La ruche est en fête. Pour changer le monde, il faut changer le discours.
Nous nous adressons à tous·tes celleux qui ressentent l’urgence dans leur cœur. À celleux qui croient en un monde où toutes les vies peuvent exister et s’épanouir sans avoir à lutter ni pour leur humanité ni pour leurs droits. Nous nous adressons à celleux qui se sentent isolé·e·s, et qui ont l’impression de vivre dans un état de lutte et de survie constant. Nous nous adressons également à nos adelphes et à nos camarades qui ont choisi le camp de la colère, mais qui n’ont pas pu ou pas su continuer sur cette voix et qui luttent désormais du fond de leur épuisement. Nous vous invitons à sortir de l’isolation, et à former ensemble une ruche effervescente qui s’étendrait aux quatre coins du globe.
Nous en appelons à celleux qui cherchent à démanteler les oppressions sans pour autant reproduire plus tard les mêmes dynamiques, cette fois appliquées à d’autres. Nous nous adressons à celleux qui souhaitent employer leur énergie à créer des façons de coexister, à dépasser les simples constats et à nous retrouver enfin avec empathie et humilité, dans un espace où nous serions tous·tes placé·es à rang égal.
Nous nous adressons à celleux qui s’émeuvent à chaque constat renouvelé que les choses peuvent changer, et à celleux qui ont la certitude que les individus, les actions et les histoires peuvent réduire la distance entre nous et celleux dont nous nous sentons déconnecté·e·s. Nous nous adressons à celleux qui croient en un monde où la différence est célébrée et valorisée plutôt qu’instrumentalisée comme une excuse pour opprimer et exclure. Ceci est un appel à unir nos forces.
Le système de production que nous connaissons actuellement détruit la planète, sans pour autant s’acquitter de l’objectif de garantir à tous·tes de la nourriture, un toit et la santé. Le sentiment d’impuissance auquel nous faisons face est cruel. Le système nous pousse à la consommation excessive et à l’aliénation, et reproduit des modèles au sujet desquels nous n’avons jamais été consulté·e·s. Des millions de personnes oscillent quotidiennement entre la pauvreté et l’angoisse, entre la faim et l’indifférence.
Face à ce constat, il devrait en théorie être simple de prendre position en faveur de la dignité mais les mots n’ont toujours pas la même signification aux yeux de tous·tes. La « sécurité », au lieu d’être un lieu où se rencontrer, devient une haie de barbelés, une adversité. Nous nous retrouvons disloqué·e·s, atomisé·e·s, et notre message ne parvient pas pas aux oreilles du grand public. Des mots tels que « la polarisation » n’évoquent rien à personne, et chaque moment passé en ligne ou face à un écran est une invitation à se faire des ennemis.
Mais la réponse, c’est nous tous·tes. Rencontrons-nous au sein de la ruche, mettons en commun nos apprentissages, nos compétences, nos connaissances et nos relations. Car nous partageons la même planète, mais bien plus encore : l’humanité, la nécessité de manger, de respirer, de nous entourer de personnes qui nous aiment, qui nous respectent, d’obtenir des secondes chances et de coexister dans la différence.
Nous sommes convaincu·e·s que certain·e·s œuvrent déjà dans cette direction, mais que ces personnes sont isolé·e·s ou mal relié·e·s entre elles. Notre pari est de rendre visible ce qui a été invisibilisé, de jeter la lumière sur un écosystème d’acteur·rice·s et de relations qui pourront propulser ces initiatives vitales. Là où ces liens existent déjà, nous souhaitons les mettre en avant, et là où ils n’existent pas, nous sommes déterminé·e·s à les créer, car les connections profondes sont essentielles au changement.
Nous sommes convaincu·e·s qu’il existe d’autres manières d’être, de parler, de lutter. Nous croyons que les outils qui ont servi à éloigner les individus de chair et de sang, ces mêmes outils qui nous ont fait de nous de simples chiffres, peuvent être hackés, et que nous pouvons influencer les messages et les discours. Le présent manifeste est un appel à faire preuve d’imagination politique.
Nous estimons qu’en connectant nos vécus, nous pouvons trouver un sens commun et nous encourager les un·e·s les autres à agir et à créer un monde où nous avons tous·tes une voix et la possibilité de nous en servir. Nous voulons tisser un réseau, à la manière des araignées, qui relierait entre elles les majorités minorisées du monde, lesquelles répondraient à leurs problématiques en racontant et en faisant l’histoire ensemble, tous mouvements, toute géographie et toutes expériences confondu·e·s. Un espace qui fait la liaison entre les « exemples de réussite » (là où la vie triomphe sur le capital), ainsi qu’entre les méthodologies et les outils qui nous mèneront à cette réussite.
Notre énergie est limitée, et nous avons choisi de l’employer à concevoir un monde qui nous donne envie de rêver, et non de nous contenter de rejeter les miettes du futur qu’on nous propose aujourd’hui. Nous souhaitons nous réinventer en collectivité et articuler nos efforts. Nous reconnaissons que le moment est venu de renouveler nos utopies.
Dans un monde qui brûle, en plein milieu de l’urgence, nous invitons à rêver ensemble et à faire de ces rêves notre maison commune. Nous proposons de créer un réseau lui-même fait de réseaux, focalisé sur l’action, l’apprentissage et le partage. Il nous revient de partager nos vécus et les leçons que nous avons apprises dans notre effort pour rétablir la balance en faveur de la justice collective. Il nous revient de trouver les espaces et les opportunités de mieux comprendre la manière dont les schémas et les récits sont répliqués et reproduits.
Nous appelons à l’entraide, à la création d’une bibliothèque vivante où seraient consignées les victoires comme les défaites, les apprentissages. Rassemblons nous au sein d’un laboratoire et d’un parc de jeu où nous mettrons en commun les outils qui serviront à reformer les réalités et à tisser les liens qui nous unissent.
Si ce cri de ralliement est parvenu jusqu’à ta porte, c’est que notre musique t’émeut, et qu’à travers la distance, quelque chose trouve un écho en toi. Nous savons que beaucoup d’entre nous partagent ce diagnostic, mais aussi ces sentiments et ces désirs. Nous avons besoin de vos mains, de vos voix et de vos esprits pour construire un monde qui fait une place à tous les mondes existants. Nous souhaitons que les personnes qui se sentent en marge trouvent ici un espace d’écoute, de création, d’appartenance et de célébration. Aujourd’hui, nous investissons cet espace, plus à l’écoute que jamais, pour donner une voix à tous·tes celleux qui se joignent à ce chœur global.
Cette invitation est un appel à apprendre du passé, à prendre conscience du fait que le futur se construit ici et maintenant, et à trouver le lieu à partir duquel nous pourrons contribuer à cette cause commune. C’est une fête où nous dansons au rythme des passions politiques enflammées. Sur cette piste résonnent nos discours, notre poésie, nos histoires, et tous nous émeuvent de la même manière, comme un carnaval qui envahit les rues et emplit tout l’espace.
Et cette fête n’obéit à aucun script. Nous nous prenons à jouer au DJ, à mêler les morceaux, à les mixer, à les sampler, à emprunter des disques aux autres pays et autres cultures, à donner notre avis de vive voix sur ce concert d’histoires, car ce que nous souhaitons; c’est de créer, au sein de cette fête, une nouvelle manière de chanter et de faire chœur tout à la fois. Nous chantons les histoires de ce monde non seulement désirable, mais possible. Cette invitation qui arrive aujourd’hui dans ton courrier est un billet pour donner de la force à nos histoires communes et les relier entre elles. La ruche est en effervescence. Alors, tu nous rejoins?
