Combattre votre syndrome de l’imposteur, une belle bataille pour cette année.

Dans cet article nous vous partageons nos outils et autres pistes pour vous lancer et briser durablement la glace.

Demain sera bien. Par Haigo.
11 min readFeb 21, 2020

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Dans une organisation où l’on rencontre beaucoup de personnes brillantes et bienveillantes à la fois, il est facile de glisser vers une longue introspection en se demandant si l’on répond bien aux attentes de notre poste. Vous savez, cette personne un peu comme nous mais “en mieux”. Chez les moins aguerris ou chez les vieux loups de mer, ces questions existent sous différentes formes mais enclenchent les mêmes mécanismes. Ces derniers sont d’autant plus présents sur le marché du digital et de l’innovation. En effet, le spectre de compétences relatif à ces métiers est particulièrement large et en cours de définition. Il est alors facile d’être perdu quant aux prérequis pour être reconnu comme un bon Designer ou Product Manager.

Vous vous demandez chaque jour si vous êtes en train de faire les bons choix ? Si vous êtes assez bon? Si vos collègues auront les yeux qui brillent en découvrant les solutions que vous proposez ? Ce sont les premiers symptômes du syndrome de l’imposteur; pas de panique, vous êtes (presque) comme tout le monde.

70% de la population fera face à un moment de sa vie au syndrome de l’imposteur. (International Journal of Behavioral Science -2011)

Apprenons donc à mieux comprendre ce que les psychologues qui ont planché sur le sujet préfèrent qualifier “d’expérience” de l’imposteur en raison de son conditionnement par l’environnement à une période donnée. Prenons également conscience des déclencheurs de celle-ci et apprenons à la déceler chez nos collègues ou nous-même.

Une perception déclenchée par votre environnement

Vous n’êtes pas imposteur à vie, et si vous ne l’avez jamais été, vous n’êtes pas non plus à l’abri de le devenir.

Votre management, la manière dont vous êtes sollicités mais aussi la perception que vous avez de vos collègues sont des facteurs qui conditionnent votre expérience de l’imposteur (que vous évoluiez dans un environnement néfaste ou bénéfique).

Chez Haigo, ce phénomène est très présent. Pour la petite histoire, toutes les personnes parmi les 7 interrogées chez nous ont répondu par l’affirmative lorsqu’on leur a demandé si elles se sentaient sujettes au syndrome de l’imposteur.

En voici quelques causes :

- Un manque de référentiel commun pour savoir où se situer et évaluer son expérience (en particulier pour les profils atypiques dont nous raffolons)

“ Il a fallu avoir un déclic pour assumer mes expériences passées et valoriser ce qu’elles m’ont apporté ”

— Program Manager, 5 ans d’expérience

- Des missions dans des domaines très variés, qui nous font nous interroger sur notre capacité à être pertinent et amener une valeur ajoutée. Passer de l’industrie de l’énergie au domaine de la santé peut donner l’impression de repartir de zéro. La difficulté est de suffisamment maîtriser les basiques pour se laisser l’opportunité d’explorer la nouveauté.

“ Je me demande si je suis capable de m’adapter au contexte et de délivrer de la valeur ?”

— Senior Program Manager, +10 ans d’expérience

- Une forte propension à se comparer à des pairs, considérés comme des modèles.

- Un staff au sein duquel les jeunes fraîchement sortis d’école sont très représentés et en quête de progression rapide

- Une industrie créativement exigeante où 2 mois de travail acharnés peuvent être détruits en une phrase par un collègue ou un client

Tout le monde se compare aux autres, et c’est normal

La comparaison latérale est un réflexe social qui peut être tout à fait bénéfique lorsqu’il est assumé et que l’on ose communiquer dessus (dans un cadre sportif par exemple), mais qui peut devenir une vrai fardeau lorsqu’il est question de compétences à acquérir et que le sujet est “tabou” au sein de l’organisation.

