11 CONSEILS SUR LA PROMOTION DE L’INNOVATION DANS UN GOUVERNEMENT

Leanne Lalonde
GC_Entrepreneur
Published in
12 min readJul 9, 2019

Voici (enfin) mes réflexions les plus récentes sur le programme States of Change de NESTA, axé sur l’innovation dans le secteur public (édition canadienne); il s’agit des « notes graphiques » que j’ai produites au cours de notre troisième séance et de certains conseils que mes collègues des Entrepreneurs du GC et moi avons recueillis sur les meilleurs moyens de promouvoir l’innovation dans un gouvernement. (Mes notes graphiques de la première séance se trouvent ici, et celles de la deuxième séance se trouvent ici [en anglais seulement])

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L’une des choses les plus importantes que je retiens de cette dernière année à titre de membre de la première cohorte des Entrepreneurs du GC (EGC) est l’importance de « faire une présentation convaincante » pour promouvoir l’innovation au gouvernement.

Avant d’occuper mon poste actuel, lorsque j’assistais à une présentation d’une équipe du secteur public sur des travaux nouveaux et emballants qui étaient en cours, j’étais, pour tout dire, jalouse des employés qui avaient l’occasion d’y prendre part. Quelle chance d’avoir l’occasion de travailler à un projet aussi fantastique!

J’étais plutôt naïve.

Au cours de la dernière année, mes collègues des EGC et moi avons eu la chance de travailler avec un large éventail de gens qui ont participé ou qui participent à des efforts de transformation ou de changements en profondeur au gouvernement. Nous avons notamment appris que les équipes gouvernementales reçoivent rarement tout ce dont elles ont besoin pour réaliser une idée innovatrice (c.‑à‑d. le mandat, les ressources humaines, le temps, les outils, les compétences, les relations) et doivent démontrer le bien‑fondé de leurs demandes.

Les équipes à qui nous avons parlé ont mis en place un espace et des partenariats favorables à l’élaboration, à la mise à l’essai, à l’adaptation et à la mise à l’échelle de leur idée, un élément à la fois, une présentation à la fois. Même lorsque des équipes avaient le mandat de mettre en œuvre une nouveauté, le système les incitait souvent à opter pour la démarche la moins perturbatrice, celle qui se rapproche le plus du statu quo. Ces équipes ont dû démontrer le bien‑fondé de leur approche différente.

Ce n’est pas surprenant. Dans les grandes bureaucraties comme la nôtre, la direction se concentre souvent, et c’est tout à fait normal, sur l’exécution des plans détaillés qui ont été mûrement réfléchis pour réaliser nos mandats approuvés. Les idées nouvelles qui s’écartent du cycle habituel doivent reposer sur des arguments très solides pour que les décideurs acceptent que des efforts et des ressources soient déviés de nos engagements actuels. Et plus l’idée ou la démarche proposée est nouvelle, plus le système exige que l’argument en sa faveur soit solide.

Au cours de notre troisième semaine dans le cadre de l’initiative States of Change de NESTA, mes collègues des EGC et moi nous sommes concentrés sur la mise à l’essai de la façon de présenter nos propres projets. Nous avons également eu l’occasion d’entendre des innovateurs chevronnés du gouvernement nous parler des stratégies qui leur ont permis de réaliser quelque chose et de le faire différemment.

Mes « notes graphiques » sur cette séance se trouvent à la fin de ce blogue [en anglais seulement], mais je souhaite d’abord explorer en détail les conseils issus de cette séance qui portent précisément sur la promotion de l’innovation au gouvernement :

Mon collègue EGC Hamid teste la présentation du projet de bien-être.

1. Semer le doute : montrer les risques de l’approche actuelle.

Je commence par le conseil le plus délicat : le fait de faire naître des préoccupations sur un outil ou une politique en place peut sembler machiavélique! Cependant, en vérité, de nombreuses activités du gouvernement devraient être changées ou améliorées. Toutefois, à titre de fonctionnaires, nous savons ̵ et constatons nous-mêmes ̵ à quel point nos collègues talentueux dans ces domaines investissent des efforts et quelles sont les limites avec lesquelles ils doivent composer, ce qui peut mener aux résultats que nous constatons actuellement. Nous détestons que les efforts déployés par ces bons employés soient sapés. C’est pour cette raison que, presque inconsciemment, nous tentons de mettre l’approche actuelle à l’abri des critiques.

