Parents/École, Mais Pourquoi Tant De “Haine”?
Dans notre culture, ou plus largement notre civilisation, celui qui éduque a le pouvoir, la vérité, le savoir, la maturité, la sagesse. Il est légitime, il a un statut particulier, et il est reconnu de tous en règle générale. L’éducation est une affaire de famille, mais aussi des institutions éducatives qui vont se “charger” de nos enfants pendant plusieurs années.
L’éducation n’est pas une question de pouvoir, mais de partage et de communication, d’ouverture à autrui
Depuis plus d’un siècle, le système éducatif français semble, à mon sens , mettre en jeu l’autorité familiale. Les relations entre les parents et les acteurs de l’institution scolaire républicaine et laïque sont tendues, conflictuelles et ne s’arrangent pas. Il y a comme une course à la légitimité, au pouvoir. Qui de l’un (l’école) ou de l’autre (les parents) exerce le mieux son pouvoir sur l’enfant. Est-ce bien cela le sens de l’éducation? L’école ne devrait-elle pas avant tout libérer les esprits et rendre autonomes les élèves? Les parents ne devraient-ils pas non plus se concentrer davantage sur le développement du savoir-être mais aussi la connaissance de leurs enfants? Chacun de ces acteurs cherchent à savoir qui a plus de légitimité, de pouvoir pour décider de ceci ou de cela “dans l’intérêt de l’enfant?” Un rapport de méfiance et de défiance s’est installé entre les parents et l’école. De plus, le sentiment qu’une éducation réussie ne se fait qu’avec contrainte et soumission reste malheureusement persistant en France.
Il faut donc expliquer ce qu’est l’autorité pour comprendre pourquoi nous avons tous éludé la définition de l’éducation. L’autorité est le pouvoir de commander et d’être obéi. Dans la pensée commune, L’autorité est l’ordre établi, elle s’impose à tous. Elle est souvent associée au pouvoir étatique et religieux. Elle fait loi, et elle est aussi synonyme de vérité. Derrière la représentation de l’autorité, il y a l’idée du sacré. L’autorité est garante de la justice. Dans ce cas, elle peut avoir une connotation méliorative, Les figures d’autorité sont incarnées au travers de personnalités emblématiques, religieuses, politiques, paternelles.
Aussi pourrions-nous ajouter qu’avec l’autorité on exerce un pouvoir d’influence sur autrui. À en juger les médias, les institutions culturelles et éducatives, la société accordent une grande importance aux figures d’autorité, elles nous fascinent par leurs « talents », leur « grandeur », « leur courage » car, quoiqu’on en dise, elles ont participé activement au changement du monde. Les figures d’autorité se retrouvent souvent à la tête de sociétés fortement hiérarchisées : la famille, les états, la société (classe sociale élevée), les entreprises, les écoles, les universités. Les représentations que l’on a de l’autorité sont les suivantes: rang social élevé, pouvoir, savoir, valeurs, sagesse, vérité, argent. On reconnaît des figures d’autorité par au moins l’un de ces ingrédients. Les figures d’autorité sont actives, puissantes, elles prennent des décisions pour les autres, elles changent le monde et sont souvent reconnues par le plus grand nombre. C’est ce que font en substance les parents et l’école toujours, bien sûr, dans l’intérêt des enfants…
Cependant, l’autorité suscite autant l’admiration que la crainte chez autrui. En effet, elle peut être confondue avec autoritarisme, totalitarisme, elle a, dans ce cas, une connotation péjorative. Lorsque l’autorité impose des lois des règles, un cadre trop rigide, inflexible, qui divisent le peuple, et qu’elle ne garantit plus la justice, elle est subie. Bien loin de son rôle rassembleur, structurant, porteur de règles et de valeurs, elle finie par être combattue, dénoncée, et condamnée. L’abus de pouvoir mène à l’esclavage d’autrui, en somme la négation pure et simple de la conscience de l’autre. Les enfants, les adolescents peuvent éprouver un sentiment d’étouffement lorsque l’environnement scolaire est fondé sur une pédagogie qui tend à faire accumuler du savoir à l’élève sans réel sens, ni objectif clair ou une éducation parentale trop autoritaire.
Nous comprenons ainsi que cette idée de l’autorité est permanente dans l’esprit des gens. Cette représentation de l’autorité, a évidemment des conséquences sur la relation parents/école, une relation largement asymétrique fondée sur le pouvoir.
parents : “C’est mon enfant, ma responsabilité vous n’y connaissez rien!”
Profs : “C’est mon élève, ma responsabilité, vous n’y connaissez rien!”
Le système éducatif français (éducation formelle) semble autoritaire, il veut s’imposer à tous, malgré ses manquements, ses difficultés et sa légitimité perdue
Comme je l’ai précisé dans mes articles précédents, en France le taux de décrochage scolaire reste élevé, et notre système éducatif est source d’inégalité et a pour conséquence le développement de la marchandisation de l’éducation (une éducation à deux vitesses). Cette transformation du paysage éducatif gêne ou pas selon la définition que l’on a de la « bonne éducation ». D’autre part, les élèves ne sont pas durablement accompagnés dans leur parcours scolaire pour déterminer un projet allant dans le sens de leurs aspirations.
Les parents se sentent démunis car insuffisamment écoutés et soutenus par l’institution scolaire. D’ailleurs de plus en plus d’élèves se désintéressent de l’école quelque soient leurs milieux sociaux, peu importe les réformes. L’école, quand elle n’a pas la pédagogie adaptée, est perçue parfois par les élèves comme aliénante, d’où cette quantité de décrocheurs chaque année, les parents ont de moins en moins confiance en l’école, l’évaluent, la défient. Les enseignants souffrent énormément de cette ingérence qui parfois s’exerce sur eux avec violence.
