la première fois.

Paris, partout, Novembre 2015. Pas de mots. Trop de sons, trop d’images qui tournent en boucle sur la télé australienne. Je suis encore loin des miens. Encore. Le téléphone greffé à la main, j’attends. Je pleure à l’intérieur. Impuissance. Colère. Peur.

Nice, promenade des anglais, Juillet 2016. Réveillée dans une crise de larmes. Je suis persuadée que l’un de mes amis y était. Pire sensation de ma vie. Le souffle coupé, les cris, les pleurs. J’ai passé ma journée à pleurer. Heureusement, ce soir-là, il a décidé de faire autre chose. Il est sain et sauf.

Québec, mosquée de Sainte-Foy, Janvier 2017. J’ai pourtant passé une belle soirée avec mes amies. Vous savez ce point de bascule atroce qui vous prend par surprise ? Avant, la vie suit son cours, tout va bien, les rires, la joie, l’amitié, l’envie de retrouver son lit douillet. Après, le sang qui se fige, le doute, l’angoisse, l’effroi.

J’ai l’impression que les attaques me suivent. Pourtant, lorsque je suis partie étudier à Québec, je me souviens que ma famille et moi-même avions dit « Au moins là-bas, il ne t’arrivera rien de ce genre ».

Paris était devenue… une source de danger imprévisible, malgré nous. Hors de question d’arrêter de vivre et de sortir ! Pourtant, pour chaque ambulance, voiture de police, camion de pompier qui passe ; pour chaque alarme ou gyrophare, on y pense. Dans chaque salle de spectacle, l’idée nous traverse l’esprit. Sans le vouloir. La peur que ça recommence a sournoisement élu domicile dans notre quotidien.

A chaque génération sa guerre ?

Est-ce qu’on va être la génération qui va devoir lutter contre le terrorisme ? Est-ce qu’on va être la génération qui va vivre au cœur d’une perte de sens massive ? Il y a plus de suicides dans le monde que de morts liées à la guerre[i]. Avec le portrait que l’on dresse de l’avenir écologique, économique, sociétal, est-ce qu’on dira de nous que nous étions la génération qui a combattu comme elle pouvait contre la fin du monde ? La fin d’un monde ?

De l’apitoiement à la prise de conscience, de l’impasse à l’action : faire ma part.

Je n’ai jamais écrit d’articles sur les attentats, j’ai toujours été prise entre cette envie d’arrêter d’en parler, les médias le font bien assez, et pourtant de ne pas me taire non plus. Depuis l’événement à Québec, j’ai pris conscience que les attentats de ce genre n’étaient pas, et ne seraient pas, une problématique circonscrite à l’Europe. La folie n’a pas de frontière.

Surtout, j’ai pris conscience que nous avions notre part de responsabilité dans ces événements. Le jeune homme accusé de l’attaque de Québec avait 27 ans, il était étudiant dans mon Université. Certes, nous sommes 45 000 étudiants à l’Université Laval, mais peut-être que je l’ai croisé à la cafétéria, sur le campus, dans un bâtiment. Peut-être que nos épaules se sont touchées dans le bus, dans la queue pour aller chercher un café ou un livre à la Bibliothèque ? Comment un jeune homme de 27 ans décide de prendre une arme et de tuer ? Nous ne naissons pas tueur, nous le devenons.

J’ai appris plus tard que ce jeune homme avait eu une enfance difficile, intimidé à l’école, isolé, sans ami, rejeté. Mon cœur saigne de douleur. Si ce jeune homme avait reçu de l’attention, s’il avait trouvé une oreille attentive, des bras tendres dans lesquels se recueillir, aurait-il été plus apaisé ?

Pour chaque personne que je laisse seule dans son coin, pour chaque personne que je décide de mettre de côté, pour chaque personne que j’intimide, que j’insulte, que je méprise, j’ouvre une blessure, je crée un fossé, je nourris la haine et la peur. Pour chaque main qui frappe ou qui réconforte, pour chaque regard qui juge ou qui accueille, pour chaque parole qui blesse ou qui soigne, je suis responsable.

