Le jour d’après

Léa Douhard
4 min readNov 10, 2016

Mes pensées en vrac écrites sur mon téléphone depuis un café de Haight Ashbury, San Francisco, le 9/11/16, le jour d’apres.

21:30, 8/11/16. SOMA Steat Food Park, San Francisco

Hier soir j’étais au SOMA Streat Food Park à San Francisco pour vivre en direct les résultats de cette terrible élection. Ambiance sympa, bobos et expats à gogo en train de faire la queue aux dizaines de foodtrucks sur la place et arborant fièrement des stickers “I’m with her” et “feel the Bern”. Puis au fur et à mesure de la soirée, la désillusion, le stress qui monte à chaque nouvel état remporté par le candidat républicain.

“Je ne comprends pas, je ne connais pas une seule personne dans mon entourage qui vote Trump!”

Ces mots sur toutes les lèvres et à la fin de la soirée, un constat d’effroi : “comment peut on être si déconnecté ?”

Timeline de notre soirée via NYT Graphics

Polarisation des extremes

En 2011 l’auteur américain Cass Sustein dénonçait déjà les effets de réseaux, de plateformes, de recommandations et leur impact sur la diversité des opinions : nous vivons dans des bulles constituées par nos medias préférés, nos feeds Facebook et Twitter, uniformisés par les algorithmes de recommandations formatés pour pousser le contenu qui correspond exactement à nos opinions. On pense que tout le monde voit la même chose que nous sur Google alors qu’il n’y a pas de bouton «exotisme» ou «diversité» : on voit ce qu’on cherche donc ce que l’on veut voir et rien de plus.

Ce week-end j’ai traversé en voiture la Californie d’Ouest en Est pour faire San Francisco-Yosemite, grandiose parc naturel à la frontière avec le Nevada (qui a voté bleu aussi! 🇺🇸). Le long de la route bordée par des oliviers, des ranchs, des vieilles usines, on a vu des gros panneaux publicitaires appellant à voter Trump et rappelant que Trump avait financé ceci ou cela dans la région. On savait que rien n’était joué!

Le résultat d’hier est peut être un choc mais pas une surprise!

Sortir de sa bulle, ouvrir les yeux, engager le dialogue

Ces gens qui ont voté Trump et qu’on insulte de tous les noms sur les réseaux sociaux depuis hier, ces gens qu’on méprise de façon générale dans les medias toute l’année, ces gens là partagent en fait le même constat que nous : désillusion envers notre système politique, défiance envers les élites, envie de renouveau.

On leur répond avec des CivicTech, des consultations citoyennes, on leur assure que des voies alternatives sont possibles. Mais ils ne se sentent pas concernés DU TOUT. Ce sont nos moyens d’action. Quels sont leurs moyens d’action pour exprimer leur ras le bol ? Ils nous répondent “il faut peut être tomber au plus bas pour mieux rebondir”. Alors ils votent. Et on ne va quand même pas les en blâmer !?

Il faut ouvrir les yeux !!! Penser un discours et des outils beaucoup plus inclusifs est essentiel !

Plus que jamais l’éducation a un rôle essentiel pour décider dans quelle démocratie nous vivrons demain

Dans l’avion pour SF, j’ai lu un article du Courrier international faisant le lien entre le déclin de l’école américaine et la montée des populismes et l’engouement pour Trump. De façon hallucinante l’article dénonçait les pédagogies progressistes (John Dewey, l’enseignant guide plutôt que maître, l’apprendre a apprendre et tout le toutim!) pratiquées depuis un demi siècle dans les écoles américaines et leur effet sur l’augmentation des inégalités et l’apparition de “the dumbest generation” (Mark Bauerlein, 2008) dépourvue d’éducation civique et culturelle et de pensée critique.

Je passe mes journées à prôner et à travailler ces pédagogies! Comment, on serait responsables de tout ca!? Personnellement je ne crois pas du tout qu’un socle commun de connaissances historiques, civiques, culturelles soit incompatible avec ces pédagogies bien au contraire ! De nombreux exemples et recherches le montrent. Le problème c’est que tous les enfants n’ont pas accès à ces façons d’enseigner qui sont souvent l’apanage des écoles alternatives et payantes.

Un débat sur la pédagogie sera nécessaire pour former les citoyens de demain. Mais pas un éternel débat idéologique opposant élitisme et méritocratie, remettant la faute sur une pédagogie plus ou moins progressiste. Un vrai débat constructif rassemblant toutes les parties prenantes et ouvrant une voie alternative et inclusive pour former des citoyens créatifs, solidaires, capables de prendre des décisions raisonnées dans un monde de plus en plus guidé par l’algorithme, de penser des services publics tournés vers l’utilisateur, d’écouter et d’intégrer la voie du peuple.

Nelson Mandela disait: “l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde”

Ça me rend dingue de lire tous ces commentaires rageux sur la supposée stupidité des gens qui ont voté Trump ou FN aux dernières régionales. On ne peut décemment pas s’enorgueillir de faire partie des gens “qui savent” et en même temps contribuer à cette division mortifère entre les gens.

Il est urgent d’engager le dialogue, de donner accès à l’information, d’expliquer les mensonges des candidats populistes et leurs trahisons à venir.

Il est urgent d’intégrer la composante éducative au débat sur les CivicTech. C’est tout l’objet de notre barcamp “CivicTech for learning” organisé dans le cadre de l’Open Government Partnership Global Summit le 8/12 prochain à 12:45 à Paris. Alors si vous avez envie d’agir dans ce sens, notez bien la date et rejoignez nous!

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Léa Douhard

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