L’importance d’entretenir de vraies relations au travail

Dr. Liz Girolami
GC_Entrepreneur
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7 min readFeb 15, 2019

Un peu moins de blabla et un peu plus de conversation

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Quand avez-vous eu une vraie conversation avec un collègue de travail pour la dernière fois? Non, votre plus récente discussion dans la cuisinette sur la pluie et le beau temps ne compte pas. Quand avez-vous eu votre dernier véritable échange terre à terre sur quelque chose vraiment important pour vous sur le plan personnel? Il y a peut-être un certain temps déjà, ou peut-être que c’est quelque chose que vous préférez éviter — et même que d’y penser vous rend un peu mal à l’aise. C’est tout à fait compréhensible. Pour beaucoup d’entre nous, nos relations de travail se résument à cela. Nous préférons séparer entièrement notre vie professionnelle et notre vie sociale. Ce n’est pas nécessairement de notre faute; nous avons été élevés dans une société qui a tendance à considérer la socialisation comme étant contraire à la productivité. Par conséquent, la socialisation en milieu de travail est généralement mal vue, et il y a une stigmatisation sous‑jacente au fait que vos compagnons de travail deviennent de vrais amis.

Vous vous entendez vraiment bien avec votre voisin de bureau, mais le fait de lui demander de vous accompagner au restaurant après le travail ou de l’ajouter à vos amis sur Facebook ou de le suivre sur Instagram vous paraîtrait un peu bizarre, n’est-ce pas? Comme si vous franchissiez une ligne de démarcation interdite entre le travail et la vie sociale.

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Cependant, bien qu’il puisse s’agir d’une norme sociale bien établie; il existe aussi un mouvement de plus en plus important qui consiste à se demander si c’est la meilleure approche pour ceux qui nous entourent et nous-mêmes, à soutenir que pourrions avoir avantage à réévaluer et à renforcer nos relations au travail. Au-delà du milieu de travail, on constate de plus en plus l’importance des interactions sociales; entretenir des amitiés et un sentiment d’appartenance à la collectivité sont des facteurs clés associés à un plus grand bonheur, à un bien-être général et à une plus grande longévité.

Selon la science, les relations solides sont associées à une vie plus heureuse et plus longue

En juillet 1988, un article scientifique provocateur de la revue Science de House et de ses collègues a proposé la présence d’un lien de cause à effet entre les relations sociales et la mortalité, d’après l’examen de cinq grandes études prospectives. Aujourd’hui, plus de vingt ans après l’important article de House et de ses collègues, une génération de recherches confirme leur conclusion, à savoir que nos relations sociales peuvent, en elles-mêmes, avoir un effet sur notre mortalité.

« Les relations sociales, ou leur absence relative, constituent un facteur de risque important pour la santé — rivalisant avec d’autres facteurs de risque bien établis pour la santé comme le tabagisme, la tension artérielle, les lipides sanguins, l’obésité et l’activité physique. » — House, Landis et Umberson; Science, 1988.

Des constats similaires ont également été rapportés dans l’étude Grant, l’une des plus longues études au monde sur la vie adulte, menée par des chercheurs de Harvard. Cette vaste étude longitudinale a été lancée en 1938 dans le but de faire le suivi de la santé (tant mentale que physique) de 268 étudiants de seconde année de Harvard au cours de leur vie, afin d’avoir une idée des facteurs qui pourraient contribuer à une vie saine et heureuse. L’étude a par la suite été élargie pour inclure les épouses et les enfants de ces hommes (les femmes ne participaient pas à l’étude originale, car Harvard ne comptait que des étudiants masculins à l’époque). Elle a ensuite été élargie de façon à inclure des constatations générales liées à la vie des participants, comme le succès ou l’échec d’une carrière ou d’un mariage. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une constatation prévue par les chercheurs, les résultats indiquaient une forte association entre les relations et la mesure dans laquelle les sujets étaient heureux dans leurs relations et leur état de santé global.

« Lorsque l’étude a commencé, personne ne se souciait de l’empathie ou de l’attachement, mais la clé du vieillissement en santé, ce sont vraiment les relations. » — Docteur George Valliant, directeur de l’étude Grant — 1972 à 2004

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En examinant la multitude de données tirées notamment de nombreux dossiers médicaux, d‘entrevues personnelles et de questionnaires, les chercheurs ont observé ont forte corrélation entre la qualité de vie des hommes et leurs relations avec la famille, les amis et la collectivité.

On a constaté que les relations étroites axées sur la protection contribuaient à retarder la détérioration mentale et physique et constituaient de meilleurs indicateurs d’une vie longue et heureuse que la classe sociale, le QI et même la génétique.

