Quelles startups pour le monde d’après ?

Pierre Entremont
Frst
Published in
7 min readMay 9, 2020

Les crises rebattent les cartes, ce qui favorise celles et ceux qui n’avaient pas démarré avec les bonnes et pénalise les rentiers. C’est pourquoi les entrepreneurs vivent les crises avec intensité, même s’ils en regrettent bien sûr les dégâts humains.

Work From Home, digitalisation accélérée de tous les process, questionnement du rôle de la monnaie, rapport à la mort, nécessaire internalisation des externalités, disponibilité des futurs clients et associés… Nous n’avions plus l’habitude de voir le monde changer si vite.

Mais obtenir de meilleures cartes de départ ne suffit pas, encore faut il savoir les jouer mieux que les autres. Crise ou pas, ça n‘est pas en cherchant des “idées de boites” dans les journaux ou sur son canapé que l’on en trouve. C’est en devenant suffisamment spécialiste d’un ou plusieurs domaines pour y voir des problèmes intéressants.

Everything around you that you call life was made up by people that were no smarter than you…

…ils étaient juste plus focus.

Notre cerveau est programmé pour considérer le monde comme intangible, et s’empêcher de le penser différemment. C’est plutôt une bonne chose car tout questionner en permanence serait épuisant, déprimant, et la plupart du temps pas très productif. Mais c’est aussi ce qui nous empêche de voir ce qui pourrait être amélioré.

Difficile d’échapper à cela en dehors de son champ de spécialité. Mais on peut lutter contre en concentrant son énergie sur des domaines qui nous intéressent pour à la fois y forcer des nouveaux problèmes à se manifester, et augmenter sa capacité à les voir.

Pousser le monde dans ses retranchements

Il est rare que tenter de résoudre des problèmes connus avec des méthodes connues suffise à mettre sur la voie d’une startup. Se spécialiser dans un ou des domaines permet d’identifier les sujets avant les autres, mais aussi d’appliquer des méthodes nouvelles à des problèmes connus, ce qui créé des problèmes nouveaux.

Cela implique d’être passionné par au moins un aspect de ce que l’on fait, sans quoi on ne poussera pas assez le monde dans ses retranchements pour faire émerger de nouveaux problèmes, ni pour savoir s’ils sont intéressants.

Lorsque Benjamin Netter était CTO de Lendix il a tenté d’envoyer des faux mails de phishing à ses salariés pour leur faire prendre conscience du danger. Il s’est rendu compte que cela fonctionnait, mais créait des problèmes (scénarios évolutifs, formation…) qu’un MVP ne suffisait pas à résoudre. Et Riot est né.

Si votre job, ou au moins une partie, ne vous intéresse pas au point où vous voyez arriver les problèmes et les solutions avant les autres, en changer est la première étape pour “trouver une idée de boite”.

Les prochains mois sont l’occasion rêvée de faire des choses nouvelles et de trouver des problèmes à résoudre

Le confinement n’a pour la plupart des gens pas été le meilleur moment pour écrire un best-seller ou changer de vie. Le stress, les enfants, l’adaptation très concrète à un nouveau mode de vie étaient suffisamment difficiles à gérer comme ça.

La période qui s’ouvre avec la fin du confinement semble en revanche particulièrement propice : les nouveaux problèmes se multiplient dans tous les domaines, potentialisés par la reprise d’activité. Le Work From Home allié à la baisse d’activité des entreprises existantes libère du temps aux futurs entrepreneurs comme à leurs futurs salariés et prospects. L’assurance chômage (partiel ou non) est encore plus incitative qu’en temps normal à changer de job si l’actuel ne vous convient pas.

Et enfin, c’est l’occasion du siècle de trouver son co-founder ! Quelles que soit l’expertise et les compétences que vous cherchiez, le nombre de personnes qui les détiennent et sont prêtes à envisager des changements de vie est 10x supérieur à d’habitude.

Pro tip, bricoler un mini produit avec un co-founder potentiel permet de faire d’une pierre trois coups : Voir comment on travaille ensemble, faire des choses nouvelles et donc émerger des problèmes nouveaux, et s’il s’avère que l’idée tient la route avoir un MVP!

Croiser la grande histoire avec la sienne

La liste de phénomènes ci-dessous n’a pas la prétention d’être exhaustive, ni même correcte. Et encore moins de suffire à générer des idées de startups. Si elle permet à quelques lecteurs d’envisager un problème personnellement ressenti sous un angle différent, elle aura atteint son but.

