Pourquoi nous préférons travailler chez nos clients

Guewen
Demain sera bien. Par Haigo.
5 min readMay 3, 2018

Après des débuts sans locaux et 2 ans de sous location, nous venons de lancer la recherche de nos premiers locaux.
Pourtant aux prémices d’Haigo, nous pensions ne pas en avoir besoin.

Patrick et moi étions en Freelance.
Nous avions passé plus de 10 ans en agence, à travailler pour des clients divers sur des projets variés.
Des dizaines de personnes aux expertises différentes, regroupées sous un même toit.
La plupart du temps, mobilisées sur 3 à 4 sujets en même temps.
Passer de l’un à l’autre, avec des équipes différentes est facilité par cette co-localisation.

Pour s’interfacer avec le client : mail, téléphone et les sacro saintes réunions.
Des rendez-vous physiques pour faire un état des lieux, partager, décider, et parfois travailler ensemble.
Des points qu’il faut organiser en se battant avec les agendas, et préparer à coup de PPT.
Une orchestration de monologues, à l’efficacité douteuse devant la concurrence du PC et du téléphone portable qui captent l’attention.

Ce mode de travail, le plus fréquent dans les agences, est frustrant pour les 2 parties.
Chacune ne voit que la partie immergée de l’iceberg.
Aucune ne peut voir l’étendue et la qualité des ressources mobilisées.
Personne n’a vraiment l’occasion de présenter et défendre le rationnel derrière une décision, un parti pris.
Malgré les voeux pieux, on reste sur une relation client / prestataire.

Je n’avais jamais eu beaucoup d’occasion de passer des journées entières chez mes clients.
Mais pour notre premier projet, la refonte d’AXA.com, nous n’avions pas le choix.
Nous n’avions pas de locaux, les délais étaient courts, et nous étions curieux.
Alors nous nous sommes mis chez eux, au cœur du siège du groupe AXA, avenue Matignon.

Nous utilisions leur matériel informatique, avions un badge full access et un bureau dans leur open space.
Les personnes avec qui nous devions travailler étaient là, à portée de voix.
Elles voyaient ce que l’on faisait, on le leur expliquait.
Elles nous présentaient à ceux qu’on ne voit normalement jamais, mais qui ont voix au chapitre.
Nous voyions leur quotidien, elles voyaient le nôtre.
A la machine à café ou à la cantine, on débloquait plus de choses qu’en plusieurs heures de meetings soigneusement organisées et préparées.

Sur la phase de production, nous sommes montés jusqu’à 20 experts.
Développeurs, designers, rédacteurs, publishers, product owners, pilotes et décideurs. Plusieurs agences et partenaires, plusieurs entités AXA.

Nous avions un plateau ouvert à tous, visible depuis l’accueil.
Lors de nos daily stand ups, des collaborateurs n’ayant rien à voir avec le projet nous observaient, nous écoutaient.
Lors des demos, nous invitions tout le monde, et veillions à ce que l’expert expose lui-même au décideur.
Les créations en cours de travail, les tâches en cours de développement et nos sujets du moment étaient simplement au mur, à la vue de tous.
Parfois, des top execs du groupe passaient devant l’espace et s’y arrêtaient pour regarder une page, déchiffrer un post it.
Au fur au mesure de leur implication, nous partagions à tous l’URL du site en staging.
Tout le monde voyait, pouvait questionner, réagir et pourquoi pas s’impliquer.

Une demo pour AXA.com. Au coeur du siège du groupe et au milieu de notre espace de travail. Les développeurs en front du décideur, à discuter autour d’une page en ligne et avec tout le contexte sous les yeux.

Étrangement, le projet est sorti dans les temps, et les quelques comités de validation sont passés tous seuls.
En ouvrant au maximum, en étant au plus près les uns des autres, nous n’avions pas le choix.
C’est assez facile de « tuer » un projet dont on ne voit les acteurs et ressources que de manière asynchrone.
C’est presque impossible quand son mode d’organisation est inclusif dès le premier jour.

Depuis nous avons reproduit ce modèle chez tous nos clients, publics ou privés, sous différents modes.

Ainsi, pour un autre projet AXA, nous faisons 3 jours en leurs locaux, 2 jours ailleurs (dont parfois une journée chez Felipe, le Lead Projet côté Haigo).
Avec Bpifrance, nous avons pallié à leur manque de place pour héberger toute l’équipe par un maximum de colocalisation chez les développeurs et des points hyper fréquents chez le client.
Pour le siège social d’un leader des télécommunications, nous travaillons 1 journée sur place et une demie journée chez les architectes, là aussi principalement faute d’espace dédié disponible (ce qui est un vrai problème dont on pourrait discuter par ailleurs).
Le principal point est de ne pas avoir que des temps de travail collectifs, mais d’être dans le même espace et de passer du temps ensemble (cet article aurait pu s’intituler “Vous n’imaginez pas à quel point votre projet se passera bien après avoir mangé à la cantine avec votre client”).

Plutôt que des salles louées à l’extérieur, nous préférons des salles ouvertes ou vitrées chez nos clients, pour donner envie aux équipes de se joindre à nous.

3 ans après, je ne comprends pas pourquoi la plupart des agences opèrent loin de leurs clients.
Je repense à ces charrettes pour peaufiner un planning qui volera en éclat par manque de contexte.
A ces présentations de concept à un top dirigeant qui en enchaîne 4 par jour et doit valider le travail de 2 mois en 20 minutes.
A ces emails avec 17 personnes en copie, à ces demandes sorties du bois et aux staffings impossibles.

Nous imposons quelques principes à nos clients :

  • Toujours et régulièrement aller voir des utilisateurs finaux, pour toujours être dans le vrai
  • S’engager sur des moyens avec des sprints courts plutôt que sur des résultats dans plusieurs mois
  • Passer du temps, travailler et produire ensemble autant que possible, pour dépasser la simple relation de délégation et de contrôle

Les 2 premiers sont du bon sens, qu’on appelle cela Design Thinking, Agilité, Lean ou autre terme à la mode. Le dernier est pour moi celui qui fait la différence sur le long terme.

Il nous a cependant amené à déterminer quelques autres principes de fonctionnement.

  • Ne jamais staffer à plus de 80%
  • Se réunir tous les jeudis à la base
  • Passer 2 à 4 jours ensemble chaque trimestre

C’est vital si on veut créer une culture commune (qui est une somme de pratiques plutôt que quelques mots bien choisis) et ne pas tomber dans l’excès inverse qui consiste à tous être en régie.
On en parlera bientôt.

Note : cet article a initialement été publié sur LinkedIn le 21 mars 2018.

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