First Employee: Aircall
Une discussion avec Tania Kefs, première employée d’Aircall et aujourd’hui fondatrice de Jurnee.
First Employee est une série d’interviews qui racontent les parcours explosifs et souvent méconnus des premiers employés des plus grands succès Tech de notre écosystème.
Gabriel : Que faisais-tu avant de rejoindre Aircall ?
Tania : Début 2015, après avoir terminé l’ESSEC, j’ai postulé chez efounders pour un job d’Associate. L’objectif était d’aider le studio à se forger une conviction sur leurs idées de startups. C’étaient les débuts. Ils avaient lancé leurs premiers projets (Mailjet et Front étant les plus connus) et n’avaient pas encore de vrais bureaux. On était d’ailleurs allés au Starbucks du coin pour passer mon entretien avec Alex Delivet (founder de la conférence B2B Rocks & Collect) et il a tout de suite compris que j’allais préférer un rôle plus opérationnel et m’a redirigée vers Aircall, qui était leur 3e startup.
Gabriel : Qu’est ce qui t’a amenée à postuler chez efounders? Ils étaient peu connus à l’époque.
Tania : Venant d’une famille d’entrepreneurs, je me suis très tôt intéressée à l’entrepreneuriat et la tech. Spécifiquement à l’ecommerce, avec Amazon où j’ai d’ailleurs fait mon stage de fin d’étude. J’étais fascinée par le concept de long tail permettant d’avoir accès à l’époque à des films et des livres que l’on ne pouvait pas trouver facilement dans le commerce physique. Mais l’ecommerce va de pair avec la logistique, qui ne m’intéressait pas moins et c’est à ce moment que j’ai commencé à creuser le SaaS.
En sortant de l’ESSEC je ne voulais pas aller en conseil ou dans un grand groupe — je voulais voir de l’intérieur comment se construisait une startup pour ensuite créer la mienne. Et efounders me semblait être la parfaite école pour ça.
Gabriel : Très bien vu ! Comment s’est passé ton process de recrutement ?
Tania : Il n’y avait pas vraiment de process à l’époque ! Je me rappelle que j’étais en Asie quand l’équipe d’efounders m’a connectée à Jonathan Anguelov, le COO. Jon m’a directement proposé un entretien. Mon avion a atterri le lendemain midi à Paris et Jon a voulu que l’on se voit à 15h. Quand on s’est vu, il m’a montré le produit, et j’ai tout de suite compris sa valeur — ayant vécu dans plusieurs pays, je comprenais à quoi pouvait servir un numéro unique de téléphone à travers le monde. Jon avait une énergie de dingue. Le lendemain j’ai rencontré Olivier Pailhes — le CEO — et j’ai commencé une semaine plus tard.
On était tous les 6, avec les deux fondateurs Tech — Pierre-Baptiste Béchu et Xavier Durand — ainsi qu’une autre stagiaire — Justine. Oli et Jon étaient en train de chercher des financements qui devaient servir en partie à transformer nos stages en CDI.
C’était un vrai pari, car les fondateurs n’étaient pas certains de réussir leur levée. Mais en rejoignant aussi tôt j’étais convaincue que j’allais apprendre à vendre aux côtés de Jon, et à construire une startup from scratch.
Gabriel : A quoi ressemblait Aircall quand tu es arrivée ?
Tania : Je suis arrivée en juin 2015 et les fondateurs sont partis quelques semaines après aux US pour participer à l’accélérateur 500. Avec Justine, on a été jetées à l’eau. Mais c’était génial, j’étais venue pour ça! J’adorais toucher à tout et passer d’une discussion avec un client sur Intercom, à une démo sales, en passant par le produit. C’était une superbe période où on était seules à Paris pour faire tourner le produit. On avait les clés du bureau, on arrivait en premier et on partait en dernier.
Quand je suis arrivée, Aircall n’avait pas encore totalement trouvé son product-market-fit : on avait un MVP et une petite centaine de clients, principalement des personnes du réseau d’efounders. En revanche on avait déjà des outils tech et une UX avancée pour l’époque. Par exemple, notre CRM était déjà set up, on automatisait nos campagnes d’outbound, nos conversations avec nos utilisateurs, etc. C’est l’avantage de suivre le playbook efounders, ils ont sorti un produit commercialisable très rapidement.
Pendant l’été, il y a eu une vraie accélération sur le produit. Notamment les intégrations avec les différents CRM qui permettait d’enregistrer les calls aux bons endroits. Ca a créé un déclic en sales, renforcé par la notoriété renforcée d’Aircall grâce à 500. On a commencé à croître vite.
Pendant l’hiver 2015, Aircall a closé un seed avec Balderton. L’équipe était encore très petite à l’époque. D’ailleurs lorsque Bernard Lieutaud, Partner chez Balderton, est venu dans nos bureaux il était très étonné de voir que l’on était tout juste une petite dizaine avec une moyenne d’âge à 25 ans. Après le seed, on a pu vraiment recruter des top profils. 9 mois après, suite à une forte croissance, il y a eu un bridge qui a été considéré comme la Series A.
Gabriel : Quel a été le principal challenge de cette phase de seed ?
Tania : Le gros sujet était de scaler l’équipe pour accélérer la croissance. En comparaison, la roadmap produit était plus évidente car il fallait arriver au moins au niveau des systèmes de téléphonie existants.
En parallèle on a continué à itérer sur le go-to-market: qui sont nos meilleurs clients, comment les atteindre, comment signer des plus grandes entreprises, etc.
Enfin, on voulait s’implanter aux Etats-Unis, de loin le plus gros marché.
Gabriel : Comment ont évolué tes missions au fil des années ?
