The Velvet Underground

Hood
6 min readOct 10, 2015

Un monument. Une claque. Un menhir. White light/White heat tout ça à la fois. Un navire de croisière qui vous rentre dans la gueule sans prévenir, sans se laisser ralentir. Un train en marche prêt à vous anéantir.

Ils sont gentils tout de même, ils préviennent dès le début, ici on ne déconne pas, on n’a pas besoin d’intro, on te rentre dedans, comme ça, et oui petit, ça fait mal, mais c’est ce qu’on fait de mieux, tout défoncer sur notre passage. Pas d’arrêt intermédiaire, direct au terminus, où tu seras séché. Par quoi ? Par bien des choses. Par cette écoute, physique, qui colle à la peau, qui éprouve, qui se vit, se ressent. Pas de babillage ici, c’est toute dont attention qu’il faut.

Ecoutes bien, car ça va faire mal. Ça arrive très vite. Dans 20 minutes, tu prends la rouste de ta vie. Toutes tes convictions réduites en charpie. Bon, ils te mettent à l’aise pendant la face A, enfin presque. C’est l’introduction de la face B, si tu ne peux déjà plus endurer, dégages, tu n’es pas fait pour ça, oh non, tu n’es pas prêt encore. Laisse ce groove étrange t’envahir, cette basse qui ne s’arrêtera pas, jamais, elle continuera encore et encore jusqu’à la mort.

Oh non, tu n’es pas prêt. Ils sont aimables, ils triturent, tranquillement pour l’instant. Oh oui, toi qui prétendais aimer le Velvet, être un fan de première heure, oh oui toi, c’est que tu n’avais pas éprouvé ce qu’était la violence de ce disque. Oh non, tu t’étais bien naïvement limité à la banane, oui cette banane icône de l’art mais loin du potentiel de la musique. Oh oui, tu avais aimé ces mélodies, tu avais prétendu aimer le génie du groupe, admirer leur bravoure, leur engagement, intellectuel, artistique, leur mise en danger, mais tu comprends, ils parlent d’héroïne de sado-masochisme, non mais à cette époque imagines ce que c’était.

Tu es bien mignonne, mais laisse cette histoire aux adultes. Tu es bien candide de croire que le Velvet, c’était ça, des chansons mièvreusement, avec des gars qui font un peu joujou de temps à autres avec leur matos. Tu n’as malheureusement pas compris, qu’ils sont bien meilleurs que ça. Là, ce qu’ils n’avaient gardé que pour à peine un titre, ils se complaisent à prolonger l’essai sur deux faces. Deux putains de faces où tu n’es pas prêt de sortir. Un putain de piège sonique. Des déflagrations, des cris, des hurlements, de la saleté, de la crasse, du drone, oh oui, du drone, bien au fond qui va te rendre fou, ne t’en fais pas. Qu’est ce que c’est que tout ces bruits étranges, tu n’y es pas habitué encore, tu vas peut-être t’y faire.

Au moment où tu le croyais, voila que Lou apparaît, un chevalier errant, cassant la rythmique, sa voie incongrue parlée, non tu n’y pensais pas. Attention , ça devient bizarre maintenant, tu es perdu non, tu l’es, je le crois. Il n’y a plus de refrain, d’intro, de couplet, de structure. Mais qu’est ce que c’est au juste ? Tu ne le sais pas, je parie que tu l’ignore, tu aimerais savoir. Un indice, du génie.

Ah, une ballade, tu crois qu’ils reviennent en terrain connu, plus agréable pour tes oreilles. Attends avant de te réjouir, sois patient, si il existe bien une chose où ils excellent c’est bel et bien exploser tes certitudes. Oui, ça a l’air charmeur comme ça, une ballade, un peu orientale, plus posée, mais ya des trucs au fond un peu étranges, et ça s’arrête. Et ça reprend, et là t’as peur, oh que oui je la vois ta peur au fond de tes yeux ébahis.

Ouf, c’est passé, ils reprennent sur un rock, des chœurs, des guitares, et non, ça part en solo, on distord le tout, cherche la note, on joue la même, oui du larsen, casse moi tout ça, explose, fais tout voler en éclat, tu jouera à la pop-star dans quelques albums Lou, montre nous plutôt tes tripes maintenant, c’est ce qu’on veut voir, ce qu’il y a vraiment à l’intérieur, montres nous ça. Voila, retriture moi ça, continue, joue vingt fois la même note jusqu’à ce qu’on arrête ce massacre. Le larsen, mon ami, le larsen.

