Quitter Facebook

PiaP
4 min readJan 14, 2017

J’ai décidé de quitter Facebook pour 4 raisons. Je crois que toute personne un peu rationnelle devrait en faire autant — même si je n’aime pas trop me livrer à la prédication. Alors voici, en quelques mots, les raisons qui motivent ce choix, en espérant que celles-ci puissent trouver des échos chez quelques-un/e/s.

  • J’en ai assez à un niveau personnel. Facebook me “pompe” une énergie et un temps précieux. Quand c’est intéressant, il s’agit en général d’informations que j’aurais pu obtenir par un autre biais. Quand c’est énervant / stupide / chronophage (et ça l’est souvent), je me demande pourquoi je me fais subir une telle expérience.
  • Je ne veux plus soutenir une entreprise qui censure librement la nudité mais se confond en arguties irrecevables quand il s’agit de censurer les contenus sexistes, homophobes, racistes (etc.) qui constituent une part non négligeable de son flux. Après, comme le dit Sheryl Sandberg, “we don’t always get it right” (ce qui amène cette question : when do you ever?)
  • Les soi-disant débats qui se déroulent sur Facebook sont majoritairement stériles : soit parce qu’ils se déroulent entre personnes convaincues des mêmes choses (la fameuse chambre des échos) ; soit parce qu’ils tournent au pugilat et servent à ventiler l’agressivité des un/e/s et des autres plutôt qu’à discuter. Si on veut échanger autour de positions politiques, il semble plus pertinent d’ouvrir un blog, ou … d’écrire sur Medium, par exemple.
  • Je ne veux plus participer à un mouvement de centralisation de la vie numérique sur quelques mal-nommées plateformes (je vous renvoie à Evgeny Morozov sur ce point). À tous ceux qui m’ont demandé : “Mais tu n’as pas peur de t’isoler ?” quand j’ai esquissé cette décision… Posez-vous en retour la question : ne trouvez-vous pas inquiétant de tracer dans vos discours un parallèle de stricte équivalence entre votre vie sociale et des contenus diffusés à but lucratif par une entreprise privée ? Depuis quand le concept de “vie sociale” est-il entièrement indexé à une inscription sur un site web ?
    Par ailleurs, il va de soi que j’arrête également WhatsApp, racheté récemment par Facebook. Comme je l’ai indiqué précédemment, j’utilise maintenant Signal (équivalent qui marche tout aussi bien).
  • Je souhaite “assainir” ma vie numérique sur deux pans au moins. Premièrement, je souhaite passer un temps réduit à son strict minimum sur les médias sociaux (car je ne les ai pas tous quittés…). Je souhaite que ces temps soient circonscrits. Je souhaite ainsi mettre un terme à la consultation compulsive de mon smartphone, déjà placé par défaut en mode silencieux complet (autant que possible, pas de vibreur ; usage du mode malvoyant quand j’attends vraiment un coup de fil important). J’évite aussi la consultation de smartphone le soir : la luminescence me semble directement liée à un sommeil de mauvaise qualité. Les récents travaux de recherche sur ces points vont en ce sens, et l’expérience directe le confirme de manière assez intuitive.
    Secondement, je tâcherai de consulter / utiliser des supports libres en priorité, en visant une forme de dégooglisation — même si cela risque d’être très compliqué pour moi car j’utilise beaucoup Google Drive pour mon travail... choix que je regrette à présent, mais un peu tard ! Il est plus long de défaire ces habitudes que de les constituer.

C’est toujours compliqué de dire “faites comme moi”. Mais il est nécessaire de quitter Facebook. Cela ne veut pas dire que les réseaux sociaux sont mauvais. Il y en a d’ailleurs eu de meilleurs : ancienne usagèr*e de Friendster et MySpace, je trouve que ces deux réseaux étaient supérieurs à Facebook sur le plan de l’expérience utilisateur, quoique eux aussi criticables. En quittant Facebook, vous affirmez simplement que vous ne voulez pas de ce média social qui se fait passer pour un réseau social (la distinction entre les deux revenant à Antonio Casilli).

Vous aurez peut-être plus de temps, ou peut-être serez-vous moins dépité/e/ par le jeu de comparaison perpétuelle d’avec vos pairs. Vous retrouvez tous les contenus soi-disant “perdus” d’une autre façon et surtout vous ferez quelque chose d’important, un micro-geste politique qui est absolument crucial dans la vie numérique actuelle.

Sur le plan pratique, si vous êtes assez actif/ve/ sur Facebook, cela demande un peu de préparation. Voici en quelques étapes comme procéder :

- nettoyer votre liste de contacts pour ne garder les personnes avec qui vous souhaitez véritablement conserver un lien ;
- prévenir tous vos ami/e/s restant/e/s de votre départ imminent ; établir une liste de personnes à contacter et leur écrire un mot sur une autre plateforme que Facebook pour renouer le contact (j’ai privilégié le mail) ;
- “unliker” toutes vos pages en prenant en note tous les médias / entités / groupes que vous souhaitez continuer à suivre ;
- supprimer toutes vos photos et autres contenus personnels ;
- Quitter Facebook !

Et si vous êtes encore dubitatif, vous pouvez aller voir ce qu’en dit Zigmunt Bauman ; ce que disent quelques chercheurs qui ont déjà prévu la mort de ce média (puissent-ils avoir raison…) même si leur propos est largement débattu ; ou aller passer 5 minutes sur Facebook… pour véritablement percevoir ce que cette expérience signifie pour vous. De cette façon pourrait s’opérer une forme de distanciation — visant à participer à ce média de manière consciente et choisie — ce qui est déjà un début, peut-être.

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PiaP

Pia Pandelakis - Film Scholar / PhD - Teacher - Illustrator - http://t.co/s72tXo9fgB