Tania : J’ai été recrutée en tant que généraliste, et je le suis restée environ 1 an et demi. J’ai commencé à m’intéresser au customer success, car on avait beaucoup de données qui nous montraient qu’il y avait un fort potentiel d’expansion chez nos clients. Je me suis mise à 20% sur ce projet, comme Charlotte qui avait été recrutée à l’occasion, et qui est désormais VP Customer Success EMEA.
Ensuite j’ai déménagé à New-York quelques mois pour aider à relocaliser le bureau américain anciennement à San Francisco avec l’équipe sur place. On m’a proposé cette mission car avec l’historique que j’avais chez Aircall, j’avais une vue complète des process à mettre en place.
En 18 mois on est passé de 6 à 40. Tout est allé très vite : les onboardings, la mise en place de process, le passage à Salesforce, le déménagement de chez efounders pour prendre nos bureaux.
Après notre Series A on est devenu une scale-up : on avait le PMF et des objectifs clairs. Les équipes ont commencé à se spécialiser et j’ai pris en charge la partie relation client en EMEA (Customer Success, Onboarding, Support) avec une équipe de 10 personnes.
Gabriel : Comment as-tu structuré la Relation Client ?
Tania : La relation client a toujours été une fonction revenue chez Aircall, et pas une fonction support. La première chose que l’on a faite a été de regarder la data : 20% de nos clients représentaient 80 % de nos revenus, ce qui est très classique. On s’est concentré sur sécuriser et faire grandir ces comptes. On avait une culture sales même en customer success dès le début et l’expansion a toujours été une north star pour l’équipe.
On s’est ensuite concentré sur les sujets d’onboarding et d’activation des comptes, qu’on a structuré pour avoir un flow clair par rapport aux Sales. On a ensuite voulu unifier la relation client au niveau monde et c’est là où j’ai été promue VP et j’ai repris l’équipe relation client aux US également.
Gabriel : Est-ce qu’il y a eu un vrai gap entre ton passage de Head of à VP en 2018 ?
Tania : Oui, c’était un vrai step !
D’abord, on a unifié les équipes Customer Success, Onboarding et Support aux US et Europe, et on est passé de 10 à 40 personnes. C’était un enjeu clé car c’était une des rares équipes cross-géographie d’Aircall.
Je suis passée d’un rôle de Head of avec des Leads à manager à un rôle de VP qui gère des managers, couvrant plusieurs géographies et plusieurs verticales. J’ai dû apprendre à recruter des profils plus seniors que moi.
Je suis également rentrée au Comex où on était 2 femmes et parmi les plus jeunes. Et c’est là où j’ai découvert les sujets de gouvernance et de relations avec les investisseurs.
En parallèle, la boîte continue de grossir et on atteint 300 personnes, ce qui apporte de nouvelles problématiques de feedback et de scale.
Gabriel : Qu’as-tu préféré dans ces 4 années chez Aircall ?
Tania : La liberté que l’on avait tant que les résultats étaient là. C’est cette philosophie qui m’a permis d’apprendre énormément et de passer de stagiaire à VP en seulement 3 ans. En rejoignant le board j’ai pu accéder à la gouvernance de l’entreprise, j’ai appris énormément sur cette dimension également.
Ensuite l’hyper croissance. Ce n’est pas fait pour tout le monde, clairement, mais j’ai adoré voir en si peu de temps Aircall franchir toutes ces étapes, et de pouvoir jouer un rôle aussi important en construisant un département. La vitesse à laquelle on allait permettait aussi de voir très rapidement ce qui nous plaisait ou pas, ce qui est très utile pour trouver vite sa voie.
Et finalement le plaisir de construire quelque chose ensemble. On était tous jeunes. On bossait dur mais on s’éclatait et célébrait chaque victoire.
Gabriel : Et à l’inverse, qu’est ce qui t’a le plus déplu ?
Tania : La violence qui vient avec l’hyper-croissance. Il n’y a pas de break et on peut se consumer. Personnellement c’est une phase que je vis bien car je suis prête à faire les sacrifices qui viennent avec. Ce type de croissance te pousse à être toujours dans l’immédiat, alors que l’organisation doit apprendre à penser long-terme.
J’ai entrepris pour retrouver de l’opérationnel et de l’action à un moment où mon quotidien était pris par le management et la gouvernance, ce qui ne me convenait pas vraiment à 28 ans.
Gabriel : Aujourd’hui tu construis ton entreprise, Jurnee. Quel impact a eu ton parcours chez Aircall ?
Tania : Je voulais entreprendre avant de rejoindre Aircall et c’était vraiment une super école : de la recherche du PMF, au scale à la gouvernance. D’ailleurs je suis pas là seule des anciens à m’être lancée !
Ca m’a aussi permis de voir de l’intérieur un problème qui est de plus en plus important pour les entreprises : comment construire des équipes fortes dans un monde hybride et international.
Pour nous cela passait par des fortes relations humaines qui étaient construites grâce à des événements d’équipes. Cela a toujours fait partie de la culture et beaucoup d’entreprises remote le font aussi depuis très longtemps comme Zapier, Buffer ou encore Automattic.
Par contre, on avait pas d’outils, c’était manuel, pas intégré à nos process et globalement complexe. C’est pour ça qu’on a voulu créer Jurnee avec Damien, un ancien d’Aircall aussi ! On voulait offrir une plateforme pour gérer tous ces événements d’équipes dans le monde simplement. Cela permet de rendre les managers autonomes tout en restant compliant avec les process de l’entreprise. Comme ce que Travelperk a pu faire pour le business travel par exemple.
Et Aircall est bien sûr devenu un de nos premiers clients ainsi que de belles boites comme Dailymotion, Booking.com, Didomi ou encore Ebay !