La loi est un code et le code fait loi, ou pourquoi Otium Venture investit €2m dans Doctrine.fr

Pierre Entremont
Frst
Published in
4 min readOct 13, 2016

Nous annonçons un investissement seed de €2m dans Doctrine.fr, le “Google du droit”. Plus d’information dans Les Echos : Doctrine, le « Google » des avocats, affole les compteurs de l’amorçage

Alors que la jurisprudence est une des matières premières du travail des avocats, le site public Légifrance et les bases de données des éditeurs juridiques privés sont pourtant notoirement incomplètes et difficiles à utiliser efficacement.

Doctrine.fr propose une alternative exhaustive, qui tire parti des dernières avancées en Intelligence Artificielle pour aider les avocats et juristes dans leur travail.

Page d’accueil de Doctrine.fr

Les éditeurs juridiques traditionnels ont raté le tournant du digital

Avant de rendre publiques leurs décisions, les juridictions comme La Cour de Cassation et le Conseil d’Etat doivent les anonymiser (supprimer les noms de familles des parties) puis les numériser. Ce travail étant traditionnellement manuel donc chronophage et coûteux, toutes les décisions ne sont pas publiées sur le site public Légifrance.

Traditionnellement, quelques éditeurs juridiques comme Lexis Nexis (€150m de CA en France) ou Dalloz (€50m de CA) collectent une partie des décisions non publiées par les juridictions, en vertu d’accords signés au siècle dernier qui impliquent parfois une rémunération. Ils se chargent ensuite de leur traitement et vendent aux avocats et juristes l’accès aux bases de données ainsi créées. Les éditeurs juridiques forment un véritable oligopole, avec tous ses travers traditionnels : non exhaustivité, prix élevés, peu d’innovation, et globalement faible satisfaction client.

En plus d’être chères (facilement €3k / an avec engagement annuel ) et incomplètes (de nombreuses décisions en sont absentes, comme par exemple celles de première instance et des Tribunaux de Commerce), ces bases de données sont aussi remarquablement peu simples d’utilisation. En cause, des technologies d’indexation et des interfaces datées (pas de versions mobiles !), et globalement un passage du modèle d’éditeur à celui d’entreprise technologique qui ne s’est jamais fait.

Interface de LexisNexis JurisClasseur

Doctrine.fr, la première base de jurisprudence exhaustive et ergonomique

Fort de son avance technologique et de son succès auprès des avocats (plus de 5 000 inscrits et 50 000 recherches par jour), Doctrine.fr a progressivement su convaincre la quasi totalité des juridictions et autorités françaises de lui confier leurs décisions pour les rendre accessibles gratuitement.

D’ici quelques semaines, Doctrine.fr aura achevé la constitution de la première base de données de jurisprudence française exhaustive, coiffée d’une ergonomie et d’une finesse de recherche totalement inédite.

Moteur de recherche de Doctrine.fr

Jamais une entreprise fondamentalement technologique (2 des 3 fondateurs de Doctrine.fr sont ingénieurs spécialisés en Intelligence Artificielle) n’avait disposé en France d’un tel volume de données de jurisprudence. Cela ouvre grand la voie au traitement de la donnée juridique par l’Intelligence Artificielle.

L’intelligence Artificielle, nouvelle frontière du droit

La loi est un code…

Le langage juridique est un langage semi-structuré, que les machines comprennent relativement bien. Il manquait jusqu’à présent une base de données suffisamment riche pour leur permettre de se “former” au droit, de configurer leurs algorithmes en les confrontant à des centaines de milliers de décisions.

Dès lors que la machine est capable d’identifier automatiquement les sujets, les décisions et leurs chronologies (ce qui permet notamment l’anonymisation automatique), il devient possible de générer des analyses transverses à très forte valeur ajoutée, comme par exemple la condamnation moyenne par année d’historique dans les contentieux pour rupture abusive de relations commerciales, ou de contrats de travail.

Doctrine.fr a d’ores et déjà commencé à intégrer à sa plateforme ce type de fonctionnalités, et l’objectif principal de la levée de fonds de €2m est de poursuivre le recrutement des “data scientists” qui créent ces outils.

Mois de préavis versés par années de relations dans les litiges pour rupture abusive de relations commerciales

Les données nécessaires à la création du graphique ci-dessus (couples “mois de préavis versés” ; “années de relations commerciales” ) ont été extraites automatiquement de centaines de décisions par les algorithmes de Doctrine.fr (et non manuellement, comme l’ont toujours fait les avocats). Une révolution !

…et le code fait loi

On peut même prévoir que demain les algorithmes permettront de prédire les décisions. Doctrine.fr travaille en fait déjà avec les directions juridiques de plusieurs grandes entreprises, qui pour les petits litiges prennent désormais automatiquement la décision d’aller au procès ou non.

Libérés du fardeau de la recherche documentaire et assistés dans leurs analyses par l’Intelligence Artificielle, les avocats du futur se concentreront sur les tâches à fortes valeurs ajoutées comme la structuration de l’argumentation ou la négociation. Un bon en avant pour leur productivité, et pour la systématisation du droit.

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