Vous voulez être créatif? Procrastinez!

Gus Brandys
4 min readJun 3, 2016

Tel Hamlet qui attend avant de mettre une tatane à son oncle Claudius, la procrastination, c’est le fait de toujours tout repousser à demain. On procrastine souvent par manque de motivation, par peur d’échouer, ou au contraire par excès de confiance.

Aujourd’hui tout va très vite. Dans notre époque hyper rapide hyper active, la productivité s’est imposée comme le maître-mot. La procrastination est alors devenue presque crime contre l’humanité. Il faut produire, maintenant, et vite! Pas après. Remettre à demain, attendre le dernier moment est souvent considéré comme un vilain défaut, un signe de faiblesse, de manque de sérieux, de manque d’organisation.

Et pourtant non, bien au contraire! On se trompe fondamentalement. La procrastination est une compétence, une qualité.

Precrastination VS procrastination

On considère la procrastination comme un vilain défaut, alors que c’est le moteur essentiel pour développer la créativité. Si la procrastination est le fait de remettre tout à demain, la precrastination est le contraire. C’est tout faire tout de suite, très rapidement et longtemps à l’avance.

On félicite souvent les gens qui ont de l’avance dans leurs projets, dans leurs délais. On considère la precrastination comme une qualité majeure. Et vice versa. En réalité, on se trompe.

La tortue, le lièvre, tout ça

On nous demande souvent combien de temps il nous faut pour organiser des soirées Meurtres & Mystère, des Sherlock Holmes Live, des Zombies Invasion, des Panic Room Experience. Notre réponse habituelle: une année.

Alors évidemment, nous ne travaillons pas une année non-stop sur l’événement. Nous prenons des pauses. Des pauses nécessaires, créatives, salvatrices, constructives.

Le lièvre, la tortue, tout ça. Cette fable vieille de plus de trois cent ans a plus que jamais son importance en 2016. Dans un monde digital à la vitesse effrénée, dans une époque du tout tout de suite, on ne prend plus le temps de le prendre, le temps. Et on s’épuise. Et on passe à côté de l’ennui. Pascal le disait déjà il y a trois cent ans aussi.

“Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.” Blaise Pascal, 1669.

L’ennui, comme rempart à la vitesse et comme promesse d’une vie ralentie et peut-être plus épanouie. C’est tout l’essor du mouvement slow apparu dans les années 1980.

Prendre son temps, c’est s’offrir des opportunités. De découvrir, d’essayer, de réfléchir. Pour être créatif il faut relier, s’inspirer. Et pour y arriver, rien de tel que la procrastination. Elle permet de prendre son temps, de laisser le projet mûrir, de se développer. Precrastinez, et vous risquez de passer à côté de nombreuses possibilités.

Juste une année avant Pascal et ses Pensées, c’était La Fontaine qui publiait ses fables. Et notamment celle du lièvre et de la tortue.

Tout le monde la connaît: la tortue, lente, part à temps, avance avec régularité et finit la course avant le lièvre, rapide mais oisif.

“Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter
D’où vient le vent, il laisse la Tortue
Aller son train de Sénateur.
Elle part, elle s’évertue ;
Elle se hâte avec lenteur.
Lui cependant méprise une telle victoire ;
Tient la gageure à peu de gloire ;
Croit qu’il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose,
Il s’amuse à toute autre chose
Qu’à la gageure.” Jean de la Fontaine, 1668.

Mais ça, c’était en 1668. Aujourd’hui, pour améliorer sa créativité, il faudrait partir comme la tortue, tout de suite, mais faire ensuite comme le lièvre, prendre son temps, s’amuser à autre chose, “brouter”, se reposer.

Règle d’

Si l’on pimpe la fable de la tortue et du lièvre pour la rendre 21e siècle-compatible, la règle d’or devrait être celle-ci: lancez rapidement votre projet et laissez-vous ensuite le temps de le faire mûrir. Plus vite vous vous lancerez et plus vous aurez le temps d’en avoir, du temps. Precrastinez votre procrastination!

Rien de pire que de boucler un projet rapidement ou dans l’urgence. L’idéal est de commencer tôt et de prendre ensuite son temps.

Quand nous lançons un nouvel événement, nous aimons le faire très longtemps à l’avance, idéalement une année avant (nous sommes d’ailleurs déjà en train de travailler sur le Sherlock Live à Genève pour mai 2017) pour nous laisser le temps de trouver de nouvelles idées et envies.

Et vous, êtes-vous plutôt pre ou procrastinateur? Qu’est-ce qui vous convient le mieux?

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Gus Brandys

Enseignant au lycée à Genève. Joueur, scénariste, écrivain, organisateur d’événements ludiques. Blogueur sur www.gusandco.net. Et le tout sans cheveux.