Continue, surtout qu’on aura pas le privilège de changer de face et de se reposer face au Titan prêt à nous écraser, à nous détruire. Le monstre, le morceau, l’ultime pièce rock, qui s’apprête à démarrer, Sister Ray.

Le train en marche, il commence comme ça brut, oh oui ma tête bouge toute seule, pas besoin d’intro, juste un riff puissant et tes cris, tes élucubrations, tes histoires dégueulasses, horribles. Tu pouvais pas manquer ta veine, hein petit enfoiré de mes deux. Tant mieux, offre nous le meilleur morceau de tout les temps, revenu d’entre les limbes ou de Caroline (du Nord ? du Sud ? on ne le découvrira jamais).

A tous ceux qui croyaient qu’Heroin constituait le morceau le plus frappant sur la dénommée drogue, nous sommes bien en regret de vous annoncer que Sister Ray boxe dans une catégorie qu’elle ne pourra jamais atteindre. Oh jamais, oh grand jamais. Le morceau tient, il ne relâche pas, il est encore calme, le Léviathan ne va pas tarder.

Il arrive, je le sais, je te connais à forcer de t’écouter. OH oui, continue de lui sucer son ding-dong, fais tout ce que Lou demande, fais lui la totale, et un rabais à l’occasion. L’orgue qui débarque — enfin pas vraiment — qui part là où elle veut, ça tombe bien, la guitare aussi. Mais bordel, comment font-ils pour jouer si fort. Ont-ils un bouton 11 sur leur ampli ? Non, 11 c’est de la sourdine pour eux, à partir de 20 ça doit commencer à devenir acceptable, et encore.

Petit break, enfin dans la relativité de ce morceau. Oui c’était un break avant la magistrale pièce du synthé, il est parti on ne l’arrête plus, où va t-il personne n’a jamais voulu le savoir. Des boucles infernales, des boucles diaboliques, qui rentrent dans ta tête, une cacophonie magnifique, un bordel monstre, une hydre à trois têtes, le morceau le plus violent jamais écrit.

Indépassable, indémodable, incomparable. Une violence sonique, personne ne sait ce qu’il va se passer ensuite, qui va triturer quoi ? Tant mieux, on veut juste continuer à bouger la tête, à endurer cette pièce montée. Il parait que l’ingénieur du son n’a pas réussi. Il devait certainement avoir une petite bite, ou un manque de goût évident. Dommage pour lui, move it on. Vraiment Lou, tu t’es jamais planté quand tu te piquais, tu ne pouvais pas te manquer ? J’y crois pas, un branleur comme toi à du s’y reprendre bien des fois, hein petit cachottier.

Ah, un deuxième break, le tonnerre qui se calme. Du répit, le temps de se remettre en condition. Allez, tu peux envoyer ce que t’as dans le bide, je sais que t’en as encore. Continue, pour mériter le titre d’album le plus rock, le plus extrême/violent/crade/jusqu’au-boutiste jamais écrit. Quoique ce bon Captain n’est pas loin, il aura suivi la veine un an après. Mais, ce n’est vraiment guère audible. Vous avez inventé ce concept. L’inaudible écoutable. Et bon en plus de tout.

Franchement c’est des accords que vous jouez ou vous faites au hasard, vous mettez vos doigts un peu n’importe ou et ça a donné ça. Et honnêtement, vous jouez pas plus d’un accord, non ? C’est formidable ça, respect, un accord en vingt minutes, faut du talent pour tenir ça. Respect. Et en live, ça se passait comment ? Rite chamanique avec le public qui devient fou qui supplie d’arrêter le massacre, qui tente de s’enfuir. J’espère que c’était au moins ça. Vous aviez bloqué les sorties, non, ça ne m’étonnerait pas de vous. Ah, vous arrivez à la fin, remettez en une couche quand même, pour pas qu’on oublie. Sister Ray, on devrait passer ça à tout gars apprenti musicien. Pour montrer ce que c’est d’en avoir une paire, et belle et grosse. Ça serait beau.

Vous en voulez encore ?

Par ici pour The Velvet Underground par là pour Loaded et là pour The Velvet Underground and Nico .

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