Pensées Quotidiennes

Thomas Despin
8 min readSep 22, 2015

#1 — Et si la vie était un jeu vidéo ?

par Thomas DESPIN
StartupCycling.co

Dimanche 20 Septembre 2015

C’est à ce moment-là que j’ouvre les yeux. Je jette un oeil à mon téléphone. 4h30. Trop tôt pour se lever. A travers l’ouverture latérale de ma tente, je vérifie que mon vélo est bien toujours là. Il l’est. Comme toujours. Patiemment appuyé sur sa béquille pendant que je me repose.

Du bruit. Des voix en fait. Celles de 4 adolescents qui semblent sortir de soirée. Bien arrosée, la soirée. Peuvent-ils me voir depuis où je suis ? Etait-ce vraiment une bonne idée de planter la tente si proche de la voie cyclable ? Hum. Passées les quelques secondes d‘incertitude, tout s’apaise. Je ne risque pas vraiment grand chose. Les gens sont bien plus inquiet de savoir “qui peut bien être dans la tente là haut?” que je ne suis inquiet moi-même de savoir ce qu’il se passerait si ils me voyaient. Je me rendors.

Un matin parmi tant d’autres

Plus je voyage, et plus je me rends compte que je peux dormir presque n’importe où. Cette pelouse est parfaite. Bien verte, et l’emplacement en hauteur contre les arbustes à l’ombre des lampadaires me semblait idéale quand je cherchais où je pourrais bien passer la nuit hier soir.

Le vent se lève. La pluie commence à tomber. Un frisson. Je me réveille à nouveau. 7h00. Je pourrai me lever maintenant. Mon vélo est toujours là. Et alors que le soleil se lève, j’aperçois l’épais brouillard qui recouvre la pelouse. “Merde, j’étais vraiment prêt de la piste cyclable en fait”. On est dimanche matin. Allez, moi aussi j’ai le droit à ma grasse mat’. Et puis ça caille, vraiment !

Je me rendors, blottis sous mon duvet, que j’utilise alors encore sous forme de couverture. C’est le genre de duvet qui te tient tellement chaud que tu transpires dedans même quand il fait moins de 10°C dehors. Alors je l’ouvre entièrement et me recouvre simplement avec. Comme une couverture quoi.

Vue ce matin depuis ma tente au réveil.

Ces derniers temps, j’essaye d’avoir un peu plus de confort et d’espace dans ma tente. Sur les 6 sacs que je transporte sur mon vélo (1 sur le guidon, 2 à l’avant, 2 à l’arrière et 1 rack pack par dessus), j’en laisse 2 sur le vélo, et le rack pack à l’extérieur. Après tout, ils sont étanches. Et j’ai plus de place pour m’étendre dans ma petite tente (MSR Nook pour les connaisseurs).

Finalement, c’est à 8h30 que je décide de me lever. Mon portable s’éteint juste après que j’ai regardé l’heure. Heureusement que j’ai une batterie externe presque pleine. Je le branche, et après 10% de recharge, plus rien. Hum. Ok, le cable est définitivement mort. A changer. Dommage, on est dimanche. Et quand on voit le niveau d’anglais des Finlandais, je vais m’amuser si j’essaye de leur demander quelle boutique est ouverte un dimanche pour trouver un cable d’iphone. Peu importe. Next step.

Je me lève et je commence à remettre mes sacs sur le vélo. Je dégonfle le matelas. Je range tout comme il faut. A force, je connais chacun de mes sacs par coeur et pourrais citer de mémoire exactement ce que chacun contient dans les moindres détails.

Le meilleur pour la fin. Il faut maintenant plier la tente. Elle est trempée. Entre la pluie, le brouillard et la condensation, la toile extérieure est détrempée des deux côtés. Je déteste vraiment devoir ranger ma tente quand elle est mouillée à ce point.

Ca veut dire qu’il faudra m’arrêter plus tard pour la faire sécher. Si j’oublie, ce soir je dormirai dans une tente humide, et y a plus agréable.. Bon, ça caille et j’ai pas envie de me plaindre pour de la flotte. On remballe ça et on retourne sur la route. Et avec le sourire s’il vous plaît ! :)

Le long de la route 110, qui traverse le sud de la Finlande de Turku à Helsinki.

Et si la vie était un jeu vidéo ?

Finalement, c’est un peu comme un jeu pour moi. J’ai l’impression de me balader dans un Monde que je découvre petit à petit. Avec un certain équipement. Des gens dont je ne comprends souvent pas la langue. Des objectifs. Des compétences qui évoluent selon les épreuves. Et des ressources pour remplir ces objectifs (argent, nourriture, énergie, etc.)

Chaque personne que je rencontre a sa propre histoire. Et je peux l’aider autant qu’elle peut m’aider. C’est selon les circonstances.

Ah oui, et là, je suis en Finlande, le 9ème pays que j’explore sur mon vélo depuis que je suis parti il y a 5 mois… et quelques. Plus précisément, aujourd’hui je suis dans la ville de Salo.

