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Comment Deliveroo et Stuart onboardent leurs Digital Workers et pourquoi tout DRH devrait s’en inspirer.

Felipe Terrazzan
Demain sera bien. Par Haigo.
18 min readJan 2, 2017

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Si vous habitez dans une grande ville en France vous aurez certainement remarqué la multiplication de coursiers à vélo sillonnant ces villes à toute heure du jour ou de la nuit.

En réalité, depuis quelques années, ces bikers travaillent pour des start-up spécialisées dans la livraison de repas ou de colis et suivent le schéma instauré par Uber : des travailleurs indépendants en charge d’une livraison à disposition de salariés (ou des sérivores paresseux) cloisonnés dans leurs bureaux ou à leur domicile.

Cette “ubérisation” de la livraison met en évidence de nouvelles façons de travailler et, bien que critiquée pour la précarité qu’elle engendre, elle révèle un état d’esprit, des attentes et des motivations.

Que ce soient celles de jeunes sortis d’école, d’indépendants réticents devant les perspectives offertes par le salariat ou de manière plus large de générations en quête d’un nouvel équilibre entre vie personnelle et professionnelle, vous ne perdrez pas votre temps en observant de plus près le phénomène des coursiers indépendants.

Vous pourriez même vous en inspirer pour reprendre certains moyens de motiver et améliorer la vie de vos salariés, notamment les plus jeunes !

#1 J’AI TESTÉ POUR VOUS — CONTEXTE ET BILAN

Attirés par une source de revenus “rapide et facile” de nombreux amateurs de cyclisme se tournent actuellement vers le métier de livreur à vélo et en font même leur activité principale.

Avec très peu de prérequis (un vélo, un smartphone, le statut d’entrepreneur qu’on peut obtenir en 30mn en ligne) ainsi qu’un processus de recrutement extrêmement rapide (allant de quelques jours à 2 semaines entre la première prise de contact et la première course effectuée en moyenne) il est en effet très facile de se lancer dans cette activité.

Que ce soit pour quelques semaines à temps plein pour débloquer rapidement du cash ou bien en tant que source de complément de revenus (pendant les études par exemple), tous les scénarios existent.

Aujourd’hui, suite au redressement judiciaire de Take Eat Easy (BE) qui n’a pas réussi à clôturer une troisième levée de fonds et a fait faillite, le marché des coursiers à vélo se partage grosso modo entre quelques grands acteurs : Deliveroo (UK), Foodora (DE), Stuart (FR) suivi par de plus petits comme Nestor (FR).

Comment ça fonctionne (mon expérience de livreur indépendant) :

A l’époque 100% freelance, avec tous mes clients quelque part sur une plage pendant l’été 2016, j’ai décidé de passer le mois d’août à Paris. Ne sachant donc pas de quoi l’avenir serait fait — je cherchais des options pour avoir un complément de revenu en attendant la reprise d’activité à la rentrée.

Plusieurs choix s’offraient à moi puisque en été les “jobs alimentaires” ne manquent pas, mais je voulais absolument trouver un poste qui pouvait m’apporter plus qu’un simple flux de trésorerie.

Un beau jour assis sur l’herbe aux Buttes Chaumont, j’aperçois un coursier Deliveroo qui s’était posé pas loin et je me dis… “C’est pas mal. Tu fais tes courses, tu te poses au soleil entre les missions…. tu gagnes un peu d’argent et surtout tu fais 20–40km de vélo par jour.” Boom ! Deux jours après je commençais chez Deliveroo, 4 jours après chez Stuart.

Mon expérience @ Stuart :

On travaille soit en “free ride” (on se connecte où l’on veut, et on enchaîne les courses qui sont proposées au coursier le plus proche du lieu de pick-up) soit en “bonus minimum garantis — BMG” (on doit booker en avance sur Staffomatic des plage-horaires précises dans des zones géographiques bien délimitées).

Staffomatic — le même service en ligne utilisé par Stuart & Deliveroo pour l’auto-gestion des shifts des coursiers.

L’onboarding est assez cool, les gens sont sympas. On nous forme lors d’une présentation PTT suivie de mini entretiens individuels et d’un rapide pimpage gratuit de son vélo (avec des racks avants). L’expérience donne envie de se lancer.

On gagne un peu moins que chez les concurrents car Stuart ne prend pas de marge sur les ventes et propose juste un service de livraison : ce sont leurs clients comme Sushi Shop ou encore CDiscount qui commandent les coursiers auprès de Stuart selon leurs besoins.