Le fait de semer le doute, en faisant connaître les risques, et non en cherchant les responsables, peut contribuer à désamorcer les comportements défensifs des interlocuteurs. Une politique ou un programme existant peut avoir été mis en œuvre brillamment et bénéficier d’un solide appui du public sans pourtant être à l’abri des changements qui surviennent dans son contexte opérationnel.

Selon ce conseil, il n’est pas toujours nécessaire de se concentrer sur les éléments de la solution actuelle qui ne fonctionnent pas pour soutenir le bien‑fondé d’une nouvelle approche. Parfois, il suffit de signaler les changements à venir (dans les politiques, le marché, la technologie, etc.) pour que votre auditoire en vienne lui-même à cette conclusion.

2. Montrer qu’il s’agit d’un problème bien ancré pour lequel les tactiques habituelles ne fonctionnent pas.

Il peut être très difficile de faire accepter une idée réellement innovatrice dans un secteur « traditionnel » de politique. Votre auditoire sera peut-être plus réceptif à une approche non traditionnelle si vous lui rappelez que le problème que vous tentez de résoudre est à la fois un problème de longue date et un problème pour lequel les politiques et les programmes traditionnels ne donnent pas les résultats voulus. En exposant le travail de longue date investi dans ce domaine et les progrès (qui sont peut-être limités) réalisés jusqu’à maintenant, il peut être plus facile de montrer que le moment est venu de tenter quelque chose de différent.

L’équipe du projet de sécurité alimentaire fait une pratique.

3. Montrer la diversité des utilisateurs pour mettre en évidence le besoin d’une diversité de solutions.

Selon mon expérience, les équipes concentrent habituellement leurs efforts sur une solution unique qui, selon elles, répondra au plus grand nombre de besoins. Il peut être pratique et efficace d’optimiser le rendement d’un investissement (surtout dans un contexte de ressources limitées), mais il n’est pas toujours logique de procéder ainsi. Le fait de démontrer la variété des intervenants touchés par un problème et leurs différents besoins et défis peut contribuer à démontrer qu’une approche presque universelle ne réglera pas le problème que vous tentez de régler et peut amener l’auditoire à envisager d’autres tactiques complémentaires.

4. Les citoyens ont de nouvelles attentes : que les administrations publiques s’engagent et soient accessibles. Montrer que la prestation nécessite de nouveaux outils et de nouvelles approches.

Les sondages auprès des utilisateurs et les évaluations sont habituellement conçus de façon minutieuse. D’après mon expérience, ces sondages et évaluations tentent souvent de déterminer si le programme ou le service fonctionne (comme le souhaitent ses concepteurs, et pas toujours comme le souhaitent les utilisateurs) et de déterminer si les utilisateurs sont satisfaits (selon leurs attentes qui, selon le service gouvernemental, ne sont pas toujours très élevées). Par conséquent, nous obtenons des commentaires très précis sur des mesures à prendre, qui peuvent souvent ou habituellement se traduire par des améliorations à l’outil ou au service actuel. Nous nous servons ensuite de ces améliorations pour montrer que nous donnons suite aux souhaits exprimés par les intervenants. Bien que ce soit vrai… Je ne suis pas certaine que nous exposions toujours de façon transparente à quel point les questions que nous posons aux intervenants (sur ce qu’ils souhaitent) sont spécifiques.

Lorsque nous proposons de transformer une approche (et non de simplement l’améliorer), il est possible que nous devions aller au-delà de nos mécanismes traditionnels de rétroaction des intervenants pour illustrer le désir d’un changement important. Par exemple, citer les tendances en matière de politique, de technologie ou de démographie, créer des scénarios axés sur l’avenir ou présenter de nouveaux outils semblables adoptés par d’autres administrations.

L’équipe du projet #maMOBI qui prend ses messages sur la route.

5. Montrer l’utilité de l’apprentissage : instaurer la confiance en recueillant des idées et en les communiquant.

Il faut susciter une réflexion chez l’auditoire.

Je ne me souviens pas qui (toutes mes excuses), mais quelqu’un a récemment comparé la présentation de projets d’innovation à la tenue de référendums continuels pour déterminer si vos travaux doivent se poursuivre ou non. Chaque présentation peut vous donner l’impression d’être la dernière.

