First Employee: Dataiku

Gabriel de Vinzelles
Frst
Published in
7 min readDec 10, 2021

Une discussion avec Pierre Pfennig, 6ème employé et aujourd’hui VP Data Science chez Dataiku.

First Employee est une série d’interviews qui racontent les parcours explosifs et souvent méconnus des premiers employés des plus grands succès Tech de notre écosystème.

Gabriel : Que faisais-tu avant Dataiku ?

Pierre : J’étais étudiant à Centrale Lille. J’ai rejoint Dataiku pour mon stage de fin d’études et j’y suis resté.

J’avais déjà fait plusieurs stages dans le passé, soit dans des grandes entreprises en finance, soit en recherche, à l’INRIA. Travailler dans une société mature ne m’avait pas plu car tout prenait trop de temps. J’avais adoré faire de la recherche à l’INRIA, mais je n’étais pas prêt à faire une thèse et à travailler 3–4 ans sur un même sujet.

Je m’étais dit qu’une bonne alternative serait d’essayer une startup, où j’allais retrouver ce que j’aimais dans la recherche : travailler avec des gens brillants, apprendre beaucoup, avoir des libertés pour creuser des sujets, tout en restant agile.

C’était le début de la data science. Centrale Lille venait d’ouvrir une spécialisation de dernière année dans le domaine et c’était une des premières en France. Il n’y avait pas beaucoup d’entreprises dans le domaine : j’aurais pu tester Facebook, Google, mais ça ne me donnait pas envie, donc il restait les startups.

C’est tout bête mais j’ai cherché « start-up data science » sur Google. J’ai vu que Dataiku avait gagné différents prix de startups, et je les ai contactés.

Gabriel : Tu peux nous décrire le process de recrutement ?

Pierre : J’ai commencé par discuter avec un des fondateurs, Thomas Cabrol, qui était le Chief Data scientist. Il m’avait envoyé un test technique, qui, pour la petite anecdote est toujours très proche de celui qu’on utilise aujourd’hui. Ensuite je suis allé à Paris pour rencontrer deux autres fondateurs, Clément Stenac et Florian Douetteau.

Gabriel : Qu’est-ce qui t’a convaincu de rejoindre Dataiku spécifiquement ?

Pierre : Avant tout les fondateurs, qui sont incroyablement brillants. En sortant de l’école, l’important pour moi était de monter en compétences techniquement. J’ai appris énormément rien que pendant l’entretien, ce qui était un excellent signe qui m’a donné envie de rester avec eux.

Une autre variable importante dans mon choix était que les fondateurs avaient une vision très claire de ce qu’ils voulaient construire. Ils savaient où ils allaient. Cette assurance les a démarqués des autres startups que j’avais rencontrées.

Florian Douetteau & Clément Stenac
Florian Douetteau (co-founder CEO) & Clément Stenac (co-founder CTO)

Gabriel : Avais-tu des doutes particuliers au moment de les rejoindre ?

Pierre : J’ai rejoint Dataiku en avril 2014 quand la société n’existait que depuis un an. On était encore incubés chez Agoranov et en plus des 4 cofondateurs il n’y avait que 6 employés. A ce moment c’était encore tout à fait possible que Dataiku ne soit pas un succès et que l’aventure s’arrête dans 12 mois.

Mais je n’étais pas plus inquiet que ça. En sortant de Centrale avec quelques stages en Intelligence Artificielle je n’allais pas avoir de mal à trouver un autre job. C’était un pari qu’il me semblait raisonnable de prendre.

Gabriel : Dataiku avait déjà levé des fonds à ce moment ?

Pierre : Clément et Florian étaient connus dans l’écosystème data science. Leur expertise leur a permis de s’autofinancer en vendant des missions de conseil auprès d’entreprises qui sont ensuite devenues beta testeurs du produit Data Science Studio (DSS), le produit phare de Dataiku.

Gabriel : DSS était terminé à ton arrivée ?

Pierre : La Version 1 venait de sortir, avec des features encore présentes aujourd’hui, comme le Flow — l’interface où l’on peut visualiser l’ensemble des étapes d’Extract Transform and Load — et l’outil pour nettoyer et normaliser rapidement de la donnée qui fait encore sensation auprès de nos clients.

Gabriel : Et d’après toi, aviez-vous déjà atteint votre Product-Market Fit ?

Pierre : Il y a deux réponses possibles à cette question. Non, parce qu’on venait de sortir le produit et que seuls 2 ou 3 clients le testaient. On n’avait pas encore de commerciaux, et Marc était le seul à vendre l’outil. Mais en même temps nous n’avons jamais pivoté. La vision et l’outil pour y répondre sont là depuis le premier jour. Donc nous étions clairement en chemin vers notre Product-Market Fit.

Gabriel : Peux-tu nous décrire avec tes mots cette vision ?

Pierre : La data science était réservée à l’époque à quelques très grandes entreprises technologiques, comme Apple ou Google. Les fondateurs de Dataiku voulaient créer un outil permettant de démocratiser cette science auprès d’entreprises moins matures.

