— par Mathieu Aribart et Jérémy Mahieu, parution initiale pour l’ADN Magazine, mars 2015.

Le nouveau cool est-il Français?

Brass Stories
Brass Stories
2 min readMay 13, 2015

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De la prose couture du Feu! Chatterton au surréalisme de Moodoïd.
Des cadences maudites du Grand Blanc à la logorrhée cathartique de Fauve. La plume chantée en français connaît depuis quelques temps plus qu’un renouveau inattendu: un petit Âge d’Or.

Fut pourtant une époque pas si lointaine où les quota radio francophones agissaient en repoussoir, en un remarquable effet de psychologie inversée.

Alors obnubilée par les dernières grandes heures d’un Mtv vendeur de cool à l’américaine, la France musicienne semblait complexée par sa langue trop aimable. Beaucoup insistaient pour chanter en rosbif, quitte à se cacher derrière un yaourt parfum grenouille.

L’industrie, elle, y allait régulièrement de son constructif “z’êtes Français? Chantez en français!” qui vous assignait deux ou trois auteurs à gages en studio… Cf le milieu du clip de Mr. Laurent Garnier par Quentin Dupieux.

A l’aune des changements opérant dans l’industrie fin 00s, les artistes reprirent cependant la main sur leurs projets & communications. Ce renouvellement du game au début de cette décennie finit par faire tomber la perception de contrainte jusque là trop souvent attribuée au français.

La Femme — Sur La Planche, version originale de 2010. Le genre de track typique qui a changé le regard du public sur le français entre 2010 et 2013. On pourrait aussi citer Lescop ou Frànçois & the Atlas Mountains.

Certains réussirent à retravailler cette nouvelle friche avec bonheur, loin du formatage Chanson habituel, montrant qu’on pouvait en bâtir la hype.

Puis le Fauve surgit, premier surpris de l’emballement contagieux à son égard. L’enthousiasme qui l’a entouré fut un indéniable catalyseur pour la scène francophone, tant par l’attention qu’il commanda, que l’émulation artistique qu’il provoqua.

Si la qualité de la production a bien suivi, les répercussions de ce phénomène le dépassent.

Elles nous montrent d’abord qu’un public toujours préconçu abêti est encore possiblement touché par un message fin & empathique dépassant les 150 mots par chanson. Peut-être parce qu’il satisfait ce besoin d’épanchements sensibles, endémiques de réseaux sociaux volontiers mélancoliques…

Feu! Chatterton — La Mort dans la Pinède. Le hors-format typique, mais qui cartonne.

Cette jeune scène est ensuite riche d’esthétiques atypiques complètement hors-format.

Morceaux grillant souvent les 3"30 réglementaires. Structures à tiroirs complexes. Sonorités dérangeantes. Absences récurrentes de véritables refrains. Propos pas toujours feel good.

Des caractéristiques qui figurent d’ordinaire sous la colonne “Non-non” des codes de l’A&R classique. Adaptée au web plus qu’à la radio, la tendance a pour vertu de faire bouger les lignes de l’industrie.

Enfin, loin de vouloir discréditer nos représentants anglophones les plus créatifs, ce mouvement nous éloigne d’un travers trop couru: le calque anglo-saxon. Cette aspiration au Foals hexagonal, au Grizzly Bear français ou à l’Alt-J tricolore… ça marche ailleurs faisons -à peu près- la même!

Qu’on l’aime ou non, cette ré-appropriation décomplexée du français évite ce piège et enrichit une scène domestique devenant par là plus authentique, risquée, excitante…

En un mot, fraîche : cool.

Alors cocorico les amis!

— Mathieu & Jérémy, pour Brass.

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