“ Tu vois tous les autres designers chez Haigo et tu te dis merde mais ils sont trop fort, ils savent faire ça et moi non…et tu apprends après quelques années qu’en fait tout le monde pense comme ça “

— Designer, 4 ans d’expérience

- Une culture du feedback bien présente, mais encore trop peu ritualisée à cause d’un manque d’adhésion aux canaux proposés, qui ne sont pas en adéquation avec une organisation horizontale où la friction est systématiquement évitée.
Un circuit de feedback court devient alors une cérémonie bien préparée et édulcorée, qui arrive souvent trop tard pour avoir un impact positif.
Augmenter la fréquence de feedback et le ritualiser permet de ne jamais arriver au moment gênant, où plus personne n’arrive à se dire les choses. Le meilleur moyen d’enfermer un imposteur est de ne pas lui faire de retours pertinents au bon moment. @NicolasMoreau a partagé il y a quelques mois des pistes d’amélioration pour faire du feedback votre arme secrète.

“ Ce qui aiderait serait un feedback constructif les premiers mois chez Haigo ou au début d’une mission, sur un premier Design Sprint par exemple.”

Program Manager, 2 ans d’expérience

Comment déceler le complexe de l’imposteur chez vous, vos collègues ou employés ?

Les imposteurs tendent surtout à vouloir maintenir l’admiration et le respect de la part des autres”
— (Dudau, 2014a; Langford & Clance, 1993)

❗️Le perfectionnisme :
Nous ne faisons pas cas ici de ceux qui se considèrent comme perfectionnistes, mais plutôt de ceux qui le sont sans vraiment s’en rendre compte.

Voici quelques traits de comportement pour démasquer les vrais perfectionnistes :

- Le plus évident : Une tendance à avoir des standards d’exigence très hauts qui ne sont pas en phase avec la réalité de temps et les vrais besoins du projet

- La conséquence : Une difficulté à déléguer certaines tâches, pour être certain qu’elles soient parfaitement exécutées

- Le pire : Un immobilisme et une procrastination latente, qui préserve du fait de se tromper ou d’échouer !

❗️L’addiction au travail ou “Workaholism”:
Travailler plus que les autres, arriver le premier ou partir le dernier (ndlr. nous ne parlons pas ici de présentéisme mais de travail intense en dehors d’une classique charrette ou d’un gros enjeux business) peuvent être des signes du complexe de l’imposteur. Aussi, passer systématiquement outre les moments de vie ou autres points d’échange avec les collègues pour préférer “avancer sur son projet”, est un comportement qui doit mettre la puce à l’oreille d’un manager. Votre collègue ou employé n’ose probablement pas appeler à l’aide et est emprisonné dans son expérience de l’imposteur.

❗️L’isolement :
Ce comportement est un autre signal auquel il faut prêter attention. Les “imposteurs” ont du mal à lever la main pour demander de l’aide, car accomplir les tâches et les réussir seul les aide à se prouver leur valeur.

Il est primordial de déceler ces comportements à temps pour proposer une aide pertinente au bon moment.

Le “syndrome” de l’imposteur est par définition un biais, qui peut être plus ou moins présent selon le contexte et l’organisation dans laquelle on évolue.

Fort heureusement pour nous, nous avons une méthode sur laquelle nous appuyer qui permet de raccrocher les wagons et identifier les trous dans la raquette. Ces derniers, plus simples à identifier lorsqu’on est senior, sont importants à “cartographier” et rationaliser avec l’aide un manager plus aguerri pour les profils plus junior.

“ Je dois avouer que notre méthode m’aide beaucoup : avec ce que j’apprends sur le terrain, je sais quelles compétences et quelles expériences je peux convoquer pour apporter de la valeur … j’ai deux options : ou capitaliser sur ce que je peux apporter et orienter la mission vers ce que je peux apporter avec certitude, ou faire appel à une autre ressource qui va compléter mon angle mort ”

— Senior, +10 ans d’expérience

C’est aux managers et autres responsables des ressources humaines d’identifier les signaux faibles relatifs au syndrome de l’imposteur et d’y amener les outils nécessaires, pour ne pas laisser leurs employés sur le banc de touche.