Cette vision est restée identique. Tout comme la culture de Dataiku. Ce qui est incroyable quand tu passes de 9 à 900 personnes en 10 ans. On est aujourd’hui une entreprise de bientôt 1000 personnes et je continue à jouer à FIFA le midi avec Florian notre CEO, et je peux demander de l’aide à notre CTO dès que je rencontre un problème technique.

Gabriel : Tu es engagé en tant que Data Scientist. Quelles sont tes premières missions ?

Pierre : Être data scientist chez Dataiku c’est être un consultant interne au service de nos clients. Les data scientists sont des experts de notre produit Data Science Studio. Notre mission est d’aider nos utilisateurs à réaliser leurs projets de data science. Donc j’accompagnais nos nouveaux clients — de la démonstration de l’outil au run des projets.

Au début je portais plusieurs casquettes : customer success, comprendre les besoins du client, ainsi que le déploiement du produit et le software engineering, coder le produit. Au fur et à mesure que Dataiku a grandi, on a rationalisé l’emploi des ressources, et on s’est structuré. On a créé des équipes dédiées pour chacune de ces dimensions et on a mis en place un tier-ing de clients.

Les data scientists se sont alors concentrés sur la delivery, c’est-à-dire aider les nouveaux clients à réaliser leurs premières missions pour s’assurer que la solution leur apporte la valeur espérée.

Gabriel : Qu’est-ce qui a changé dans ton quotidien en devenant Lead Data Scientist ?

Pierre : Lorsque Dataiku a grandi, on est passé d’une structure très flat à une structure avec des couches de management. On a introduit des rôles de Lead par géographie. C’est durant cette phase, en janvier 2019, que j’ai pris le lead de l’équipe data science en France, qui comptait alors 5 personnes.

Ensuite tout est allé très vite. La taille de l’équipe doublant tous les ans on a eu besoin de couches de management supplémentaires. J’ai eu la chance que les fondateurs m’aient fait confiance pour me faire grandir avec Dataiku et me nommer VP Data Science. J’ai désormais la responsabilité de tous les Lead Data Scientists en Europe.

On est aujourd’hui une trentaine de data scientists en Europe, avec une équipe similaire aux US et en Asie. Je manage les Lead Data Scientists, qui sont chacun à la tête d’une grande région d’Europe où ils managent eux-mêmes 5 data scientists. L’année prochaine, l’équipe de data science passera de 30 à 50. Je suis en train d’introduire une couche de directeurs supplémentaire pour chaque région.

Mon rôle a beaucoup évolué depuis le début : je ne fais plus du tout de technique, et je suis davantage sur le recrutement, la montée en compétences des data scientists et la gestion du budget.

Gabriel : Si on devait diviser ton temps chez Dataiku en deux phases — maker puis manager — qu’as-tu préféré ?

Pierre : Ce qui me plait, c’est d’apprendre de nouvelles choses. Quand je suis arrivé en stage j’avais beaucoup à apprendre sur la technique et la relation client. Après quelques années, j’ai fini par en faire le tour. Je ne connaissais rien au management et j’ai voulu apprendre ce métier. Je ne veux pas rester dans ma zone de confort. Peut-être que dans 5 ans j’aurai à nouveau envie de revenir sur la partie technique.

Gabriel : Quelle est la partie que tu as trouvée la plus difficile ?

Pierre : Passer du rôle de Lead à celui de VP a été le plus stressant. Quand j’étais Lead, j’étais un manager encore très proche du terrain, qui jouait surtout un rôle de coach technique pour les data scientists. En devenant manager de managers, je n’avais plus de problèmes techniques, mais des problèmes humains. Manager des personnes, ce n’est pas comme du code — ce n’est pas prévisible et la charge mentale est beaucoup plus forte car tu es en charge de la carrière des personnes.

Gabriel : Qu’est-ce que tu as retiré du rôle de 1er employé ?

Pierre : J’ai pu grandir avec Dataiku grâce à la confiance des fondateurs. En 8 ans j’ai eu des occasions que je n’aurais eu nulle part ailleurs. Je suis arrivé en tant que stagiaire et je suis désormais VP. Je ne pense pas que ce genre de trajectoire soit possible sans prendre le risque de rejoindre un projet très tôt.

Gabriel : Est-ce que tu as réfléchi à entreprendre un jour ?

Pierre : Oui, j’y ai déjà pensé. Quand tu vis l’aventure Dataiku, tu te dis forcément que ça doit être génial d’être à l’origine d’un tel projet. Mais je vois aussi le niveau de pression et d’investissement derrière.

J’admire beaucoup les fondateurs, mais ils avaient une vision. Je me souviens d’un des premiers déjeuners avec Florian — je lui avais demandé comment il voyait Dataiku dans 4 ans et il m’avait décrit précisément les différentes étapes qu’il avait en tête, et ça s’est passé exactement comme il l’avait prévu.

Entreprendre un jour, oui, mais j’aimerais d’abord avoir une vision, la conviction d’avoir quelque chose de nouveau à apporter, et m’entourer de personnes en qui j’ai 100% confiance.

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