First Employee: Ankorstore

Gabriel de Vinzelles
Frst
Published in
8 min readApr 14, 2022

Une discussion avec Nicolas Sitter, deuxième employé et aujourd’hui Growth Director chez Ankorstore.

First Employee est une série d’interviews qui racontent les parcours explosifs et souvent méconnus des premiers employés des plus grands succès Tech de notre écosystème.

Gabriel : Que faisais-tu avant de rejoindre Ankorstore ?

Nicolas : J’ai fait une école de commerce, où j’ai eu des expériences à la fois business, avec un stage dans un grand groupe, et tech, avec un stage de développeur full-stack dans une startup à Berlin. J’ai ensuite rejoint Papernest en Acquisition, puis Jobteaser en tant que Head of Growth.

Gabriel : Quelles étaient tes missions chez Papernest et Jobteaser ?

Nicolas : J’ai rejoint Papernest pour les aider sur le SEO, qui était leur principal canal d’acquisition. C’était une team d’environ 30 personnes. Puis j’ai monté l’équipe Paid Acquisition, qui avant mon arrivée était externalisée et représentait un gros budget.

Jobteaser m’a ensuite contacté pour structurer toute la partie B2C, donc commencer à gérer leurs interactions avec les étudiants. J’ai lancé les jalons d’une squad product, défini la stratégie d’engagement des étudiants, lancé le paid marketing, etc.

Gabriel : Comment as-tu croisé le chemin d’Ankorstore ?

Nicolas : Les founders cherchaient à recruter un ami, Maxime de Baillon, ancien VP Growth de ManoMano, pour devenir leur Head of Growth. Maxime n’était pas intéressé car il montait sa startup. Il m’a alors recommandé.

Au départ, je ne voulais pas rejoindre un projet early-stage. J’avais commencé à gérer des équipes et des budgets dans mes expériences précédentes et je ne voulais pas repartir de zéro. Par ailleurs, je pensais être bon sur la phase de scaling, mais je n’avais aucune idée si j’allais réussir à l’être sur une phase de 0 à 1.

Avec le recul j’ai trouvé cette phase passionnante. C’est un moment qui demande beaucoup d’énergie et qui est engageant émotionnellement. Donc il faut se lancer en connaissance de cause. Je suis très impressionné par les serial entrepreneurs qui ont la force de repartir de zéro à chaque fois.

Mais les fondateurs d’Ankorstore, puis un de leurs investisseurs, David Sainteff chez GFC, m’ont convaincu que le projet n’était pas exactement early-stage et qu’on allait très rapidement devenir énorme.

Gabriel : Pourtant Ankorstore n’avait pas encore de produit à ce moment ? Vous étiez vraiment early stage.

Nicolas : Il y avait déjà une plateforme mais avec des petits volumes. Ils m’ont convaincu qu’on allait scaler très rapidement. Les fondateurs avaient déjà monté et revendu des boîtes, le marché était infini, ils venaient de lever un seed round de €6m, le plus gros de l’époque, et il y avait un modèle similaire qui cartonnait aux US (Faire.com) sans concurrent en Europe.

Gabriel : Comment s’est passé ton process de recrutement ?

Nicolas : C’était très rapide : mon ami m’a recommandé, j’ai rencontré Nicolas d’Audiffret, puis dans la même journée tous les autres fondateurs (Pierre-Louis Lacoste, Nicolas Cohen, Mathieu Alengrin). Je pense qu’ils m’ont pris car ils voyaient que je pouvais travailler de manière indépendante et construire des choses de bout en bout.

1st drinks — 09.2020

Gabriel : A quoi ressemblait Ankorstore quand tu es arrivé ?

Nicolas : On avait un site, 157 marques (contre plus de 20,000 aujourd’hui), €5k de volume de ventes par semaine, principalement généré par une marque et Pipedrive comme unique outil pour tout gérer.

Mon premier job a été de créer l’infrastructure pour permettre à toutes les fonctions business d’être indépendantes de la tech puis de scaler les opérations. J’ai posé les jalons de notre organisation actuelle, les principaux tools de la Growth stack (Hubspot, Customer.io, Aircall) et notre data stack (BigQuery, Segment, Stitch,Hightouch, etc.). C’est l’aspect sympa du early-stage : tu peux créer tes propres process. Ensuite j’ai commencé à tester nos premiers canaux d’acquisition (campagnes payantes, etc.).

On a commencé à accélérer et tout d’un coup… confinement. On ne savait pas quoi faire : tous les commerces indépendants ont fermé. On a perdu 100% de notre chiffre d’affaires. On s’est alors concentré sur l’acquisition des marques, qui venaient également de perdre un canal de distribution important (les commerçants). Elles étaient privées des salons et avaient du mal à vendre en ligne face à leurs concurrents pure players. Paradoxalement ce confinement nous a obligé à nous concentrer sur la supply de la marketplace, que l’on a triplé, et nous a permis d’avoir un excellent momentum à la réouverture. Avant le confinement, on avait un concurrent aux Pays-Bas plus gros que nous, et à la sortie on était deux fois plus gros qu’eux.