Par exemple, il a été prouvé qu’à l’âge de 50 ans, le degré de satisfaction des personnes à l’égard de leurs relations permettait de mieux prédire leur santé physique que leur taux de cholestérol. Les participants à l’étude qui entretenaient des relations cordiales vivaient plus longtemps et plus heureux, alors que les personnes qui vivaient dans l’isolement mouraient plus tôt.

« La solitude tue. Elle est plus dévastatrice que le tabagisme ou l’alcoolisme. » — Docteur Robert Waldinger, quatrième et actuel directeur de l’étude Grant.

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En accord avec les résultats de l’étude Grant, une étude menée au Canada par le docteur John Helliwell et le candidat au doctorat Hugh Shiplett, tous deux de l’Université de la Colombie-Britannique, ainsi que le docteur Christopher Barrington-Leigh de l’Université McGill a révélé qu’après un examen du degré de satisfaction de la vie dans plus de 1 200 quartiers du Canada, le facteur contribuant le plus au bonheur en général était le sentiment d’appartenance à la collectivité. Les chercheurs ont observé que les habitants des régions rurales avaient tendance à être plus heureux que ceux des régions urbaines, malgré leurs revenus relativement plus faibles. Parallèlement, dans les 20 % des quartiers les plus heureux et les 20 % des quartiers les moins heureux, il n’y avait aucune différence significative des revenus des ménages ou du taux de chômage, mais il y avait une certaine différence quant au degré d’appartenance des gens à l’égard de leur collectivité.

Il est intéressant de noter que sur le plan des interactions sociales quotidiennes, il semble que la participation régulière à des conversations enrichissantes et profondes contribue à un plus grand bonheur. Dans une étude récente, Milek et coll. se sont penchés sur les interactions sociales au quotidien d’une population diversifiée de près de 500 participants en leur faisant porter des appareils d’enregistrement dans leurs oreilles. D’après leurs propos, les participants qui tenaient davantage de conversations constructives et sérieuses étaient plus satisfaits de leur vie. De plus, il a été déterminé que ce degré accru de satisfaction n’avait rien à voir avec le type de personnalité des participants, qu’ils soient extrovertis ou introvertis.

« C’est manifestement la vie sociale qui engendre le bonheur, et non la vie en solitaire. » — Docteur Matthias Mehl, coauteur de l’étude.

Appliquer les résultats de l’étude sur le bonheur au milieu de travail

Ces études, tout comme d’autres, sont fondées sur un corpus de recherche convaincant et peuvent nous inciter à réfléchir un instant à notre vie quotidienne et à nos activités sociales courantes. Beaucoup d’entre nous s’enlisent dans la routine, travaillent fort à longueur de journée, seuls dans un poste de travail modulaire, rentrent à la maison pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs animaux de compagnie, et n’ont ni le temps ni l’énergie pour faire autre chose, ne serait-ce que regarder Netflix. S’il est vrai que les médias sociaux peuvent nous donner l’impression d’être connectés, de plus en plus de données prouvent le contraire.

En même temps, il faut tenir compte du fait que nous passons la majorité de nos journées de travail entourés d’autres personnes, dont bon nombre sont des connaissances de longue date ou feront partie de notre entourage pendant des années. Plutôt que d’éviter les interactions et de laisser le travail nous envahir, nous devrions donc en profiter pour apprendre à nous connaître les uns les autres, contribuer à la communauté de travail dans son ensemble, tenir de vraies conversations et établir des liens plus significatifs.

Le risque en vaut la peine

La prochaine fois que vous apercevrez votre voisin de bureau en train de manger tout seul, ou que vous vous retrouverez face à face avec un collègue au début de la semaine, plutôt que de lui parler en mal des lundis, comme à l’habitude, surprenez-le et entamez une véritable conversation. Il va de soi que vous avez tous les deux beaucoup à gagner en engageant le dialogue.*

Il y a de nombreux autres avantages à converser davantage avec vos collègues, notamment la diminution du stress. Pour en apprendre davantage sur la gestion du stress et l’amélioration du bien-être en milieu de travail, veuillez rester à l’affût des prochains billets de blogue de cette série.

Le Groupe de travail des sous-ministres sur l’innovation dans le secteur public est chargé de participer activement dans l’expérimentation des nouveaux outils et des nouvelles approches. Il a déterminé que le bien-être en milieu de travail constitue un projet prioritaire pour les entrepreneurs du gouvernement du Canada. Avec l’appui du Groupe de travail, nous examinons comment les solutions technologiques peuvent être utilisées pour promouvoir le bien-être en milieu de travail. Pour en savoir davantage…

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Dr. Liz Girolami
GC_Entrepreneur

Health Canada Senior Advisor. Committed to improving workplace well-being, one cube at a time. Follow her on Twitter: @lizgirolami