Software finally digested the world

Les “2 years of digital transformation in 2 months” observés par Microsoft sont une réalité dans tous les domaines. Des Notaires qui peuvent désormais signer des actes à distance, aux restaurants étoilés qui livrent à domicile, en passant par les grands parents, formateurs professionnels et profs de CM1 sur Zoom, plus personne ne pourra dire “on ne l’a jamais fait” ou “c’est trop compliqué”. Rings a bell?

WFH is here to stay

L’éléphant dans l’appartement. Que doit être le bureau si on y est moins ? La maison si on y est plus ? Que deviennent les villes s’il n’est plus nécessaire d’y vivre pour travailler ? Difficile à dire, mais les tailles de marché respectives de l’immobilier et du travail et leur innombrables adjacences (communication, transports, alimentation, ameublement, évènementiel…) font que le moindre changement aura des effets massifs.

Le CEO de Morgan Stanley a déjà annoncé que le WFH allait devenir une réalité mensuelle voire hebdomadaire pour ses salariés, des startups US bien financées commencent à fermer leurs bureaux de SF, et Facebook a déjà étendu le WFH généralisé à toute l’année 2020.

Si les salariés préfèrent rester chez eux et que les entreprises continuent à les y pousser, il n’y a pas de raison que ça n’arrive pas. Il est peut-être temps d’investir dans le résidentiel en province !

Social events are the new Offices / Universities / Restaurants

On sait maintenant qu’on allait pas au bureau pour travailler, pas au restaurant pour manger, ni à l’école pour apprendre, mais pour échanger avec des pairs. Le remote nous libère des déplacements non nécessaires, mais ne remplace pas cela.

Les lieux et formats adaptés à de nouvelles formes de “socialisation concentrée” sont à inventer. De là à faire renaître Wework de ses cendres…

Rapport à la mort / Cut the bullshit

Le rapport à la mort est évidemment lié à la façon dont on organise sa vie, dans les grandes lignes comme l’équilibre vie privée / personnelle comme dans les détails comme le goût pour les pertes de temps administratives ou les dépenses superflues. Sans compter un intérêt possiblement renouvelé pour les expériences nouvelles.

Cheap CAC

Alors que le temps passé sur des écrans est passé de 10 à 13h quotidiennes, les budgets des annonceurs se réduisent. Résultat : ça ne va pas probablement pas durer mais le prix de l’inventaire de Facebook a été divisé par deux, à son plus bas historique. Plutôt une bonne nouvelle quand on compte uniquement sur l’acquisition clients payante, comme dans l’assurance par exemple.

Cash is trash

Pour compenser la perte d’activité sans augmenter l‘endettement réel des Etats, les Banques centrales ont imprimé plus d’argent en 2 mois qu’elles ne l’avaient fait les 2 dernières années, sans compter la relance qu’il faudra financer aussi. Les effets à venir sur les prix à la consommation sont sujets à débat, mais celui sur l’augmentation du prix des actifs a été historiquement assez évident. Bitcoin en est une manifestation.

Entre des taux négatifs et des actifs qui n’en finissent plus de grimper, placer son épargne va continuer à être un problème épineux pour qui ne veut pas s’appauvrir. Sans parler de l’aggravation des inégalités que cela dessine en creux…

Des talents pleins les canapés

Avant la crise la guerre des talents faisait rage dans les startups, à tel point que passée la première étape du “product market fit” la capacité à attirer et retenir les talents mieux que ses concurrents était devenue un des principaux leviers de réussite. Cette matière première cruciale est désormais accessible sans avoir à s’appeler Airbnb. De plus ce mercato va être l’occasion pour des intermédiaires et marketplaces en tout genre de grandir.

Les externalités s’imposent à nous

Le réchauffement climatique, le terrorisme, et maintenant les pandémies, sont autant de signes que pour prospérer le capitalisme doit apprendre à prendre en compte ses externalités, probablement en les intégrant dans les prix. Cela remet en cause la doctrine historique suivant laquelle la main invisible coordonne les intérêts individuels de la meilleure des façons, mais à moins d’une impossible coordination de tous les états du monde on n’en connaît pas d’autre. Sacré problème ;)

Inspiré ? 👉 pierre@frst.vc

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