A ce moment, on a voulu mesurer notre product-market-fit (PMF) pour comprendre si l’on pouvait commencer à scaler. On a utilisé la méthodologie de Rahul Vohra et Sean Ellis qui consistait à demander à nos clients : « si Ankorstore disparaissait demain, serais-tu très déçu, déçu ou indifférent ». Si la part des très déçus excède 40%, cela veut dire que l’on est en PMF et qu’il faut scaler. On a eu d’excellents résultats et on a massivement investi dans notre croissance.

Gabriel : Peux-tu nous raconter comment ton rôle a évolué au cours des 3 dernières années ?

Nicolas : J’ai été recruté pour être Growth, donc acquérir des clients côté supply et demand. Mais au fur et à mesure j’ai fait de plus en plus de choses : création de l’infrastructure data, des tools, sales ops, business ops et stratégie. Donc concrètement growth, acquisition et opérations. A titre d’exemple, pendant longtemps on n’avait pas de data analyst, on jouait alors ce rôle avec Ivan Litovksy, notre Head of Product.

Mon rôle a ensuite évolué vers la création et la structuration des différentes équipes Growth. On a lancé une équipe paid, une équipe outbound et une équipe CRM pour la gestion des mails. On a ouvert beaucoup de pays, très rapidement, et aujourd’hui l’équipe Growth compte 60 personnes. Il y a encore beaucoup de fonctions horizontales comme business operations qui sortiront à terme du scope Growth.

Je suis rentré dans une troisième phase chez Ankorstore. Dans une entreprise qui grandit aussi vite, il faut régulièrement changer l’organisation. Et c’est ce que l’on est en train de faire. La Growth est désormais structurée en deux équipes, Growth Marketing (paid marketing, lead generation, pricing) et Growth Product, dont je prends la tête. L’équipe Growth Product va pouvoir se concentrer sur des features product. C’est donc une équipe plus technique, qui va pouvoir construire de manière end to end des nouvelles features growth dans le product. Avant l’équipe Growth ne touchait pas la code base, ce qui peut être handicapant.

1st offsite — 07.2021

Gabriel : Quelle est la phase qui t’a le plus plu ?

Nicolas : C’est la première phase. On a produit énormément de choses à trois, ça allait extrêmement vite. Ensuite quand une startup grossit, tu ne ralentis pas forcément mais tu rentres davantage dans une démarche de process, de meetings, et tu ne connais plus tout le monde. Aujourd’hui on est 500 personnes, avant on tenait tous dans un bureau.

La phase que j’attaque est aussi intéressante. Approcher la growth par le product permet de faire concrètement du product mais en ayant la possibilité d’itérer, d’essayer plein de choses, et de se tromper, ce que tu ne peux pas vraiment faire quand tu fais du Product. D’ailleurs j’avais lu dans un sondage réalisé par YC qu’aux US l’équipe Growth est dans 85% des startups rattachée au Product, alors que c’est encore très peu le cas en France. Cette organisation est particulièrement pertinente pour une marketplace B2B comme Ankorstore qui bénéficie d’énormes effets de réseau, et qui sont développés au niveau du product.

A titre d’exemple une partie significative de notre acquisition vient du referral.. Les marques ramènent des commerçants, mais en réalité c’est infini, les commerçants peuvent amener d’autres marques, et si on trouve les bons incentives, n’importe qui peut nous referrer une marque. Cette viral loop est extrêmement précieuse pour Ankorstore et c’est extrêmement fun de travailler dessus en tant que Growth.

Gabriel : Quelle est la partie de ton job que tu as trouvée la plus difficile ?

Nicolas : A partir de la deuxième année on a dû énormément recruter. Et je me suis rendu compte que c’était le recrutement qui allait débloquer la scale. Il faudrait que tout le monde dans la startup, pas que les founders, passe 50% de son temps à sourcer. Ce qui est difficile au début, c’est de jongler entre ton job et faire le travail de talent acquisition. Pour ça j’ai mis en place des techniques growth dès le début pour aller automatiquement chasser des profils, créer mon réseau et mon pipe de candidats. Et une fois qu’un candidat est recruté la difficulté est que tu dois le manager, ce qui prend également énormément de temps. Tu deviens recruteur puis manageur.

Il faut construire ce pipe le plus tôt possible, tracker le nombre de personnes que l’on rencontre chaque semaine et que toute la startup s’y mette. Au final, appliquer les mêmes techniques pour recruter des candidats que pour signer des marques.

1st skying session for the team — 03.2022

Gabriel : Qu’as tu retiré du rôle de premier employé ?

Nicolas : Pour le moment l’expérience a été géniale. Tu comprends d’où vient la culture de l’entreprise, tu es proche des fondateurs, tu connais tout l’historique de la boite, toutes les décisions prises.

En contrepartie il faut être prêt à se réinventer, changer de quotidien en permanence, et parfois ce n’est pas évident de savoir confier son équipe à quelqu’un ou encore de se sentir capable d’être bon dans un nouveau rôle.

D’un point de vue financier, l’avantage est que tu es dérisqué, car tu as un salaire. Ce n’est pas le cas quand tu te lances toi-même. Ainsi qu’une incentive à long terme, puisque tu as des parts de la startup.

En tout cas je pense que pour rejoindre une startup en tant que premier employé il faut avoir le bon mindset: être capable de prendre des raccourcis, avoir confiance en soi et accepter le fait que son équipe et son job vont changer tous les 3 mois.

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