Management Y

Pierre Ammeloot
11 min readJul 12, 2015

Quelques réflexions au sujet du management de la génération Y

La génération Y fait couler beaucoup d’encre. Voici quelques pistes de réflexions personnelles pour décoder le Management de la génération Y.

Genèse

J’entends partout que la génération Y est difficile à manager.

Né en 1989, la même année qu’internet, je suis de cette fameuse génération Y.
Je suis actuellement CTO Freelance. Laissez moi vous expliquer ce qui m’anime au quotidien et quelques pistes de réflexion sur ma pratique de ces 11 dernières années.

Côté pile, j’ai une formation technique en réseau, télécommunication et développement.
Côté face, j’ai la chance d’avoir un environnement familial fortement entrepreneurial et d’avoir été formé à l’animation par les Salésiens de Don Bosco. Eux enseignent la pédagogie de la confiance, c’est cette pédagogie qui me guide quand je me retrouve seul face à des décisions complexes et ayant un impact pour mon environnement.

Génération Y

Pour commencer voici un court rappel de ce qu’est la génération Y

La génération Y regroupe des personnes nées approximativement entre le début des années 1980 et le début des années 2000. L’origine de ce nom a plusieurs attributions : pour les uns il vient du « Y » que trace le fil de leur baladeur sur leur torse ; pour d’autres ce nom vient de la génération précédente, nommée génération X ; enfin, il pourrait venir de la phonétique anglaise de l’expression « Y » (prononcer waɪ), signifiant « pourquoi ».

Les Américains utilisent également l’expression “digital natives” pour pointer le fait que ces enfants ont grandi dans un monde où l’ordinateur personnel, le jeu vidéo et l’Internet sont devenus de plus en plus importants.

Le succès de la notion de génération Y dans les entreprises prend appui sur le déphasage entre les besoins et attentes des jeunes de la génération Y et le mode de fonctionnement de l’entreprise. Le fossé générationnel s’expliquerait par une accélération du changement, l’apparition des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), une hiérarchisation différente dans les transmetteurs de valeurs. L’Église, l’armée voire la famille seraient moins influents que ne le seraient l’Internet, la télévision voire les réseaux relationnels.

Source : Wikipédia

Mode d’emploi

Ces réflexions sont organisées en chapitres sans ordre particulier :

  • Agir avec pédagogie
  • Rendre autonome
  • Etre factuel
  • Accompagner
  • Faire grandir
  • Être transparent

Agir avec pédagogie

La pédagogie Salésienne

Une pédagogie de la confiance

“Moi j’ai fait le brouillon, vous, vous mettez les couleurs” aimait répéter Jean Bosco à ses disciples qui avaient pris pour nom “salésiens” en référence à François de Sales, le saint évêque connu par sa douceur et son optimisme de fond, sur l’homme et sur le monde.
Ainsi la pédagogie salésienne, loin de constituer un système bien articulé de considérations d’ordre théorique sur l’éducation, est beaucoup plus à recevoir comme fruit d’une expérience, d’un art éducatif développé par le fondateur à
une époque caractérisée, comme la nôtre, par l’ampleur des mutations et la difficulté de la jeunesse à trouver sa place. Il s’agit d’une approche très pragmatique de la pédagogie. ‘’Eduquer à la manière de Jean Bosco” ne pouvant signifier reproduire ce qu’il a fait, mais réinventer à sa manière.

La confiance est le principe méthodologique de la pédagogie salésienne. En manifestant d’emblée sa confiance vis-à-vis de chaque jeune accueilli, l’éducateur lui permet de reprendre confiance en lui-même, condition indispensable pour être à son tour capable de faire confiance.

L’instauration de cette relation de confiance n’est possible que si le jeune se sent accueilli, avec ses difficultés. « Sans affection pas de confiance, sans confiance pas d’éducation ». Tel est le mouvement de la pédagogie salésienne.

Cette affection doit être, selon Jean Bosco, authentique, inconditionnelle (elle ne doit prêter à aucun chantage affectif qui ne pourrait que perturber gravement la relation éducative), exprimée (il faut que non seulement les jeunes soient aimés, mais qu’ils se sachent aimés) et chaste (nous entendons par ce vieux mot de chasteté une gestion de l’affectivité qui n’enferme pas le jeune dans le propre désir de l’éducateur, mais qui veille à rendre autonome l’affectivité du jeune).

