Monarchie constitutionnelle : moins mauvais des systèmes ? Les 7 arguments

Philippe Coulon
6 min readSep 9, 2015

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Ce matin, lors d’un débat radiophonique sur l’intérêt de la monarchie, les objections habituelles du coût d’icelle et de son manque de caractère démocratique ont été soulevés. Non contents d’être à mon avis faux, ces arguments me semblent quelque peu faciles. A mon sens, ils rabaissent le débat à sa plus simple expression.

Ma proposition: et si la monarchie constitutionnelle était le moins mauvais des systèmes connus ?

“Dans quelques années, écrivait Farouk, il ne restera que cinq rois: le roi de pique, le roi de carreau, le roi de cœur, le roi de trèfle et la reine d’Angleterre”. Il s’est trompé.

Pourquoi les 12 monarchies européennes existent-elles encore si le système est si coûteux et si antidémocratique ? Près d’un tiers des Européens serait-il masochiste ? Ne recevraient-ils pas de cours d’histoire ou de philosophie ? Sont-ils sous le joug de monarchies absolues qui les oppriment ? Ou, peut-être, y trouvent-ils leur compte dans une certaine mesure ? Qu’est-ce qui explique leur popularité (hors Espagne) ?

En France, être monarchiste est assimilé avec des courants très à droite et très conservateurs. Les images d’Epinal d’une monarchie absolue ont encore de beaux jours devant elles.

Cassons donc ces images d’Epinal.

La monarchie constitutionnelle n’est pas du tout la monarchie absolue de Louis XIV, l’on parle bien de droits du monarque constitutionnellement limités et établis. La Révolution est passée dans le reste de l’Europe aussi. Le Roi est d’abord le chef de l’état, mais pas du gouvernement, il règne mais ne gouverne pas.

Ensuite, la monarchie, ce n’est pas Elisabeth II. Non, la monarchie typique européenne n’est pas celle du Royaume-Uni. Les monarchies visées ici sont celles du Benelux et des pays nordiques (d’ailleurs tous des pays très riches). C’est pourquoi dans les lignes qui suivent, je ne prendrai en compte que les monarchies “continentales du nord” et, pour les républiques, je considérerai les républiques de type française ou américaine, dans lesquelles le président a beaucoup de pouvoir.

Voyons les arguments.

  1. Le coût. L’argument principal pour une république en serait son coût inférieur. Il est pourtant faux. Il faut savoir que dans tous les cas, disposer de services autour du chef de l’état (qu’il soit président ou roi) a un coût, principalement des coûts de personnel nécessaire dans tous les cas de figure. Aussi, les budgets du chef de l’état ne représentent qu’une infime partie du budget total de l’état. La discussion sur les budgets du chef de l’état est donc à mon sens uniquement symbolique. Ils ne représentent que par exemple 0,015% du budget de l’état en Belgique. Par exemple, l’Élysée coûte 1,5 euro par an par habitant, alors que la monarchie belge coûte 1,2 euro (ou 0,7 pour la monarchie britannique). La présidence française coûte donc plus que certaines monarchies.
  2. Le caractère démocratique. La monarchie n’est pas démocratique dit-on. Certes le roi n’est pas élu. Il l’est de naissance. Mais le roi n’a pas d’influence, ou, s’il en a, elle est strictement limitée par la constitution. C’est donc le peuple, à travers ses élus, qui décide des pouvoirs du roi (comme pour une république). Reste la question de la personne. Alors oui, c’est vrai, l’on ne choisit pas son roi. Mais celui-ci est tributaire de l’opinion publique. Curieuse institution, qui fait l’économie d’une élection mais dépend pour sa légitimité de la volonté populaire pour exister et perdurer. Le président lui est élu sur un programme, alors qu’il peut lui arriver de ne pas le suivre ou de prendre des décisions qui n’étaient pas dans le programme. Qu’est-ce qui est le plus démocratique ? De fait, peut-être aucun des deux systèmes.
  3. La monarchie est au-dessus de la mêlée. Le roi ne doit pas se préoccuper de sa réélection. Il est hors du gouvernement et hors des contraintes du jeu politique. Il n’est donc pas possible d’avoir des alternances fortes gauche/droite à la tête de l’état. Ceci instaure une certaine stabilité à la tête de l’état, mais surtout, une crédibilité supérieure par rapport aux politiciens qui voient d’abord leurs intérêts personnels, par définition. Le roi peut faire une visite d’état sans se plonger dans les affaires gouvernementales, il apaise les liens.
  4. Le roi est un pro. Il est formé pour être chef de l’état. Il est très rare qu’un roi nous “mette la honte” dans des déplacements à l’étranger ou dans des dîners mondains. Il est formé pour représenter, depuis son plus jeune âge. Il fait plus rarement des bourdes. Il sait comment marcher, comment parler, etc., il n’est pas un élu qui a été propulsé au sommet de l’état et qui doit apprendre son fonctionnement. Il est formé depuis tout petit aux rouages étatiques. Faire ça toute sa vie, c’est son sacerdoce (NDLR: très peu pour moi).
  5. Le roi ne laisse pas de place aux dictateurs. Les monarchies européennes ne laissent pas de place aux dictateurs, sauf lorsqu’elles sont renversées (voir l’Espagne). Si un premier ministre (à la Mussolini ou Hitler) monte, le subtil jeu d’équilibre entre le roi et le premier ministre fait que le premier peut révoquer le second, mais pas l’inverse. Le premier ministre ne peut non plus prendre le pouvoir par la force, puisque c’est le roi le chef des armées. Il ne peut donc renverser le roi et prendre tout le pouvoir. Idem république. Et le roi, lui, n’a pas la possibilité de devenir dictateur puisque ses pouvoirs sont strictement limités par la constitution.
  6. Le roi est un repère. Dans ces temps troublés, et quels temps ne le sont pas, les gens ont besoin de repères. Ils ont besoin de se rassurer avec des images connues. Les changements peuvent créer une anxiété générale. Mais ce serait plutôt aux sociologues de parler. Disposer d’un père de la nation depuis de nombreuses années renforce le sentiment d’appartenance à une nation, sans pour cela aviver des tensions avec les pays voisins. Il vaut parfois mieux que les gens trouvent des repères dans un roi que dans d’autres hommes.
  7. L’ancien n’est pas forcément dépassé. C’est sans doute l’argument que je trouve le plus faible. Tout d’abord, toutes les formes de régimes existent depuis longtemps, qu’ils soient républicains ou monarchiques. Ensuite, si l’on prend l’argument au mot, il faudrait supprimer tout ce qui est ancien et qui existe depuis longtemps (supprimons les parlements, les cours de justice, etc.). Finalement, les monarchies se sont modernisées, elles n’ont plus rien de comparable aux monarchies du moyen-âge.

Ainsi, la monarchie constitutionnelle n’est peut-être pas le meilleur des systèmes, mais sans doute le moins mauvais. Certes, il est souvent, et particulièrement en France, associé négativement à un passé qui la désert.

A l’heure où l’existence même de la démocratie est remise en question et où les puissances européennes démocratiques sont plus faibles que jamais, il se pourrait bien que ces monarchies représentent notre ciment et ce qui fait que nous sommes européens. Il se pourrait bien qu’elles soient notre futur.

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Philippe Coulon

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