Face à cette ingérence de l’Etat (Education Nationale) , les parents (éducation non formelle) sont de plus en plus en quête de “parentalité”
L’identité parentale semble être ébranlée par cet encadrement strict de la fonction parentale. En effet, les institutions socio-éducatives (éducation formelle) ne reconnaissent pas les parents comme étant à même de transmettre à leurs enfants ces valeurs républicaines et laïques nécessaires au vivre ensemble. D’autre part, elles ne les considèrent pas non plus en capacité de comprendre les préconisations ou consignes (oui consignes!!!) des enseignants, ni d’avoir la compétence d’aider leurs enfants à être plus impliqués dans leur travail. Les parents se sentent incompétents et coupables de tous les maux qu’éprouvent leurs enfants. Le manque de soutien et de reconnaissance des parents est très difficile à gérer et provoque l’ire et parfois des comportements inadaptés vis-à-vis des interlocuteurs de l’éducation formelle.
Mais c’est quoi l’Education au juste!?
Comme chacun des acteurs de l’éducation (parents et école) pense avoir le monopole de la vérité, il faut donc définir avec précision ce qu’est l’éducation, ainsi, nous pourrons préciser ce que l’on est en droit d’en attendre (nous parents), pour nos enfants et pour la société.
Pour commencer à définir l’éducation, il faut savoir distinguer l’éducation scolaire de l’éducation familiale. Ainsi on peut être éduqué sans être allé à l’école et être allé à l’école sans être pour autant éduqué. L’école a d’autres fonctions que celle de la transmission du savoir, elle est un lieu de socialisation et de qualification, elle délivre des diplômes qui attestent des compétences que les élèves acquièrent. L’école est sensée former les élèves à apprendre à apprendre et à devenir autonomes, et libres idéalement. L’institution forme les élèves à un socle de connaissances précis (académiques, théoriques) et à des valeurs appartenant à une culture commune. On comprend bien que l’école ne peut en aucun cas prendre en charge l’ensemble de l’éducation de l’enfant.
Eduquer c’est augmenter le savoir, le savoir-faire, le savoir–être chez l’enfant mais aussi l’aider à devenir lui-même (êtreté). L’éducation familiale, est un processus par lequel des parents élèvent et éduquent un enfant depuis sa naissance jusqu’à son âge adulte. L’éducation familiale responsable consiste à encourager des comportements jugés positifs chez l’enfant. Les parents transmettent eux aussi des valeurs, du savoir, savoir-être, du savoir-faire à leur enfants.
L’éducation est donc la responsabilité de différentes parties prenantes: L’école et les parents, mais aussi la société. L’enfant se développe, se construit chez lui, à l’école mais aussi dehors de l’école (avec ses amis, ses proches, au travers d’activités extra-scolaires). L’école ne pourrait certainement pas assurer sa mission d’instruction sans des parents responsables et investis dans l’éducation de leurs enfants et inversement, les parents ne pourraient pas éduquer leurs enfants en toute quiétude sans une structure scolaire solide.
L’éducation renvoie donc à la formation globale d’un individu tant au niveau social, religieux, technique, et scientifique etc.
Conclusion
Pour construire un monde où les enfants sont à l’aise dans la relation à autrui, épanouis et heureux d’être ce qu’ils sont et acceptent de grandir plus aisément, il serait donc préférable que les adultes (parents et autres acteurs de l’éducation) soient davantage concentrés sur leur missions que sur le pouvoir que leurs statuts pourraient leur conférer. Sortir des jeux de pouvoir est la clé vers la reconnaissance réciproque des parties prenantes de l’éducation. Les liens pseudo hiérarchiques ne font qu’augmenter la méfiance et la défiance vis-à-vis d’autrui et ne mènent qu’à une déformation de la réalité du monde. En somme, les enseignants peuvent tout-à-fait apprendre des parents, et les parents peuvent apprendre des enseignants. C’est aujourd’hui la seule et unique solution.
Attendre que l’école change, est une erreur. Attendre que l’ensemble des parents changent l’est tout autant. De plus, rémunérer les parents délégués d’élèves pour les impliquer davantage dans la vie scolaire des enfants et mieux relayer les informations auprès d’autres parents n’est pour moi qu’un stigmate de l’influence et du contrôle que l’Etat providence veut encore avoir sur les parents et leurs rôles. Ce salaire n’est ni une marque de confiance et encore moins de reconnaissance vis-à- vis des parents. C’est une réforme symbolique comme il en existe d’autres, elle n’aura aucun impact sur la qualité des relations entre les parents et l’école. C’est un leurre.
Ce qui importe ici c’est ce que chacun individuellement change, et agisse en fonction de ses propres problématiques. Dans mon article “être parent”, j’ai voulu parler de mon rôle en tant que parent, et de mes priorités éducatives non pas pour donner des leçons aux autres, mais pour montrer que les parents sont responsables, uniques et imparfaits. Evoquer mes points forts, mais aussi de mes points d’amélioration, en prendre pleinement conscience, m’évaluer régulièrement (remise en question), c’est me donner la possibilité de trouver des solutions aux problématiques que je peux rencontrer avec mon enfant. En faisant confiance à mon réseau d’amis, en m’appuyant sur mes observations, mes émotions, mes lectures, le regard de mon enfant etc. je pourrais devenir un meilleur parent un peu plus chaque jour. Voilà ce que pour moi être parent signifie: ni statut, ni pouvoir. J’ai une mission et une responsabilité à remplir, dans le but de mener mon enfant vers un équilibre personnel et professionnel. Je passe le relai, c’est tout. Nous les parents, les enseignants et autres professionnels de l’éducation, sommes des passeurs, rien d’autre, il faut redescendre de son nuage!
Laila DUCHER