Stuart propose en revanche des primes qui évoluent assez régulièrement (basées sur le nombre de courses, la vitesse, le total de km parcourus dans la semaine, etc) qui permettent de palier cela.

Newsletter Stuart — 12/11/16 (BMG = Bonus Minimum Garanti)

Mon expérience @ Deliveroo :

On travaille toujours dans la même zone géographique : Paris Centre Nord (PCN) dans mon cas. Chaque coursier doit booker ses shifts à l’avance et les commencer partant toujours du même endroit : l’épicentre de la zone à laquelle on est affecté. Pour certains créneaux (le vendredi soir, ou les midis et les soirées en week end) on garantit aux coursiers un minimum de trois courses même si l’on en fait moins (vs. paiement à la course). L’onboarding est industrialisé, on nous forme directement sur des ordinateurs, un peu à l’usine. C’est austère et peu motivant. Le bon côté de la médaille ici : Deliveroo paye en moyenne 1–2€ HT de plus par course que Stuart.

Dans les deux cas rapidement on sort de la formation avec un kit de vêtements, sac et accessoires (batterie externe, casque, etc), contrat (Deliveroo) ou pas (Stuart), assurance prise en charge par le client (Stuart) ou pas (Deliveroo) et surtout une grande sensation de liberté.

C’est d’ailleurs cette dernière — totalement fascinante quand on a passé toute une vie à travailler dans un bureau, avec des horaires très cadrés, en équipe, sous une hiérarchie avec des n+5 — qui explique, à mon avis, l’engouement des jeunes pour cette activité.

Un bilan mitigé :

(+) Ultra-flexibilité

Le point clef de ce système est l’ultra-flexibilité proposée par ces starts-ups. Que ce soit en free-ride ou avec des créneaux bookés à l’avance je n’ai jamais eu un travail me permettant une telle souplesse d’emploi du temps. C’est très agréable. Tout est très flexible et modulable : on peut travailler quelques heures ou des journées entières. Il existe certes des petits préavis pour se désengager d’un créneau booké (il faut bien que les start-up puissent s’organiser) mais on parle de 48h.

De ce point de vue, c’est une activité très intéressante car elle permet à chacun, selon ses disponibilités et ses besoins, de travailler sans trop d’engagement.

(+) Résultats vs. Présence

Ici ce qui compte c’est le résultat. On ne perd pas de temps. On est payés à la mission et 1 mission = 1 livraison. Cette sensation est incroyablement satisfaisante : on accomplit nos tâches au fur et à mesure, sans réunions interminables, sans brief-debrief-rebrief, de manière efficace partant d’un point A allant à un point B sans trop de mystère entre les deux, le tout — dans mon cas — avec les jolies rues de Paris en background. La notion de présence n’existe plus. On n’est pas là pour faire semblant, mais pour livrer. Littéralement.

(+) Communauté

Un constat auquel je ne m’attendais pas spécialement était de voir à quel point ces communautés se développent. Je pensais au contraire qu’il s’agissait d’une activité très solitaire ; chacun sur son vélo, chacun sur ses missions. Or, comptant énormément de jeunes sur-connectés, plusieurs groupes WhatsApp se sont rapidement développés (officieusement et indépendamment de la volonté des start-up) afin de s’échanger des tuyaux, de l’aide, ou … n’ayant pas une machine à café à disposition … juste afin de créer du lien social. Plusieurs événements sportifs (gros rides de plusieurs dizaines de km, sessions de foot ou autres) ou encore des dîners et soirées sont régulièrement organisés. Ils font vivre ces communautés de manière très organique.

Extrait de Newsletter Stuart — 10/11/16

(+) Workout

Dans le monde dans lequel on vit, quelqu’un qui marche 30mn par jour, qui fait un peu de vélo et pratique un sport individuel ou en salle est considéré comme quelqu’un d’actif. Dans la réalité il ne l’est pas, mais c’est déjà très bien !

Blague à part, je pense qu’on préférera tous avoir la santé ainsi que le capital physique de :

Droits © Take It Easy

Plutôt que de :

Wall-e // Droits © Pixar

Cette dimension physique de l’activité est selon moi un véritable plus. On gagnerait tous (en qualité et en espérance de vie) à avoir des métiers plus actifs. C’est d’ailleurs certainement la raison qui m’a fait choisir cette option plutôt que de travailler en tant que serveur ou vendeur : ce sont des activités pourtant éprouvantes physiquement parlant mais on est très loin du côté ludique, sportif et tueur d’ennui que peut avoir le métier de coursier. On en devient presque accroc à force de faire autant de vélo ! Je me suis retrouvé à faire des balades de 6 heures entre Rambouillet et Paris le weekend en plus de mes shifts en semaine, c’est dire.

