Le futur de la réalité virtuelle : Bienvenu dans la Matrice
Quoi ?
Début février dernier, le CHU d’Angers annonçait qu’un patient atteint d’une tumeur au cerveau venait d’être opéré sans anesthésie et grâce à la réalité virtuelle : une première mondiale. Au même moment, Laval accueillait pour la 17ème fois Laval Virtual, un des plus grand salon de la Réalité Virtuelle au monde. L’occasion de faire le bilan sur les évolutions et les perspectives de la Réalité Virtuelle à l’aube de son grand déploiement.
Avec des investissements qui représentaient 1,1 milliards de dollars pour le premier trimestre 2016, contre 692 millions sur l’ensemble de l’année 2015, la Réalité Virtuelle semble être “le” nouvel El Dorado. Elle semble aussi suivre la loi de Moore et promet de s’étendre rapidement à la consommation de masse dans une multiplicité de domaines autour d’une grande promesse : abolir l’unité de lieu et de temps.
Comment ?
Réalité virtuelle & business : Dépensez mois pour impliquer plus.
Jusqu’ici élevé, le coût des technologies RV cantonnait leur usage aux industries lourdes (défenses, supply chain, construction) principalement dans le domaine de la formation. La formation par RV permettant d’éviter les sur-coûts liés à la construction d’infrastructures dédiées, aux erreurs, et bien sur à la formation IRL. L’idée : permettre aux employés d’usines par exemples de se former sur une chaîne de montage virtuelle sur laquelle ils pourront faire les nécessaires premières erreurs, et d’arriver déjà formés sur leur plan de travail réel. Selon Alexandre Bouchet, Research Development Manager chez Clarte, ces logiciels pionniers de la RV évoluent déjà vers moins de mécanique et plus d’humain. En partenariat avec DCNS, ils ont développé un programme de formation pour la manœuvre des hélicoptères sur les navires de combats. Le plus : un scénario construit comme un gameplay où les apprenants travaillent en équipes et sont soumis aux mêmes aléas et imprévus dangereux qu’en conditions réelles.
Même dans le domaine apparemment austère et mécanique de la formation, la réalité virtuelle se dirigera vers plus d’humanité et d’incarnation selon notre interlocuteur :
“De plus en plus de clients veulent que les apprenants puissent échanger de manière naturelle dans les simulations, que le formateur puisse sentir que l’apprenant est stressé ou énervé. Là où avant il suffisait de mettre des ronds pour symboliser les mains et la tête, on nous demande aujourd’hui de restituer tous les mouvements du corps. Et demain on me demandera sûrement “je veux voir quand il sourit”.”
Dans ce cadre d’infrastructures coûteuses, la RV peut aussi être utilisée comme un formidable outil d’aide à la décision et vous faire économiser beaucoup d’argent. Typiquement, une municipalité décide de se lancer dans la construction d’un stade, après des mois de travaux longs et coûteux, on réalise que la moitié des issues de secours sont inaccessibles au fauteuil roulant classique. Bilan : on repart pour des mois de travaux longs et coûteux. Avec la RV vous pouvez visiter virtuellement vos futurs équipements (appartement, porte-avion, usine…) et constater bien en amont les problèmes potentiels.
La réalité virtuelle au delà de l’entertainment
Dans les secteur de la grande consommation la RV promet de devenir une puissante incitation à l’achat. On imagine déjà l’usage que pourraient faire de cette nouvelle technologie les entreprises d’ameublement. IKEA s’est déjà positionné sur le domaine de la réalité augmentée il y a quelques années avec son application catalogue, permettant de positionner dans son salon les meubles du fabriquant suédois. En réalité virtuelle vous commencerez à meubler votre appartement sur plan en étant toujours sur que votre canapé rentrera parfaitement dans votre salon. De manière moins littérale on pourra visiter en VR l’appartement d’un influenceur, d’une blogueuse connue et acheter en ligne au cours de la visite nos meubles préférés, visiter des showrooms depuis son propre selon pour refaire son ameublement.
Pour l’agence de voyage Thomas Cook, Visualise a créé en 2015 “Try before you fly”, une expérience de tourisme en RV pour choisir sa destination. Le résultat? Une augmentation de 180% de revenus sur les excursions new-yorkaise, la destination promue sur le logiciel.
Les nouveaux “nudges”?
Combien de personnes inscrites à des MOOCs vont jusqu’au bout du cours? En général, moins de 10%. Et si la réalité virtuelle permettait de remotiver les élèves en recréant un lieu social d’apprentissage? C’est le pari de VR lecturer, une startup qui vient de lever 15 millions de dollars pour créer des salles de classe en réalité virtuelle pour accompagner les MOOCs et réunir les apprenants. Et si en suivant le même principe on résolvait la crise de l’immobilier parisien en créant des open spaces en RV? (Pour en savoir plus sur la tendance de la disparition du lieu de travail c’est ici).
Combien des lecteurs de cette page ont déjà payé un abonnement à une salle de sport pour ne jamais s’y rendre? Et si demain vous pouviez trouver votre Everest à deux rue de chez vous? Plutôt que de se fatiguer dans une salle de sport aux murs gris, et à l’odeur douteuse, la RV transforme votre séance d’exercice en un voyage : aviron sur l’Amazone, course à pied sur la muraille de Chine, ou concours de levée de poids avec vos amis qui s’entraînent dans une autre salle quelque part dans le monde. Holodia, startup qui a fait le pari de la RV pour transformer l’exercice et véritable expérience à la fois belle et ludique, vous permet déjà de faire du rameur dans l’antique cité de Babylone ou dans les nuées.
Bienvenu dans la matrice
On l’a vu, la réalité virtuelle nous permet déjà de faire beaucoup plus que des jeux d’arcades, et ce n’est que le début. Dans 10 ans, à quoi ressemblera ce monde où nous serons tous équipés d’un casque de RV?
Le deuxième grand défi de la VR après les émotions, c’est le toucher. Un champ déjà exploré par l’industrie pornographique et les teledildonics (les sextoys connectés). Aujourd’hui, la teledildonic se limite principalement à la stimulation sexuelle pure. Dans l’avenir on imagine des exosquelettes capables de retranscrire la moindre caresse. Un appareillage qui permettra plus largement de faire un bon de géant dans le futur de la réalité virtuelle, et d’imaginer un futur dans une matrice plus vraie que nature, et surtout beaucoup plus agréable.
Philip Rosedale, créateur de Second Life est déjà sur le coup avec son nouveau projet de métavers (un univers virtuel peuplé d’avatars) High Fidelity. Le but annoncé de ce projet? Créer un univers utopiste débarrassé de tension sociales, où n’importe qui pourrait avoir accès à des expériences normalement réservées aux plus riches.
Certes on le devine déjà, la fuite hors du réel promise par la VR amènera rapidement sont lot de critiques. Pourtant cet échappatoire peut aussi être un moyen de procurer des oasis de bonheur à des gens placés dans des situations extrêmement dures. La NASA réfléchit déjà à la manière dont la réalité virtuelle pourrait rendre supportables les longs voyages spatiaux en permettant aux astronautes de se ménager des plages de voyages dans des paysages terrestres. Les malades en fin de vie pourraient retrouver le plaisir d’un après-midi à la campagne, les anciens sportifs handicapés retrouver la sensation d’un descente en ski.