Lorsque vous présentez une idée qui s’écarte des plans et des processus actuels, votre travail s’écarte d’un courant qui fait progresser votre travail naturellement. Dès que vous obtenez le feu vert ou une approbation, quelqu’un vous amène presque immédiatement à faire la « démonstration des résultats ». On vous demande de montrer quel sera le rendement de l’investissement. Il faut convaincre les sceptiques en annonçant une réussite à tout prix.

Ces personnes qui exigent des résultats n’ont pas tout à fait tort. L’absence de résultats peut ressembler à une absence de progrès, comme si votre projet n’avait jamais quitté la table à dessin et n’avait jamais décollé. Selon l’importance de l’investissement réalisé (en temps, en ressources humaines, en argent des contribuables, etc.), il est pertinent que le système commence à réfléchir au moment où il faudra réduire les pertes.

L’innovation, l’expérimentation, la mise à l’essai, l’essai de quelque chose de nouveau… à la base, il s’agit toujours d’apprendre. Il s’agit d’apprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, de prendre des décisions fondées sur des preuves et d’arriver à de meilleurs résultats. Il est possible que vous ayez accumulé de nombreux petits échecs sans avoir inscrit de réussite à votre bilan pour le moment, mais si vous avez acquis de nouvelles connaissances pertinentes (par exemple, vous avez constaté une demande imprévue de la part des utilisateurs, découvert l’existence d’un réseau non officiel qui s’occupe déjà du problème et qui peut être mis à profit ou relevé des exigences qui n’étaient pas connues et auxquelles devra répondre la solution à venir, etc.), vous avez progressé, et vous pouvez et devriez le montrer.

Prenez l’habitude de consigner et de partager ce que vous apprenez. Intégrez vos apprentissages non seulement à votre stratégie et à votre plan de projet, mais à votre présentation. Montrez à vos auditoires que votre travail dans un nouveau domaine ou avec une approche innovante donne déjà lieu à de nouvelles connaissances ou à une compréhension inédite pour votre organisation.

6. Diversifier la base d’intervenants : montrer comment vous faites intervenir des personnes, des organisations ou des secteurs qui ne se considèrent pas habituellement comme faisant partie du débat.

Un autre facteur concernant la proposition d’une nouvelle approche dans un secteur traditionnel de politiques ou de programmes consiste à expliquer de quelle façon votre méthode peut amener de nouveaux intervenants dans la discussion ou faire participer des intervenants qui, auparavant, ne se considéraient pas comme faisant partie de la conversation.

Je crois que ce conseil s’inscrit dans le souhait évident du gouvernement de travailler de façon ouverte, de favoriser la diversité des points de vue et de concevoir des politiques plus inclusives.

Parallèlement, l’acquisition de nouvelles connaissances sur un enjeu touchant une politique ou un programme, bien qu’il s’agisse d’une étape importante, ne mène pas nécessairement à un changement de la politique ou du programme. Le fait que votre approche permette à de nouveaux intervenants de prendre part à la discussion peut être particulièrement intéressant si votre auditoire semble légèrement réfractaire au changement étant donné qu’il ne s’agit pas d’un engagement envers le changement.

L’équipe de Scan des RH discute de son projet avec des cadres supérieurs.

7. Montrer, plutôt que dire : créer des occasions pour les gens de connaître, puis d’expérimenter, et ensuite de s’engager.

Je crois que nos collègues des services numériques pourraient nous en apprendre beaucoup sur ce conseil. J’ai entendu parler de cas de cadres supérieurs qui se sont réellement investis dans des projets de reconception de sites Web après avoir tenté eux-mêmes de naviguer dans un site de démonstration et après avoir observé des essais par les utilisateurs menés auprès d’intervenants touchés.

Au cours de notre formation NESTA, nous avons entendu un praticien expert parler d’un effort d’exploration de la conception de services au gouvernement. Le projet a commencé par 1) une semaine de séances intensives de conception avec des ministères partenaires potentiels sur l’un de leurs problèmes « épineux »; ces séances ont mené à 2) l’intégration de concepteurs à de courtes périodes d’essai auprès d’équipes de service des ministères partenaires; ces essais ont ensuite mené à 3) une vaste discussion horizontale sur la façon dont la conception peut être mieux intégrée aux équipes de service à l’échelle du gouvernement.

Bien que ce conseil puisse supposer des investissements considérables en temps et en efforts, les répercussions peuvent être considérables.