C’est donc une expérience très intéressante et qui peut être enrichissante. Elle demeure écologique et sportive, mais elle compte cependant beaucoup de points négatifs.

(-) Météorologie

Bien qu’aujourd’hui les grandes villes soient presque mieux aménagées pour les livraisons à vélo que pour les véhicules motorisés, les conditions de travail d’un coursier indépendant restent directement corrélées aux conditions météorologiques : sillonner Paris c’est un vrai kiff en été, je ne pourrais pas dire la même chose en plein hiver.

(-) Rentabilité

En termes de rentabilité, le coursier auto-entrepreneur ne peut pas déduire ses frais professionnels de son CA (sauf dans le cas de frais de débours qui ne concernent pas malheureusement les frais supplémentaires d’assurance, les réparations, contrôles techniques, amendes, contraventions, formations…).

Par ailleurs, sans l’ACCRE (aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise) ce n’est pas évident d’être rentable : chez Stuart fin août, en environ 22h de travail (4 shifts BMG de 4h + quelques heures en free ride) j’ai effectué 20 courses. Primes comprises, je n’ai facturé que 175€ HT. N’ayant plus l’ACCRE (étant auto-entrepreneur depuis 2011) je suis donc imposable à 25% sur ce montant. Net après impôts, j’ai donc touché 131,25€… soit 5,9€ par heure (!) et même si j’avais l’ACCRE je n’aurais touché que 7,9€ par heure.

Le prix à payer pour l’ultra-flexibilité vaut-il vraiment le coup ?

(-) Salariat déguisé + précarité

Bien que les entreprises soient très claires là-dessus, contrats ou simples recommandations orales à l’appui, le coursier indépendant est un prestataire de services. Il a non seulement le droit mais est même encouragé à avoir plusieurs (autres) clients. Malgré cette indication, le système fait que pour être rentable on doit consacrer beaucoup, voire tout son temps à un seul client. Les coursiers s’habituent ainsi à un rythme illusoire de salariat avec des horaires fixes qui se reportent automatiquement d’une semaine à l’autre et rapidement cela devient leur activité principale.

Pourtant, ils ne sont pas à l’abri d’une cessation totale et subite d’activité (cf. Take Eat Easy qui a fermé ses portes en juillet 2016 laissant 4500 coursiers en inactivité dont 2500 en France, et ce, du jour au lendemain). Ces auto-entrepreneurs se sont alors retrouvés sans chômage ou garantie de recevoir le règlement de leurs factures du mois de juillet. “Heureusement” pour eux, ils ont pu reprendre une activité en quelques jours grâce à des formations express organisées par des concurrents comme Deliveroo, soucieux de récupérer un maximum de livreurs déjà formés, déçus et à la recherche d’une solution à leurs problèmes.

(-) Sécurité

On parle donc d’une liberté qui peut être cher payée. Le problème vient du statut d’indépendant car il dédouane le client de toute responsabilité. Si la sécurité de base — disons le port d’un casque — est de manière générale plutôt répandue, la course frénétique aux commandes (pour augmenter ses factures) peut-être une véritable source de danger. Par ailleurs, en cas de problèmes de santé, les livreurs ne peuvent compter sur un congé arrêt maladie puisqu’avec leur statut ils n’ont le droit qu’au minimum assuré par le RSI (régime social des indépendants). Quant aux accidents (sur eux-mêmes ou des tiers) seule une infime partie des frais médicaux dont ils pourraient avoir besoin en serait donc prise en charge. L’alternative reste l’obtention d’assurances type responsabilité civile professionnelle qui reste néanmoins à la charge du coursier indépendant, et non pas de leurs clients (hormis pour Stuart).

Malgré les nombreux points négatifs que je viens de souligner, je ne regrette absolument pas le temps investi dans l’expérience. Je pense au contraire que j’ai énormément appris de cette dernière. J’estime que c’est l’une des meilleures options disponibles aujourd’hui en termes de jobs étudiants — notamment avec l’ACCRE (si j’avais eu cette opportunité pendant mes études à Lille j’aurais eu de quoi financer un paquet de projets, tout en économisant mon abonnement à la gym !). Mais je pense aussi que malgré ses côtés attractifs cette activité est instable, dangereuse et doit être exercée de manière temporaire, toujours avec une deadline en tête.

