Toitures et façades végétales sous forme de services : une innovation pour verdir nos villes rapidement et efficacement

Changer la donne pour les bâtiments végétalisés et les villes

Antoine Jannin
Green-roofs-as-services project
8 min readApr 6, 2016

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Image : danna § curious tangles

Les toitures et façades végétales permettent de rendre les villes plus agréables, écologiques et aident à faire face à certains défis de l’urbanisation au XXIéme siècle. Au delà du gain esthétique, ces structures permettent une meilleure isolation thermique et phonique ou de multiplier par plus de deux la durée d’étanchéité des toits plats, tout en boostant la biodiversité en ville, en aidant à la gestion des eaux pluviales, en réduisant les risques d’inondation, en captant la pollution ou en réduisant l’effet d’îlot de chaleur urbain. Malgré cela et malgré un intérêt croissant du public et des villes, ces structures sont encore rares et le potentiel n’est aujourd’hui qu’effleuré.

En effet mettre en place une toiture ou une façade végétale demande un gros effort et une certaine prise de risque :

  • Cela demande un investissement initial conséquent ; et les clients n’ont pas forcément l’argent, l’accès au crédit… ou ont généralement d’autres priorités d’investissement.
  • La rentabilité économique est limitée pour un toit terrasse végétalisé inaccessible au public, elle est souvent inexistante dans les autres cas.
  • Les toitures et façades végétales restent méconnues. Il faut d’abord se renseigner, puis trouver et comparer des fournisseurs compétents, s’interroger sur les garanties et l’assurance, s’occuper du financement, de la maintenance… cela demande nettement plus d’efforts que pour une toiture classique.
  • Souvent le client n’est pas sûr de ce que la maintenance va coûter — en argent et en effort -, a des doutes sur la durée de vie de la toiture, des questionnements sur la résistance des plantes à un hiver rigoureux… et a donc tendance à être (trop) prudent dans ses hypothèses.
  • Le retour sur investissement ne se fait vraiment sentir que 15 à 20 ans après l’installation d’un toit terrasse végétalisé ; quand il aurait fallu refaire entièrement l’étanchéité d’un toit classique, mais qu’une toiture végétalisée ne demande aucune dépense supplémentaire.

Zéro investissement initial et zéro effort

Les subventions, quand elles existent, diminuent l’investissement initial et en cela contribuent à l’adoption de ces toitures et façades. Mais une optique différente (complémentaire) serait plus efficace pour verdir nos villes : distribuer les toitures et façades végétalisées sous forme de services. Plus d’investissement initial, plus de « prise de tête », de doute ou d’effort : le client paye une mensualité fixe sur une période donnée, et un fournisseur unique s’occupe de tout. Cela permet de lever les barrières précédemment citées :

  • Zéro investissement initial.
  • Une configuration permettant de baisser nettement les coûts et d’augmenter la rentabilité des toitures végétalisées (nous détaillerons ce point plus bas).
  • Zéro effort à faire : le fournisseur s’occupe de tout, et tout est clair, détaillé, bien expliqué.
  • Zéro risque ou incertitude : un prix fixe qui comprend tout, en toutes circonstances, sans zone d’ombre.
  • Les bénéfices financiers des toitures végétalisées sont ressentis dès le premier jour.

Il devient alors compétitif et plus simple d’opter pour une toiture végétalisée que de (re)faire un toit plat classique, inesthétique et énergétiquement inefficace. Et tout autre structure végétalisée devient nettement plus accessible.

Grâce à cette « révolution » à portée de main, imaginez les zones commerciales et les quartiers de bureaux progressivement se convertir aux toitures végétalisées, les toitures et les façades vertes envahir doucement le centre ville, couvrir les écoles et les usines. D’autant que toitures végétales et solaire photovoltaïque vont très bien ensemble !

Image : Greenroofs.com: Sky Garden Blog

Un programme à l’échelle d’une agglomération

Un programme à l’échelle d’une agglomération, avec une structure de gestion unique mais avec les différents acteurs autour de la table, semble la meilleure façon de procéder. Cela permet de créer des synergies et de prendre en compte les différents enjeux et contraintes : végétation adaptée, intégration dans les trames vertes ou les plans concernant les eaux pluviales, adaptation au/du système de subvention… maximisant ainsi les impacts positifs. Cela génère aussi une dynamique locale forte, et enclenche un cercle vertueux permettant d’atteindre un nombre critique de structures végétalisées entièrement gérée par une même structure, donc de gagner en efficacité et en visibilité, de faire des économies d’échelle.