8. Expliquer quelles sont les connaissances tacites ou l’expertise cachée que vous cherchez à exploiter.

Ce conseil est plutôt simple : lorsque c’est possible, expliquez clairement comment votre idée ou votre façon d’aborder le problème consiste à cibler de nouveaux renseignements ou de nouvelles idées que nous ne semblons pas arriver à obtenir par les moyens traditionnels.

Mon collègue EGC Minh prend la scène à PolicyIgnite.

9. S’appuyer sur les innovations antérieures de votre auditoire.

Mes collègues des EGC et moi avons entendu parler d’employés et de gestionnaires qui ont l’impression que la fonction publique craint trop le risque. Et pourtant, je suis souvent étonnée d’apprendre que certains des outils et des politiques que nous considérons maintenant comme fondamentaux ou habituels ont failli ne jamais être utilisés parce qu’ils se sont heurtés à une trop forte résistance lorsqu’ils ont été proposés pour la première fois. Nos organisations poursuivent une tradition d’innovation ̵ le problème repose en partie sur le fait que nous n’en parlons pas suffisamment.

Rappelez à votre auditoire l’historique d’expérimentation et d’essais de leur équipe ou de leur ministère, ce qui pourrait vous aider dans votre plaidoyer en faveur d’une prise de risques plus intelligente.

Les conférenciers de deux projets EGC qui s’apprêtent à se présenter à une réunion du Groupe de travail des sous-ministres sur l’innovation dans le secteur public.

CONSEILS SUPPLÉMENTAIRES (ce sont des conseils auxquels j’ai pensé après avoir terminé mes notes graphiques!)

10. Leur montrer qu’ils ne seront pas seuls.

La sécurité peut croître avec le nombre.

Si vous proposez de mettre en pratique une méthodologie relativement nouvelle au gouvernement (par exemple, la science comportementale ou des approches de financement fondées sur des résultats comme des prix et des défis), envisagez de diriger votre auditoire vers d’autres équipes ou ministères qui mettent également à l’essai cette nouvelle méthodologie ou énumérez les sources d’aide qui sont disponibles (mentionnons particulièrement l’Unité de l’impact et de l’innovation, l’École de la fonction publique du Canada, nos collègues du Gouvernement numérique, Services publics et Approvisionnement Canada, Statistique Canada et de nombreux autres qui travaillent fort pour créer de nouveaux outils afin d’aider les ministères à innover). Donnez à votre auditoire l’assurance que vous ne le laisserez pas seul : expliquez qu’il y a tout un écosystème où il peut obtenir du soutien.

Ce conseil s’applique également si vous proposez de vous attaquer à un nouveau problème ; vous devez montrer à votre auditoire qu’il existe à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement un écosystème qui cherche des solutions et auquel il est possible de faire appel pour qu’il vous communique les leçons qu’il a retenues ou pour collaborer.

11. Leur proposer un processus.

Si l’innovation dans le secteur public vous intéresse, je vous recommande fortement cette webémission sur l’optimisme excessif de la réflexion des gouvernements (en anglais seulement). Voici l’un des conseils intéressants qui ont été suggérés : bien qu’il soit impossible de suivre un plan strict étape par étape sur la façon d’innover (vous devez avoir la flexibilité voulue pour changer de direction et même pour renoncer), les gens sont rassurés ou sont plus à l’aise lorsqu’ils voient qu’un processus est suivi. Dans la mesure du possible, montrez que vous disposez d’une structure en place qui vous permet de mesurer vos progrès. Si vous êtes encore en mode de conception, envisagez de partager les prochains jalons que vous attendez ou de présenter un aperçu général des phases de mise en œuvre.

Nous avons donc vu 11 conseils sur la présentation de l’innovation au gouvernement jusqu’à maintenant, mais je suis certaine qu’il en existe d’autres. Avez-vous des conseils à donner aux agents de changement de la fonction publique qui souhaitent démontrer le bien-fondé de nouvelles façons de faire?

La troisième session NESTA : Réflexions 1–3
La troisième session NESTA : Réflexions 4–9
La troisième session NESTA : Réflexions 10–14
La troisième session NESTA : Réflexions 15–18
La troisième session NESTA : Réflexions 19–22
La troisième session NESTA : Réflexions 23–24 et remerciements
Garder mes apprentissages en tête de l’esprit — sur l’affichage dans mon bureau

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Leanne Lalonde
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