Malgré un bilan plutôt négatif c’est une activité qui connaît un véritable boom. Je répète, avez-vous remarqué le nombre de coursiers sillonnant les villes ?

Alors comment expliquer qu’autant de personnes aujourd’hui se jettent sur ces opportunités ? Pourquoi celles-ci plutôt que d’autres ?

On peut évoquer les 25% (Q3 2016) de chômage chez les jeunes ainsi qu’une dégradation générale de l’économie. Mais aussi, en partie du moins, car les start-up derrière ces différents services ont été fondées par des jeunes, parfois même des étudiants qui comprennent et parlent le langage des jeunes actifs arrivant sur le marché du travail mais aussi des indépendants qui ont choisi de s’affranchir du salariat. Conséquence directe : elles sont attractives.

Du coup, et si vous aussi vous commenciez à parler ce langage ?

Et si vous aussi vous donniez envie ?

#2 S’EN INSPIRER QUAND ON EST UNE BOÎTE DU CAC 40 (OU PAS)

Une grande boîte type CAC40 est encore de nos jours forcément une boîte — par sa taille — pleine de process, de hiérarchie et de modus operandi divers qui peuvent effrayer les dernières générations — terrifiées par l’ennui. Face à elles donc : des jeunes, des moins jeunes, des indépendants ou encore des start-up … qui semblent parfois mieux s’entendre entre eux et les laisser de côté voire carrément refuser de travailler dans ces grandes institutions.

Ces dernières offrent en revanche énormément d’avantages (contrats stables, formations, confort financier, etc) que les premiers auront du mal à acquérir.

C’est donc votre atout.

Vous avez déjà la possibilité de fournir des éléments clefs concernant des conditions de travail intéressantes les plus difficiles à mettre en place et les plus coûteuses. Alors pourquoi ne pas passer d’une “institution à l’ancienne” à une “institution qui s’inscrit dans son temps et qui attire les talents” ?

Pourquoi s’en inspirer :

Prenons l’exemple des slasheurs. Vous savez, ces “trentenaires qui cumulent des métiers” divers et variés — ex : pigiste décoration / DJ / chef de projet web freelance.

Aujourd’hui ce sont eux qui font rêver les jeunes, et non pas de devenir PDG.

Ce sont ces jeunes, attirés par un triptyque d’un nouveau genre « flexibilité, liberté, efficacité », qui sont en train de devenir par leurs propres moyens des profils touche-à-tout à haute valeur ajoutée et qui peuvent constituer des atouts très intéressants pour les équipes de grandes institutions. Cependant ils ne sont pas faciles à attraper, souvent même ils refusent des CDI, des bons salaires car tout simplement ils ne veulent pas s’engager dans des environnements reconnus comme difficiles ou bien ou car ils ont peur de s’ennuyer en intégrant des institutions qu’ils jugent peu en accord avec leur époque.

Or ces talents — multi-casquettes et en phase avec leur temps — seront certainement en mesure de vous aider à monter en puissance, à donner un nouveau souffle à vos équipes et donc tout simplement à vous faire grandir, sans même parler du fait qu’ils vous tiendront “up-to-date”. Ils vous aideront peut-être même à comprendre des choses qui vous dépassent, alors que pour eux cela semble être « la base ». Alors concrètement, comment faire pour les attirer?

Le modèle : on arrive en tant que stagiaire, on devient chef de projet, puis chef de groupe pour enfin — peut être — devenir directeur au bout d’une vie existe encore … mais ce n’est pas sexy, vraiment pas. Dans un monde ultra-connecté, qui tourne à 1000 à l’heure, où tout est possible et où notre vie peut entièrement basculer du jour au lendemain (“J’ai été pris pour un poste en Australie auquel j’ai postulé il y a 2 semaines — je pars!”, “J’ai fait des frees qui paient mieux qu’un CDI pendant ma 4e année d’étude”) il est de plus en plus difficile de garder des talents. Qui plus est des talents que l’on prend le temps de former et qu’on ne veut pas voir partir au bout de quelques mois (oubliez la notion d’années !).

Vous voulez les garder? Commencez alors par faire l’effort de les comprendre.

Loin de moi la volonté de faire des généralités, je ne parlerai donc que de ce que je connais, à savoir mon expérience. Cependant pour avoir énormément échangé avec des gens dans des situations similaires je pense que mon expérience peut représenter une partie des indépendants réticents au salariat.