Ma mission actuelle, c’est de rejoindre Helsinki pour lundi 16h, moment à partir duquel je serai hébergé pour quelques nuits, avant d’entamer ma mission suivante : traverser la mer Baltique jusqu’à Tallinn en ferry puis traverser l’Europe jusqu’au sud, vers la Grèce, toujours sur mon vélo.

Il me reste 115km. Je suis dans les temps.

Je décide moi-même de mes missions, mais évidemment, s’ajoutent à ça les nombreux défis et imprévus que je rencontre sur le chemin.

Bon, et il y a aussi de nombreuses différences avec un jeu vidéo. Déjà, si j’en ai marre, je peux pas décider d’arrêter de jouer. La vie n’est pas le genre de jeu qu’on abandonne comme ça. Et puis, justement, de vie, on n’en a qu’une. Donc si on la perd, y a pas de reset, y a pas de checkpoint, pas de sauvegarde. Quand t’es mort… bah t’es mort.

Et enfin, y a quelque chose qui n’existe pas (vraiment) dans les jeux vidéos…

Ce sont les émotions, et les sentiments. La joie, la peur, l’anxiété, la surprise, l’émerveillement, la confiance, l’amour, etc.

Elles apparaissent selon ce qu’il se passe, selon ce qu’on vit, mais surtout selon comment on prend les choses qui nous arrivent. Ouai, on y est pas forcément soumis. On peut choisir de s’émerveiller plus qu’on n’a peur. Ou l’inverse. Il s’agit de la façon dont on interprète les événements. Mais ce sujet mériterait un article à lui seul. Passons.

Alors oui, des fois je me sens comme dans un jeu vidéo, en plus complexe, en plus complet, et en plus amusant, en plus épanouissant. En plus… réel !

Arrivée en Finlande, après 11h de traversée de la Mer Baltique depuis Stockholm.

Puis quand je doute, quand quelque chose ne va pas, quand je me sens seul, quand je ne sais plus quoi faire. Alors je respire. Profondément. Je me concentre. Je me concentre sur l’essentiel. Je fais mentalement l’inventaire de mes ressources. De mon équipement. De ce que j’ai parcouru. De pourquoi je le fais. D’où je veux aller. De pourquoi je veux y aller.

Je découpe le problème qui me semble insurmontable en petits morceaux. Je simplifie. Je me détache. Je prends du recul.

Et puis je me dis “bon, et si c’était juste un putain de jeu vidéo, comment tu ferais pour t’en sortir ?”

Sauvons la princesse.

Oh, je ne peux pas vous dire que c’est la meilleure technique pour faire face aux problèmes. Je sais juste que c’est ce qui me permet d’avancer. C’est la meilleures de celles que j’ai utilisé jusqu’à présent. Et le jour où ça ne fonctionnera plus, alors j’en chercherai une autre, de technique.

Rester souple. Il n’y a pas une seule solution. Il n’y a pas un seul chemin. Il n’y a pas une bonne façon de faire. Il n’y a pas une seule vérité.

Alors quand plus rien ne va, quand les solutions ne fonctionnent plus, quand tout semble se barrer en couille. C’est simplement le signe qu’on est prêt à évoluer et à passer au niveau suivant. Qu’on est prêt à faire face à différentes épreuves. Qu’on est prêt à s’adapter. Qu’on est prêt à grandir.

Parce que dans ce genre de jeu-là, on ne recommence jamais la partie. On ne change pas de personnage. On ne change pas d’histoire. On ne combat pas non plus de monstres pour sauver la princesse.

Les seuls monstres qu’on est amené à combattre se trouvent en nous. Et la seule princesse que l’on peut libérer, c’est nous-même.

Je vous l’accorde, c’est moins sexy que la version avec le chevalier et son épée. Mais, plus on se libère nous-mêmes, plus on s’accorde le droit de vivre et d’explorer le Monde (physiquement et/ou spirituellement), et plus on avance dans ses propres quêtes.

Oh, et désolé d’avance… car personne ne nous mettra de couronne sur la tête. Personne ne nous félicitera d’avoir sauvé le royaume. On sera sûrement pas couverts d’or non plus (quoi que). Et il n’y aura pas d’écran de fin avec marqué “YOU WON”.

Ca, c’est un pont. Parce que c’est joli, les ponts :)

Alors à quoi ça sert tout ça ?

Pour être honnête, j’en ai pas la moindre idée.

La quête de sens est parfois le travail de toute une vie, et est propre à chacun. Alors ne vous attendez pas à ce qu’un type de 24 ans qui écrit un article en quelques minutes dans un McDo vous apporte une telle réponse. La réponse, si elle existe, elle est en chacun de nous.

Bon allez, il est temps pour moi d’aller remplir ma jauge de satiété et de compléter mon équipement avec un nouveau câble de chargement pour iphone, avant de reprendre la route pour Helsinki… !

C’est que, c’est pas tout mais… j’ai une quête à accomplir, et un royaume à sauver ! ;)

--

--

Thomas Despin

I build sustainable beach villas on remote paradise islands, in Indonesia — Seen in Forbes, WIRED & Entrepreneur — hi@thomasdespin.com | www.reconnect.id