Il n’y a pas « lui » d’un côté et « nous » de l’autre.

Nous sommes une partie intégrante du système dans lequel nous vivons. Il n’y a pas « nous » et le « système ». Nous sommes le système. J’ai à cœur d’apporter un regard éclairé sur le monde dans lequel je souhaite vivre. De porter de la joie, de la justesse, de l’amour dans mes actes.

J’ai la chance d’être bien entourée, d’avoir la possibilité d’ouvrir mon esprit à d’autres façons d’envisager le monde (grâce au micro-programme Leadership donné à l’Université Laval par le professeur Charles Baron), de prendre conscience que les mots sont des fenêtres ou bien des murs [i] (grâce à la formation en Communication Consciente donné par le Groupe Conscientia).

J’ai pris conscience à quel point le fait d’être déconnecté — de soi, de son environnement, des autres — pouvait engendrer la mort pour soi et pour les autres. Et si la meilleure façon de lutter contre cette violence était d’avoir une écoute attentive, une main prête à aider, un cœur ouvert ? Pour éviter que des personnes en perte de sens, de repères, d’amour portent en eux tellement de désespoir et de colère, qu’ils décident de (se) donner la mort…

De la compassion pour les victimes, toutes les victimes de ces drames.

J’ai en moi un amour infini pour ces personnes dont la vie s’est arrêtée brutalement. J’ai une pensée toute particulière, une compassion chaleureuse, que je souhaite porter aux auteurs de ces actes de violence. Je ne peux imaginer le drame qu’ils ont dû vivre pour oser un jour propager cette violence qu’ils portaient en eux.

Je suis chanceuse, j’ai été aimée, désirée, choyée.

J’ai connu le grand amour, j’ai connu les rires, la joie, l’abondance qu’apportent les amitiés sincères et fortes. J’ai connu le succès, j’ai réalisé mes rêves, j’ai voyagé. Je suis libre. J’ai rencontré des personnes qui m’ont tout donné sans rien demander en retour. J’ai connu la légèreté et le bonheur de vivre. La beauté, la simplicité, l’innocence. J’ai connu la caresse, les mots d’amour, et de réconfort, les encouragements. J’ai connu la résilience, j’ai été guidée, accompagnée, portée par des personnes qui m’ont tendu la main et ne m’ont jamais lâchée. Je sais au plus profond de moi que cette force qui m’habite je l’ai construite, faite grandir, nourrie grâce aux autres.

Tout en écrivant, je regarde dans ma chambre les photos de mes amis, de ma famille, de mes voyages, de nos moments de joie. Les larmes coulent le long de mon visage. Ça ressemble à quoi une vie sans ça ? Je ne suis pas à plaindre, j’ai tout eu. Je les plains eux. J’ai de la peine pour eux. J’imagine qu’ils ont été privés de tout ça, ils n’ont peut-être jamais connu la sensation d’être aimés. Ils n’ont peut-être jamais ressenti ce sentiment puissant d’être en vie.

Car pour décider de tuer de la sorte, il faut avoir côtoyé la mort.

Globe-trotteuse et auteure du livre “Hémisphères en mouvement”, le voyage est pour moi une quête de sens et d’identité, une initiation à des prises de conscience et des transformations. En route vers un voyage intérieur !

J’anime également des ateliers qui associent intelligence collective et émotionnelle, afin de se (re)découvrir sous différents aspects de notre potentiel.

N’hésitez pas à me contacter et à me suivre sur les réseaux sociaux !

Facebook — Hémisphères en mouvement

Facebook — Développons notre potentiel

Twitter, Instagram, LinkedIn

--

--

Marion Soeur Warain

Auteure, thérapeute hypnose humaniste et danse intuitive, globe-trotter, humaine passionnée ! http://marionsw-devenir.com