Vous manquez de sources icono ? Exploitez vos ressources créatives !

Mickaëla Hanno / FTV
francetelevisions-design
9 min readMar 29, 2018

Certains programmes sont livrés aux chaînes avec un kit presse contenant des visuels à la fois nombreux et fortement qualitatifs. Autant dire que pour le graphiste en charge de la réalisation des visuels destinés à la plateforme france•tv, cela équivaut à la découverte inopinée sur son bureau d’un paquet de bonbons après 17h. Oui mais voilà, ce moment de liesse et de béatitude n’est pas systématique… Alors, comment transformer le plomb en or ?

Quelques points à prendre en considération

  • Les visuels doivent être réalisés dans des résolutions plutôt importantes, ce qui ne permet pas l’emploi de n’importe quelle photo.
  • La volonté de mettre en avant la qualité d’un programme, et ce uniquement grâce à une vignette, pousse à être plus exigeant quant à la sélection
  • Donner envie, surprendre, interroger… tout cela avec une seule capture d’écran ? Pas forcément idéal.

Les vignettes présentées dans cet article ont été réalisées pour mes tests, certaines ont été mises en ligne, d’autre non. Les visuels du cas n°2 ont été réalisées par l’équipe de graphistes mobilisée sur le projet.

Cas de figure 1 : Un animateur en HD et c’est tout !

Je dirais que c’est la configuration la moins contraignante. Certes c’est peu mais voilà une base de travail intéressante ; soit le visuel se suffit à lui-même et il n’y a pas grand chose à ajouter, si ce n’est le logo, soit le fond est uniforme et le créa peut commencer une danse de la joie un soir de pleine lune car plus rien ne l’arrêtera.

On peut capitaliser sur ce fond de différentes manières : réalisation d’un décor graphique, utilisation à l’aide d’un autre visuel de bonne qualité en compositing, ou mettre à contribution Photoshop pour exploiter capture, zone d’un autre visuel zoomée, etc. Tout est possible à partir du moment où l’harmonisation des éléments est respectée.

Jimmy Damase, animateur de l’émission Services 1ère (1ère image : le visuel réalisé, 2e : la photo HD, 3e : une capture pour référence)

Dans l’exemple ci-dessus, pas de sources photographiques du plateau ou d’un quelconque fond, il a donc fallu en créer un. En visionnant un extrait de l’émission, il était aisé de trouver l’inspiration : l’habillage du programme fournissait l’ambiance et des références colorimétriques utiles. Les formes géométriques du décor permettaient de jouer très facilement avec elles pour un effet simple mais efficace. Un petit traitement des niveaux, le changement de couleur de la chemise de l’animateur et le tour était joué !

Jordan Rizzi, animateur de l’émission Le presque late show (1ère image : le visuel réalisé, 2e : la photo HD, 3e: une capture d’écran BD du plateau)

Ici, si nous avions voulu intégrer l’animateur sur la capture, la qualité du rendu n’aurait été ni satisfaisante, ni réaliste. De même, si nous avions opté pour ne garder que la photo de base sur fond bleu, nous aurions perdu l’ambiance du plateau.

Pas de problème particulier niveau réalisation, si ce n’est qu’il a fallu choisir avec précaution la meilleure partie de l’image (ici un zoom sur la partie gauche de la capture, intéressante pour ses couleurs). Un léger flou du fond pour faire ressortir l’animateur et diminuer l’impression de perte de qualité due à la basse définition. On élimine les éléments superflus, tels que ceux du décor qui n’apportent rien au visuel définitif et on recadre pour faire “disparaître” les autres personnes présentes sur le background. Ceci pour mettre l’accent sur l’animateur encore une fois. On sait que le cerveau cherche d’abord les visages lorsqu’il découvre une image, puis les textes, si on ne garde que Jordan Rizzi et qu’on ajoute un logo de bonne qualité, c’est sur ces zones que le regard se concentrera. Le reste ne sera présent que pour retranscrire l’ambiance du programme.

