Une équipe cendrillon?
Les Golden Knights surprennent la planète hockey depuis le début de la saison. Historiquement, aucune équipe d’expansion n’a réussi à se classer dans les séries (en date du 11 décembre) à sa première saison. La question se pose: comment font-il ? Nous avons interrogé Richard Labbé et Guillaume Lefrançois de La Presse à ce sujet.
Quel élément de l’équipe explique les excellents résultats de l’équipe?
Les deux journalistes de la Presse sont clairs et nets dans leur réponse: Gerard Gallant. «C’est la plus belle histoire dans tous ça. Sans dire qu’il était sous-estimé, c’était un entraineur qui passait inaperçu», explique Guillaume Lefrançois. Il ajoute que l’ancien entraîneur adjoint des Canadiens de Montréal était énormément apprécié au sein du Tricolore. «Les joueurs parlent encore de lui avec admiration.» Selon Lefrançois, Gerard Gallant réussit très bien une tâche plutôt difficile: «rassembler une équipe de gars rapiécés».
De son côté, Richard Labbé croit que l’entraineur très respecté par ses pairs amène beaucoup à l’équipe par son expérience. «Vegas devait aller avec un entraineur d’expérience qui a joué longtemps dans la ligue nationale, qui connait les réalités associées à la ligue et qui a déjà eu du succès», explique-t-il.
Comment le nouveau repêchage a aidé l’équipe à avoir de meilleurs résultats?
En mars 2016, Bill Daly, commissaire adjoint de la ligue, avait indiqué que lors du prochain repêchage d’expansion, les directeurs généraux seraient «forcés de libérer des meilleurs joueurs» que dans les repêchages précédents. Les nouveaux critères de sélection pour la protection des joueurs abordaient dans le même sens;
Repêchage 2000 (joueurs à protéger)
1.Un gardien, cinq défenseurs et neuf attaquants
OU
2.Deux gardiens, trois défenseurs et sept attaquants
Repêchage 2017
- Un gardien, trois défenseurs et sept attaquants
OU
2.Un gardien et huit patineurs (attaquants/défenseurs)
En 2000, il était possible de protéger sa brigade défensive régulière pratiquement au complet (5 défenseurs) ainsi que ses 3 premières lignes d’attaque (9 attaquants). Donc, les équipes déjà établies n’avaient pas un gros sacrifice à faire lorsqu’ils devaient laisser partir un joueur. Toutefois, en réduisant le nombre de joueurs par catégorie (1–3–7 au lieu de 1–5–9), les équipes devaient user de stratégie ou même faire des échanges afin de sortir de mauvaises situations. L’un des meilleurs exemples reste la situation des Ducks Anaheim. Ces derniers avait d’excellents jeunes défenseurs bien établis dans la ligue, comme Sami Vatanen, Hampus Lindholm, Josh Manson et Brandon Montour. Ceux-ci ne voulant pas avoir à tous les protéger, ils ont conclu un échange avec les Golden Knights, leur cédant le jeune espoir Shea Theodore contre la garantie que la nouvelle équipe ne sélectionnerait pas l’un de jeunes défenseurs établis. Shea Theodore n’était pas un joueur accessible au repêchage, puisque les recrues ne pouvaient faire partie du lot, mais il a réussi à s’établir comme l’un des meilleurs défenseurs de l’équipe du Nevada.
Aussi, chose qu’on oublie, les équipes avant les années 2000 n’avaient pas à respecter de plafond salarial. Arrivé en 2005 après avoir causé un lock-out d’une année, le plafond salarial a changé énormément la stratégie adoptée par les équipes lors de la protection des joueurs. Le meilleur exemple reste les Prédateurs de Nashville. Ceux-ci auraient aimé protéger James Neal, un pilier de leur attaque, mais avec un impact annuel sur la masse salariale, l’équipe du Tennessee ne pouvait le garder. Présentement, James Neal est l’un des meilleurs pointeurs de la 31e équipe de la ligue.
Quels joueurs se démarquent dans l’équipe?