Comment limiter ses effets dans votre organisation ?

🎯 Dès l’arrivée dans la boîte : La feuille de route (ou grille des skills)

Chez Haigo, nous testons depuis bientôt un an, une “grille des skills”, inspirée des radar chart qui permet de créer un référentiel commun à tous les employés vis-à-vis des compétences attendues et atteignables pour chaque poste et chaque grade.

Retrouvez notre template ici

Comment ça marche ?

La semaine de ton arrivée : Un manager te prend en charge pour les prochains mois et te fait découvrir la grille afin de mieux comprendre l’étendue des compétences “soft” et “hard” atteignables dans la boîte. Nul besoin de tout maîtriser. Ici, le but est bel et bien de découvrir ce beau jardin des skills, et de décider quel fruits on souhaite y cueillir.

Il y a quelques mois nous nous auto-évaluions selon l’échelle de compétences ci-après et nous donnions des objectifs de progression à atteindre dans les 6 prochains mois, soit parce qu’il y a une compétence dans laquelle on souhaite s’épanouir, ou parce que c’est un pré-requis pour un passage au grade supérieur.

0 = Je n’ai jamais fait

1 = J’ai des notions et je dois être formé / accompagné / supervisé pour réussir

2 = Je l’ai déjà fait, mais j’ai besoin de le co-construire avec quelqu’un de plus expérimenté

3 = Je sais le faire en autonomie et mon entourage a confiance

dans mon niveau d’exigence pour ne rien vérifier avant le rendu ou je l’ai déjà fait plusieurs fois dans des contextes différents avec succès

4 = Je sais l’enseigner / coacher quelqu’un / innover dans les formats et les livrables ; je l’ai déjà fait plusieurs fois dans des contextes différents

Aujourd’hui, nous essayons de voir cet outil comme une feuille de route, qui permet de construire des objectifs à 6 mois, mais surtout, de les transposer à des souhaits et des choix de carrière.

Il est ainsi plus simple de proposer les formations et ou missions qui permettent de s’affirmer dans les champs de progression choisis.

Cette grille n’est pas une solution au syndrome de l’imposteur, mais elle permet de constituer un socle commun, qui donne l’opportunité de mettre à plat ses points forts et ses lacunes, et d’y associer des preuves et objectifs tangibles. C’est aussi l’occasion d’identifier les collaborateurs que l’on estime aptes à nous faire monter en compétences ou gagner en confiance sur ces points précis.

✅ Des points positifs :

- Cette grille permet de créer un référentiel commun à tous les employés, et, bien qu’elle ne constitue pas un argument de négociation, elle est un bon guide de progression vers un prochain grade

- Elle permet de visualiser sa progression et ses objectifs, puis de les partager avec les personnes qui peuvent nourrir cette progression ou nous éclairer avec une vision plus inspirationnelle sur un plan de carrière.

“ Je pense que quoi qu’il arrive c’est un truc personnel, néanmoins une grille des skills bien échelonnée combinée à de la bienveillance du sensei c’est juste énorme par rapport aux milliers de choses qui peuvent exister, donc oui ça aide”

— Program Manager, 1 an d’expérience

⚠️ Des points d’attention :

Le gros point d’ombre de cette grille est qu’elle peut renforcer le syndrome de l’imposteur si elle n’est pas appuyée par la bienveillance de pairs ou de son manager.

“ La grille de skills pour moi a fait l’effet inverse, ça m’a plus mis en regard tout ce qui me manquait et ce qu’on pouvait attendre d’un designer chez Haigo ”

— Designer, 9 ans d’expérience

📋 En début de projet : La checklist avant le décollage

Combien de fois avez-vous entamé un projet sans savoir exactement ce que l’on attendait de vous ?