J’ai été un véritable slasheur indépendant (Directeur Evénementiel / Chasseur de tête / Chef à la Télé / RP Digital / Sourceur de Produits / Coursier Indépendant) pendant les trois dernières années et je peux vous dire à quel point cela demande de l’énergie d’être son propre commercial, comptable, RH, RP, social manager, chef de projet, chef de production, beta testeur, etc. Grâce à un subtil mix de nombreuses heures de travail, networking non-stop et beaucoup de chance je n’ai pas chômé, j’ai même gagné pas mal d’argent, réalisé des projets excitants mais sans pour autant forcément trouver une grande partie de ce que je cherchais : une stabilité me permettant de financer mes rêves, la possibilité de continuer de me former au fur et à mesure que j’avance dans mon parcours et une communauté avec qui grandir professionnellement.

Ce sont des choses très difficiles à acquérir quand on est tout seul. Mais ce sont des choses que des grandes institutions, si elles le veulent, peuvent tout à fait fournir à leurs salariés. Salaire à part, toutes les entreprises ont les moyens — avec un peu d’effort — de donner aux frileux et aux indépendants « ce qu’ils veulent » pour mieux travailler et pour ne pas s’user. Souvent « ce qu’ils veulent » c’est dans les grandes lignes la vie de nos coursiers : des missions précises, une hiérarchie faible, des réponses rapides à leurs questions, des accomplissements journaliers ou hebdomadaires.

Comment s’inspirer des méthodes de management de start-up dans la livraison ?

Pour être plus attractifs, vous pouvez alors instaurer ou améliorer plusieurs pain points dans la vie de vos salariés afin de les rendre plus motivés, plus performants, plus heureux et plus fidèles.

Onboarding

L’une des étapes les plus importantes au début d’une nouvelle aventure quelle qu’elle soit c’est le processus d’onboarding (Bravo Stuart soit dit en passant !).

Accueillir quelqu’un lors de son premier jour c’est une chose. S’assurer qu’on a de facto intégré cette personne et — encore plus important — que l’on a réussi à les motiver en est une autre ! Que ce soit au début d’un contrat, d’un projet ou d’une mission prenez le temps de donner de votre temps aux nouveaux.

Soyez sûrs qu’ils comprennent tout et qu’ils se sentent partie intégrante de votre équipe. C’est un simple effort (comme lorsqu’on m’a aidé à customiser mon vélo par exemple) qui vous permettra de conserver beaucoup de votre précieux temps dans le futur de votre collaboration.

Liberté contre résultats !

C’est certain, vous ne pourrez jamais offrir à vos employés l’ultra-flexibilité des coursiers mais vous pouvez en revanche donner plus d’importance aux résultats qu’à la présence physique de vos équipes.

Il ne faut jamais l’oublier : nous sommes des humains, non pas des machines. Ainsi, il est impossible d’être tous les jours au même niveau de performance. Il est d’ailleurs impossible d’assurer tout simplement tous les jours les mêmes horaires sans que cela ne nuise à notre vie privée. Or lorsque notre vie privée est remise en question par le boulot, pourquoi s’étonner lorsque l’inverse se produit? Prenons un exemple : avez-vous déjà eu envie de contredire un collègue qui vous a dit “Ah ben, on prend son après midi?” alors que vous partiez à 17h30 pour prendre un train ?Oui, moi aussi. Et non, nous ne prenons pas notre après midi, nous avons simplement une vie. Parfois dans cette vie, il nous arrive d’avoir besoin d’aménager notre emploi du temps. Dans cette même vie, il est d’ailleurs possible de travailler dans le train, le soir, plus tard, ou peu importe quand, ce qui compte c’est qu’on peut partir plus tôt sans pour autant que cela ne nuise à notre travail. Malheureusement en France, il est encore très répandu des situations où les employés ont peur de mettre en place ce genre de routine : on a peur de ce que notre boss va penser, ce que les autres vont penser, et on finit par rester jusqu’à l’heure contractuelle, démotivé, frustré et le plus souvent on ne fait même pas ce qu’on aurait dû. Oui … ce qu’on aurait pu faire tranquillement dans le train, de bonne humeur.

Quand vous faites confiance à vos subordonnés, vous les responsabilisez. Oubliez leur présence. Misez sur leurs résultats. S’il vous dit qu’il peut tout faire et partir à 17h, pourquoi ne pas essayer ? A quoi cela vous servira de le voir 2 ou 3 heures de plus malheureux à son poste? Essayez, faites leur confiance et voyez ce qu’il en ressort. Il va de même pour le télétravail.