Selon Guillaume Lefrançois, la principale surprise reste William Karlsson. Joueur suédois de 24 ans, Karlsson a passé deux saisons complètes dans la LNH avec les Blue Jackets de Columbus, récoltant 20 et 25 points. Ancien choix de deuxième ronde tardif des Ducks d’Anaheim, il «n’a rien cassé dans la ligue américaine», pour reprendre les mots de Lefrançois. Toutefois, ce dernier, en date du 11 décembre, a déjà 26 points, dont 15 buts. Ce nombre impressionnant le place d’ailleurs au 10e rang des marqueurs de la ligue. «Il est passé de statistiques d’un joueur de quatrième trio à un point par match», illustre Lefrançois, en ajoutant qu’il ne croit pas voir le joueur continuer sur cette lancée.
En regardant le reste de l’équipe, Guillaume Lefrançois croit qu’il est impossible de passer à côté des performances impressionnantes des Québécois David Perron et Jonathan Marchessault, ainsi que de l’ancien des Predators de Nashville, James Neal. Selon le journaliste de La Presse, ce n’est pas une surprise de voir ces joueurs performer, puisque ce n’était un secret: ils ont un talent offensif brut. «Je ne comprends pas comment un joueur comme Marchessault a pu se ramasser libre comme l’air lors du repêchage d’expansion»
Comment qualifier le travail de l’équipe dans le dossier Shypachyov?
« Je pense que c’était quand même un bon pari à prendre, sur papier il y avait de bonnes raisons de croire que ça allait fonctionner », crois Guillaume Lefrançois. Joueur n’étant ni au début ni à la fin de sa carrière, il estime que la formation de Las Vegas a été prudente sur ce dossier en lui offrant un contrat de 2 ans seulement.
« Ils ont pris une chance et ça n’a pas fonctionné », renchérit Richard Labbé, ajoutant cependant qu’une part du blâme incombe à Shypachyov lui-même. Le joueur de 30 ans suscitait énormément d’attentes à son endroit, ayant même été surnommé « le Sidney Crosby russe », mais a eu de la difficulté à être rentable en attaque avec une récolte d’un seul but en trois parties.
Quel semble être leur stratégie pour gagner une première Coupe Stanley?
Pour Guillaume Lefrançois, la direction des Knights semble prendre une approche de longue durée. « Quand on regarde la façon dont ils ont fait leur repêchage d’expansion, c’est clairement en ayant une vision qui est plus à moyen-long terme », explique-t-il, ajoutant qu’il prendrait les mêmes décisions s’il était directeur général.
Richard Labbé clame pourtant le contraire, basant ses informations sur une conversation qu’il aurait eue avec le directeur général des Golden Knights, George McPhee. « L’idée pour Vegas c’était d’être compétitif en partant », affirme-t-il, expliquant également que McPhee lui aurait glissé qu’il ne serait pas du tout farfelu de voir son équipe en série.
Les deux journalistes s’accordent cependant pour dire que les Knights ne pourront pas maintenir un rythme aussi effréné toute la saison. « Ce n’est pas une équipe aussi bonne que ce que sa fiche indique, donc il faut s’attendre à un ralentissement éventuel », conclut Guillaume Lefrançois.
Quelle est la prochaine équipe à faire son entrée dans la Ligue nationale?
Selon les deux experts, il ne fait aucun doute que la ville de Seattle est la prochaine destination dans la ligne de mire de la Ligue nationale. « C’est sûr que Seattle c’est déjà une priorité pour la ligue depuis quelques années, confirme Richard Labbé. Ce n’est pas un secret que Gary Bettman tient à ce marché-là ». Le commissaire de la ligue a par ailleurs annoncé le 7 décembre dernier que la LNH considérait désormais uniquement la candidature de cette ville pour une possible expansion. « La ligue tapait du pied en regardant Seattle pis attendait juste que quelqu’un quelque part se lève et accouche d’un dossier de candidature qui a de l’allure », renchérit Guillaume Lefrançois.
Bien qu’au cours de cette conférence Bettman ait minimisé la possibilité de voir la ville d’Houston accueillir une équipe d’expansion ou encore une formation relocalisée, Richard Labbé croit pour sa part que cette ville demeure deuxième en lice pour recevoir une expansion. « Malheureusement, cela fait en sorte que Québec est rendue troisième à ce niveau-là », déplore le journaliste.