En agence, il peut arriver que l’on soit parachuté sur un projet avec d’autres collaborateurs pour plein de raisons relatives à nos compétences qu’elles soient soft ou hard.

Malheureusement, rares sont les fois où on nous dit clairement pourquoi nous avons été l’heureux élu, ce que l’on attend clairement de nous. C’est une occasion manquée pour un “imposteur” d’exprimer ses doutes de cartographier ses carences ou ses forces. Faire cet exercice en début de projet permet de mieux anticiper et d’éviter les situations délicates de silences ou de non-dits qui donnent souvent lieux à des périodes d’over-delivery pour compenser des doutes ou une période d’immobilité.

Tel un pilote d’avion, il est primordial d’effectuer un check de départ avec son équipage.

Comment ça marche ?

Un rituel d’équipe-projet (adapté aux agences) :
En guise de rituel de début de projet, le lead de celui-ci doit pouvoir être en mesure de briefer les membres de l’équipe sur les compétences pour lesquelles ils ont été considérés comme pertinents pour travailler sur le sujet.

Que ce soit pour des soft skills (Ex. une forte capacité à animer et motiver une équipe) ou des hard skills (Ex. une excellente connaissance technique des interfaces), il est essentiel pour ces profils (les plus verts comme les plus senior), de savoir ce sur quoi on les attend, afin qu’ils sachent où accentuer l’effort pour amener de la valeur et éviter le cercle vicieux de l’imposture. L’idée est aussi d’identifier les trous dans la raquette de l’équipe et anticiper les moments où les “imposteurs” n’oseront peut-être pas lever la main pour demander de l’aide, ou seront tentés de faire de l’over-delivery.

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Voici quelques questions clés à poser lors d’un lancement de projet en interne :

- Pourquoi le client a choisi [Nom de votre agence] ?
- Quelles sont les risques identifiés ?
- Pourquoi [Nom du collaborateur] a été choisi pour la mission et quels sont ses objectifs de progression personnels ? (à répéter pour chacune des personnes présentes sur la mission)
- Cette mission sera une réussite si…
- Quels sont les objectifs de “plaisir” et de progression pour l’ensemble de l’équipe ?

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✅ Des points positifs :

- Un projet plus simple à lier avec des objectifs de progression

- Une opportunité d’éliminer très tôt les non-dits qui contribuent à l’enfermement dans un syndrome de l’imposteur

- Une opportunité d’anticiper du temps à dégager pour accentuer le suivi à certaines étapes du projet

- Le fait de savoir pourquoi on a été choisi sur un projet, ce qui peut renforcer la confiance en soi

⚠️ Des points d’attention :

- Une forte dépendance aux capacités de management du lead projet

- La possibilité de renforcer le syndrome de l’imposteur si ce rituel n’est pas bien accompagné

Finalement,

Assumer l’existence du syndrome de l’imposteur au sein de votre organisation est un premier pas pour libérer les personnes qui en sont victimes. Même dans une organisation bienveillante, où les employés sont assez proches et où la langue de bois n’existe pas, il est courant d’être sujet à cette expérience.

Imposteurs, mettez les autres au courant. Managers, attelez-vous à briser ce tabou !

La grille des compétences et la checklist (à retrouver plus haut) de début de projet sont un début de réponse à ce phénomène bien ancré dans notre organisation. Nous serions très curieux de découvrir comment ça se passe ailleurs afin de nourrir notre réflexion à ce sujet. N’hésitez pas à venir en parler avec nous en envoyant un e-mail à hello@haigo.fr ou sur notre compte LinkedIn.

Annexe : Retrouvez les 5 différents types d’imposteurs ici : https://www.themuse.com/advice/5-different-types-of-imposter-syndrome-and-5-ways-to-battle-each-one

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