Source : Jean-Marie PETITCLERC, Salésien Don Bosco

L’équipe est une somme d’individualité

Été 2009, j’étais animateur lors d’un camp en plein air, je n’avais pas encore compris à quel point animer chaque individualité d’un groupe est important avant de chercher à animer l’équipe au complet.
Depuis j’ai décidé d’apprendre à connaître chaque membre de son équipe avant de la diriger. Cette leçon de vie avec des jeunes en 2009 m’a permis de comprendre “dans la douleur” que chacun doit se sentir considérer pour ce qu’il est AVANT de considérer une équipe dans sa globalité.

Un management de la confiance

Mon approche du management est influencée par la pédagogie Salésienne. Une pédagogie de la confiance. Quand je prends la responsabilité d’une équipe je mets cette confiance en chacun de ses membres. La confiance aux autres demande de se faire confiance à soi même. Je suis intimement convaincu que la confiance amène l’autonomie. Cette autonomie indispensable dans un monde devenu complexe à appréhender pour une seule personne.

En tant que responsable d’équipe (autrement dit “manager”), je ne suis pas ce chef tyrannique qui détient la connaissance, qui tranche et qui sait tout mais plutôt un leader qui montre le chemin et qui emmène l’équipe. Leader toujours en première ligne pour ouvrir la voie et aussi éclairer le chemin pour que les autres se sentent accompagnés.

Pour moi une personne formée et en sécurité donnera le meilleur d’elle même. C’est pour cela que nous fêtons en équipe chaque victoire et que je prends à bras le corps nos erreurs afin de ne plus les reproduire. J’ai pour habitude de dire :

“si mon équipe a un problème, alors moi en tant que manager, j’ai un problème”.

Dans ce cas de figure il est important de prendre le temps de comprendre les fondements de ce problème afin de trouver une solution pérenne. Je suis ravi car j’ai régulièrement de nouveaux “problèmes” qui me sont soumis ce qui veut dire que ceux qui ont déjà été rencontrés ont trouvé une solution durable et qu’il y a de nouveaux défis à relever.

Quelle joie de voir des personnes avec qui nous passons du temps grandir, prendre confiance en elles et donner le meilleur d’elles même. L’objectif est pour moi, lors de chacune de ses rencontres, chacun de ces chemins de vie croisés, que la personne en face de moi reparte avec plus que ce avec quoi elle est arrivée.

Rendre autonome

Je suis ton “pair” !

Tout ce qui est lié à la production chez nous (mise en ligne d’un site client, envoi des devis, facturations, etc.) ne demande pas de validation de la direction avant de continuer.
Nous demandons à l’équipe que le travail soit validé par un de leurs pairs avant de partir au client. Idéalement un pair qui n’est pas impliqué dans le projet.

Cette façon de faire a les avantages suivants :

  • elle permet une connaissance transverse des projets,
  • cela permet à chacun de se sentir responsable de ce qu’il fait,
  • le processus est accéléré car un “chef” (au sens “autorité qui a le dernier mot”) n’a pas à intervenir.

Bien sur la direction peut intervenir en tant que “pair” à la demande d’un membre de l’équipe.

Ne pas être indispensable

Je refuse d’être au sein de mon équipe un SPOF (acronyme anglophone de “Single Point Of Failure”, que l’on peut traduire en Français par “un point unique de défaillance”). Cette personne sur qui chacun compte et qui fera le job en cas de défaillance de l’équipe. Non, ce n’est pas la solution. Je ne souhaite pas être un “Super Héro” déchargeant les membres de mon équipe de leurs responsabilités à la moindre difficulté rencontrée pour le faire par moi-pomême. Je préfère être celui qui va prendre le temps de s’arrêter et de l’accompagner pour que cette personne trouve une solution par elle même. En l’aidant à prendre du recul sur la situation vécue et en mettant des mots sur le problème afin d’identifier les solutions possibles. Bien souvent la solution est trouvée par la personne concernée qui me remercie. Je ne fais rien d’autre qu’aider à accoucher la solution sans jamais l’avoir porté en moi pendant tout ce temps.