Des objectifs clairs (et si possible participatifs)

Naturellement, vos salariés ne seront pas rémunérés à la mission comme peut l’être un coursier. Ce n’est pas l’objet du contrat qui vous lie. Cependant, rien ne vous empêche de mettre en place des objectifs clairs et concis. Peut-être pas à la journée mais pourquoi pas à la semaine, au mois, au trimestre ? Chez Haigo par exemple, nous avons en place le système trimestriel des OKRs (que Guewen l’un des co-fondateurs décrit en détail ici).

Rien ne vous empêche non plus — comme le fait Stuart — de créer et adapter des primes liées à ces objectifs en fonction du feedback de vos collaborateurs.

Vos salariés seront motivés et stimulés. Si vous les mettez dans la boucle lors de la conception de ces objets c’est encore mieux : vous les responsabilisez là aussi et leur donnez la possibilité de construire avec vous et non pas de seulement — et toujours — subir.

Gamification

Vous vous êtes déjà demandés fondamentalement pourquoi c’est aussi plaisant de prendre un Uber ? Le service est qualitatif et on ne voit pas passer l’argent certes mais surtout on a l’impression de jouer à un jeu. Quand on fait des courses en tant que livreur c’est pareil. L’expérience y est, le wording y est. On commence, on se lance, on achève. C’est fun et c’est addictif. Pourquoi ne pas faire pareil au boulot ? Oui on parle bien de boulot ! Ce n’est pas parce que c’est sérieux que cela ne peut pas être divertissant. L’idée ici est de mettre en place un mécanisme de réussite efficace : la motivation par le plaisir et non pas par la nécessité.

C’est quelque chose de plus simple lorsque appliqué à des tâches quantifiables et répétitives comme dans la livraison mais dans l’industrie de services cela peut passer par les classiques objets physiques (tables de jeu, ping pong, etc) ou aller bien plus loin avec des systèmes d’accomplissement et d’acquisition de compétences. Avoir recours au jeu et au divertissement peut être un moyen très intéressant de libérer du stress mais aussi de nous donner du recul face à un problème complexe. Cela peut être au pire une façon de rendre une tâche plus légère et au mieux être un facteur révélateur de créativité. Attention, il n’est pas question d’instaurer le jeu comme solution de travail, mais plutôt de l’utiliser dans la recherche de productivité.

Communauté

L’un des désavantages les plus marquants de la vie indépendante reste l’isolement. L’essor des cowork ou des collectifs le montre bien : travailler seul peut être intéressant mais être tout seul ne l’est pas.

Pire que d’être isolé par choix, c’est de l’être dans un environnement théoriquement communautaire. Certes on ne peut pas forcer l’affinité ou l’entente entre salariés mais on peut tout à fait essayer de la stimuler. Puisque nous passons, après tout, entre 8 à 10 heures par jour au travail, si l’ambiance est mauvaise, on n’échappera pas à la contre productivité.

Prenez donc le temps — et investissez l’argent — nécessaire pour essayer de construire une communauté. Il n’est pas question ici de pousser au blurring. Je pense que c’est extrêmement sain de séparer vie personnelle et vie professionnelle mais je pense aussi qu’il n’est pas sain du tout d’avoir une vie professionnelle qui se déroule dans la froideur, la peur ou encore le manque de respect.

Cela peut sembler évident à dire mais organisez des moments sociaux avec vos collaborateurs, passez du temps avec eux en dehors de votre espace de travail, soyez accessible et vous en verrez les résultats.

Tout comme Stuart ou Deliveroo, en prenant le temps et en faisant l’effort de comprendre vos collaborateurs vous avez beaucoup à gagner. Vous serez alors en mesure d’attirer et conserver des talents qui ont potentiellement envie de s’investir, de construire avec vous mais qui ne sont plus prêts à tout accepter. Une tel effort aujourd’hui constitue la première pierre à poser si l’on veut créer un environnement où règnent toutes les mécaniques stimulantes et productives que l’on peut avoir dans des métiers indépendants tout en étant dans un cadre « à l’ancienne » : tous en CDI certes, mais tous autonomes et tous responsables.

En ultra résumé : l’ultra-flexibilité c’est délicieux, mais le ludique sans précarité c’est mieux et vous êtes en mesure de le mettre en place ! Puis au delà de cela, face à un statut de freelance mouvant qui se réinvente perpétuellement, c’est notre/votre job.

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