Autre exemple : Stéphane Usciati dans Eccu’numia (1ère image le visuel réalisé d’après une capture floutée de l’émission, la photo HD et le logo)

Cas de figure 2 : Uniquement des captures à disposition

Vous le voyez arriver le sourire figé du graphiste qui se demande comment il va bien pouvoir faire pour utiliser un matériel de piètre qualité ? Heureusement, plusieurs solutions s’offrent à lui : création d’un fond graphique et reconstitution du logo, utilisation de ce dernier sur une capture légèrement floutée, etc. S’il n’y a rien, c’est que tout est possible, mais parfois le plus simple reste le plus efficace et l’utilisation du logo sur une image prétexte, voir un fond graphique suffit amplement.

Différents visuels réalisés par l’équipe en utilisant uniquement le logo (parfois recréé) sur une image prétexte

Cas de figure 3 : visuels de personnages en HD

Ceux qui ont déjà étudiés ou travaillés sur des affiches cinéma le savent, il existe quelques astuces qui fonctionnent : composition en pyramide, en perspective fuyante, ou tout simplement choix de personnages plus significatifs.

La stagiaire (1ère image : le visuel réalisé, 2e et 3e : les photos HD des acteurs principaux)

Le visuel de La stagiaire est un montage de trois photos, il a donc fallu les détourer et opérer un certains nombres d’ajustements colorimétriques afin de donner une impression d’homogénéité et booster un peu l’ensemble.

Le nombre de photos du programme était relativement conséquent, mais peu de photos se prêtaient au jeu du montage. Le parti pris de mettre Michèle Bernier (qui incarne La stagiaire) de face en premier plan et son acolyte légèrement derrière elle, permet de contourner les problématiques de tailles grâce un un jeu subtil de perspective feinte.

Notez l’expression des acteurs, le sourire de Michèle Bernier, sa gestuelle et sa tenue font écho au titre et nous donne des indications sur la personnalité de l’héroïne qu’elle incarne dans la série. Arié Elmaleh, quant à lui arbore un air beaucoup plus sérieux, une gestuelle plus “rigide” et une tenue plus en adéquation avec le domaine d’activité où il exerce. Ça n’a l’air de rien, mais ces petits détails donnent en quelques secondes des informations sur le programme.

Le fond est un zoom sur les colonnes du Palais de justice placées derrière Michèle Bernier, ce qui rappelle également l’univers de la justice.

Cas de figure 4 : plusieurs saisons à traiter

En général, plus on a de saisons, plus on a de risque de n’avoir des sources iconos de meilleures qualités que pour les dernières. Mais ce n’est pas toujours le cas ; on peut très bien avoir des photos de bonnes résolutions pour chaque saison, n’en reste pas moins que le style des acteurs, peut avoir changé, voire leur personnages ou la relation entre-eux. Il faut donc faire en sorte d’avoir une unité graphique pour toutes les saisons tout en respectant ces différences.

Sur la 1ère vignette de La stagiaire - saison 3, on retrouve ici une Michèle Bernier plus familière avec la profession, tenue plus stricte, expression moins naïve (le personnage a évolué, a pris de l’expérience). Son acolyte a changé mais on retrouve la même composition afin de montrer que le rapport entre les deux personnages restent le même.

Regardez de plus près les deux saisons mises l’une à côté de l’autre, les personnages tiennent la même place, ils ont les mêmes proportions et on retrouve le camaïeu de bleu dans les vêtements sur les deux vignettes. C’est pas de l’harmonisation çà ? :)

Cas 5 : des personnages à foison

Il arrive qu’une série soit incarnée par plusieurs personnages forts, difficile de choisir (même si on recommande de ne pas dépasser 3 personnes sur un visuel). La disposition des acteurs devient alors complexe ; il faut respecter les proportions, les relations entre-eux, l’importance d’un acteur par rapport aux autres… Mais si en plus les sources ne proviennent pas du même shooting, ou pire, de captures ou de prise de vue en tournage, ça devient un vrai casse-tête.