Je suis entouré de gens compétents, beaucoup plus compétents que moi dans leurs tâches quotidiennes tout simplement car ils font cela à longueur de journée alors que moi je travaille plutôt en transverse jonglant avec plusieurs dizaines de métiers au quotidien.

Aimer son équipe

Quand mes amis me demandent des nouvelles de mon travail j’ai pour habitude de dire que j’aime profondément chacun des membres de mon équipe. D’un amour vrai et sincère. Utiliser le terme “amour” pour parler de relation de travail peux paraître exagéré et pourtant il n’en est rien. J’ai choisis les personnes avec qui je travaille après qu’eux m’aient choisis.

J’ai beaucoup de plaisir à passer du temps avec mon équipe, ils m’apportent beaucoup plus que ce que je leur apporte au quotidien. J’aime sincèrement chacun des membres de mon équipe et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour les soutenir et les accompagner dans leur réussite professionnelle.

Etre factuel

Gentillesse versus Justesse

Dans tout ce que je fais j’essaie d’être le plus juste possible de façon factuelle et non émotionnelle.

J’ai donné entre 2012 et 2015 une vingtaine de jours de cours par an entre Lausanne, Genève et Annecy. Je suis régulièrement jury de diplôme. J’ai l’occasion de croiser plus de 150 étudiants tous les ans.

Mes étudiants me font souvent le retour qu’ils aimeraient m’avoir en jury car “je donne de bonnes notes”. Je leur explique à ce moment là que ce n’est pas leur rendre service que de donner des bonnes notes sans justification. Je ne suis pas gentil quand je note par contre j’essaie d’être le plus juste possible. D’analyser le travail fourni et le niveau requis. C’est un jeu d’équilibriste parfois complexe. Il est souvent plus difficile de donner une mauvaise note qu’une bonne. Par contre je m’attache toujours à être le plus juste possible et à expliquer afin que cette note soit constructive.

Dans le cas du management de mon équipe je ne suis pas là pour mettre des notes mais pour m’assurer que chacun produise correctement (en terme de délais, de qualité et de constance) et que chacun continue à apprendre car nos métiers sont en perpétuelle mutation.

Quand nous établissons nos objectifs je m’assure toujours qu’ils soient atteignables et qu’ils soient bordés dans le temps. Rien de pire pour la motivation qu’un objectif non atteint qui perdure indéfiniment.

Accompagner

Manager l’exception

Je fais confiance aux personnes avec qui je travaille. Sûrement parce que je suis moi même plus productif quand on me laisse faire et aussi parce que cela permet aux solutions d’émerger de mes collaborateurs sans que j’ai moi même à intervenir. C’est plus productif, plus gratifiant pour eux et cela me libère beaucoup de temps.

Cela permet de responsabiliser chacun et de ne pas être, en tant que manager, le point de passage obligé pour chaque décision aussi minime soit elle.

Pousser l’équipe le plus haut possible

En tant que manager j’ai une fonction de support. J’essaie d’être présent dès que possible au bureau malgré les rendez-vous et représentation quotidienne d’un chef d’entreprise. Je reste le plus disponible possible pour eux. Ils ont la possibilité de me joindre à tout moment que ce soit par email, Skype ou téléphone. Selon le niveau d’urgence ils choisissent un outil plutôt qu’un autre.

Protéger l’équipe

Il est essentiel de prendre des vacances et de supporter ses équipes face au client.

Pour moi un bon manager doit savoir porter son équipe le plus haut possible mais aussi et surtout la protéger !

Une petite histoire vécue, dans une de mes précédentes expériences j’ai eu un changement de manager en début d’année civile. Il a découvert que j’avais un reliquat de 8 jours de vacance à prendre de l’année précédente. Il est venu me voir et m’a dit à peu près cela : “Pierre, il est 9h, tu as jusque 12h pour poser le solde de tes congés de l’année dernière. Tu en as besoin. Choisis la semaine que tu veux je m’occupe du reste.”.

La (mauvaise) raison pour laquelle je n’avais pas pris de vacances avant ? Ce n’était jamais vraiment le bon moment avec mon ancien manager. J’étais trop “indispensable” au bon fonctionnement de l’entreprise. N’ayant pas ressenti le besoin impérieux de prendre des vacances j’avais laissé cela de côté.