La bastide blanche (1ère image : le visuel réalisé, les suivantes : photos utilisées pour le montage)

Ci-dessus, ce téléfilm date un peu, les photos à notre disposition avaient été prises principalement lors du tournage et certaines sont des captures de moyenne qualité. Le fond est une image prétexte mais les différents protagonistes viennent de clichés très hétérogènes en terme de résolution et de lumière.

Une hiérarchie des relations entre les personnages est suggérée par la composition : la jeune fille aux cheveux bouclés incarne celle qui cristalise toutes les attentions, elle est comme entourée. Le vieux monsieur est le propriétaire de la bastide, et Yves Lecoq incarne un riche concurrent avide et sans scrupule… d’où leur positionnement au niveau supérieur de cette compo. Le fils du propriétaire est placé sous ce dernier (notion de descendance) et la jeune femme au manteau est placée à sa droite car c’est la deuxième femme du triangle amoureux formé par les trois jeunes gens ! Vous me suivez toujours ? Et oui, quand je vous dis qu’on peut en dire beaucoup en une seule petite vignette :)

Cas 6 : problématique dûe aux formats requis

Plusieurs formats sont requis pour la plateforme : carré et 16:9 entre-autres. Dans certains cas, il est nécessaire d’utiliser l’affiche ou le visuel emblématique d’une fiction. La mise au format peut se faire rapidement ou parfois demander quelques retouches.

1ère image : affiche française du film L’homme qui défiait l’infini. 2e et 3e images : les adaptations réalisées pour la plateforme france.tv

L’affiche du film en France représente le jeune mathématicien Ramanujan (incarné par Dev Patel) en train d’écrire, et en bas à gauche se trouve son protecteur, le mathématicien Hardy (interprété par Jeremy Irons), on aperçoit quelques notes de formules mathématiques en surperposition. Le titre était à garder mais la liste des acteurs non. Pas de souci particulier pour les supprimer ; le fond s’y prêtait facilement. Par contre, pour ce qui était de la mise au format… c’était une autre histoire. Un subtil travail de reconstitution du fond a dû être opéré pour ces deux vignettes.

Allez, je vous raconte comment je m’y suis prise pour réaliser ces visuels :) Une fois le titre détouré et mis sur un nouveau calque, je l’ai supprimé tout comme le nom des acteurs. En fait, je les ai recouvert avec la couleur du fond. Vous remarquerez que sur l’affiche, les éléments du bureau se bornent à quelques feuilles… alors que sur les vignettes, on aperçoit un peu plus de fournitures (encrier, tasse, etc.). Oui mais d’où viennent elles me direz-vous ? D’une capture du film ! Bon, oui j’ai triché car il s’avère que je connais par coeur ce film, et que j’avais volontairement choisi ces vignettes pour faire des tests. La scène d’où provient la photo de Dev Patel, j’ai pu la retrouver facilement car je l’avais parfaitement en tête. Ça aide… Superposée à l’original, il ne me restait plus qu’à adoucir la partie présente sur l’affiche pour mieux intégrer la partie issue de la capture. Pour la version 16:9, je n’ai pas choisi de garder le tout mais de créer un dégradé ; j’aurais trop dénaturé l’affiche. Bon je ne résiste pas à l’envie de vous montrer l’affiche anglaise et de sa variante 16:9, juste parce qu’elles sont, à mon avis, supérieures en terme d’impact, que la version française.

Affiches originales en version anglaise du film The man who knew infinity

Conclusion

Réaliser des visuels pour une même plateforme à l’aide de sources de qualités hétérogènes s’avère parfois un vrai tour de force. Il faut bien garder à l’esprit que les vignettes sont visibles les unes à côtés des autres, de manière “aléatoires” et sans éditorialisation. Il faut donc que l’ensemble soit harmonieux.

La qualité du rendu final est primordiale, qu’importe le chemin emprunté par le graphiste pour y arriver, que ce soit de la création pure, du montage ou simplement du traitement d’image, la vignette réalisée doit attirer l’oeil.

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Mickaëla Hanno / FTV
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Coordinatrice du développement des sites de communication de France Télévisions. Chef de projet, ex-graphiste/icono/retoucheur, montage vidéos. g33k & proud;