A force j’étais dans un état de fatigue avancée et ma productivité s’en ressentait.
Mon nouveau manager avait bien compris une chose :

le travail est une course de fond, pas un sprint.

L’ayant vécu douloureusement je l’applique maintenant à mon équipe systématiquement. Je prends le temps de m’assurer qu’ils n’oublient pas de prendre leurs vacances.

Si un membre de mon équipe à un problème cela veut dire que j’ai un problème.

En cas d’erreur d’un, ou plusieurs, membre de l’équipe en tant que manager nous avons l’impératif de nous mettre entre le client et l’équipe. Quelle que soit la situation, quelle que soit la faute présumée. Il n’a jamais été constructif de lyncher quelqu’un pour ses erreurs.

Au contraire le fait de reconnaître l’erreur au nom de l’entreprise et d’assumer ses responsabilités de manager permet à tout le monde de ressortir grandi de cette expérience. Cela permet de corriger l’erreur, afin que l’équipe apprenne de la situation et de ne pas reproduire la même erreur la fois suivante.

Faire grandir

Réinventer la formation

Inciter le monde de l’entreprise et le reste du monde à se côtoyer.

La formation en entreprise coûte cher, elle n’est pas adaptée pour les domaines du web car trop générique et peu en phase avec la réalité du quotidien pour un spécialiste. De plus cela implique que le collaborateur soit absent un à plusieurs jours ce qui à un impact sur le reste de l’équipe de production, encore plus dans une petite structure.

Nous avons mis en place des “Learning Lunch”, nous invitons sur le temps de midi une fois par mois un spécialiste externe à l’entreprise. Cela peut être un indépendant, ou un salarié d’une autre structure. C’est l’entreprise qui invite tout le monde pour le repas.

Les personnes concernées dans l’entreprise et la personne invitée échangent librement sur tous les sujets qu’ils souhaitent aborder sans filtre.

L’entreprise se met à nu, accepte de présenter ses réussites et ses échecs.

C’est un échange constructif qui apporte à l’équipe technique un point de vue extérieur sur leurs défis quotidiens et qui apporte une vue différente aux intervenants externes.

Nous avons eu l’occasion de faire intervenir

  • un développeur,
  • une journaliste,
  • la community manager d’un grand groupe dans le monde du luxe,
  • des créateurs de startups,
  • un pizzaiolo,
  • etc.

Les développeurs ont eu l’occasion d’échanger avec un spécialiste de l’intégration “front-end” (le fait de transformer un design en page web avec HTML et CSS). Cela a permit d’améliorer la qualité du code produit chez nous et d’échanger sur les méthodologies permettant d’industrialiser encore plus nos processus de développement.

Les “community managers” ont eu l’occasion d’échanger sur leur pratique avec une journaliste en lui posant des questions ciblées sur la manière d’approfondir un sujet et d’écrire dessus du contenu de qualité régulièrement. Notre journaliste a eu l’occasion d’échanger sur les outils et méthodologie permettant d’industrialiser le travail d’animation de communauté. Le fait de pouvoir échanger avec une community manager venant d’un annonceur prestigieux et de découvrir son quotidien permet de mieux comprendre comment se placer en tant que partenaire dans la relation que nous avons avec nos clients.

Nous sommes en train de mettre cela en place avec d’autres structures similaires à la notre sur Annecy afin d’échanger d’équipe à équipe librement et de façon constructive pour la formation continue de nos équipes respectives et l’augmentation de la qualité produite pour les clients.

Les équipes sont en demande de temps privilégiée avec des spécialistes externes afin de sortir la tête du guidon et de prendre du recul sur leur travail. La mise en place des “Learning Lunch” a permis de continuer à assurer une formation de qualité aux équipes tout en leur montrant que la transparence fait partie de notre ADN.

Être transparent

La transparence est essentielle. Tout élément passé sous silence alimente les fantasmes des uns et des autres. Et en même temps pour la direction d’une entreprise il est difficile de tout dire pour éviter les effets d’annonces non suivies d’action.

Et vous comment, faites-vous avec vos équipes Y ?

Pierre

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