Cela contribue directement à faire baisser les coûts, à rendre les toitures végétales extensives directement compétitives avec les toitures classiques et à rendre bien plus financièrement accessibles les structures végétalisées plus ambitieuses. Jetons un œil de manière plus détaillée sur comment la distribution sous forme de services, et particulièrement dans le cadre d’un programme à l’échelle d’une agglomération permet de booster la rentabilité des structures végétalisées.

Booste la rentabilité des structures végétalisées

Qu’une structure unique gère de A à Z un nombre important de toitures sur un même territoire permettrait de réduire les coûts et d’augmenter l’efficacité. Par exemple pour la maintenance, il serait possible d’optimiser les efforts géographiquement, de pouvoir ainsi mobiliser une grue pour un quartier plutôt que pour une toiture isolée. Du fait du nombre et de la densité de toits et façades il serait possible d’avoir accès à des équipements permettant de gagner en efficacité — grues plus perfectionnées, drones… — et d’en optimiser l’utilisation. Un certain niveau de standardisation pourrait être mis en place — sur les matériaux, les designs, les process… — permettant de tirer les coûts vers le bas, tout en prenant en compte la spécificité de la ville, des quartiers et des bâtiments.

On pourrait même imaginer des vagues d’installations par quartier — gardant en tête que cela est plus complexe, demandant une plus grande coordination entre les différentes parties prenantes. Cela permettrait une plus grand cohérence architecturale, de réduire les coûts d’installation, puis les coûts de maintenance — les toitures installées en même temps étant susceptibles d’avoir besoin de maintenance plus ou moins au même moment.

Le simple fait que la maintenance soit entièrement gérée par des spécialistes permettrait de rationaliser ces dépenses ; d’éviter qu’un client ne fasse de la maintenance inutile, ou au contraire néglige trop son toit — pouvant entraîner la mort d’une partie des plantes ou générer de coûteuses fuites par la suite.

Du point de vue du financement, avoir un portefeuille de nombreux projets permet de diminuer le risque par rapport à un dispositif où chaque projet est pris séparément, et cela permet aussi de diminuer les coûts associés. Pour finir, un programme sans investissement initial, tout en un, en partie standardisé, plus attractif qu’un toit classique, devient beaucoup simple (et moins coûteux) à vendre, surtout quand il y a une dynamique locale, et que le bouche à oreille se met à fonctionner.

Au-delà de la baisse des coûts, ce type de programme permettrait de diminuer plus encore l’addition pour le propriétaire du bâtiment, en monétisant de nouveaux services. Par exemple, les économies réalisées dans la gestion des eaux pluviales pourraient être refacturées dans un rapport gagnant-gagnant. Si la structure gérant les eaux pluviales économise 100 grâce à la présence des toitures végétalisée, il serait par exemple imaginable de lui « facturer » 70 — selon un contrat préétabli. Ainsi tout le monde sort gagnant. La municipalité/agglomération pourrait aussi acheter des services au réseau de toitures, en complément ou à la place de subventions où d’autres soutiens. Cela permettrait de réduire le reste à charge pour le propriétaire du bâtiment tout en réduisant les coûts des autres acteurs du projet, grâce à des services à l’impact mesurable.

Par ailleurs, financièrement parlant, le principal avantage d’un toit terrasse végétalisé est que, contrairement à un toit classique, il n’y a pas à refaire l’étanchéité au bout de 15 ou 20 ans. Cela représente une grosse économie pour le propriétaire du bâtiment. Mais une économie qui ne se fait sentir qu’au bout de 15 ou 20 ans. Avec des toitures végétalisées sous forme de services, les coûts et les gains sont lissés dans le temps. Selon la durée du programme, dès le premier jour le propriétaire pourrait alors ressentir les bienfaits financiers de l’allongement de la durée de l’étanchéité. Dès le premier jour, cela participerait à rendre les toitures végétalisées financièrement plus attractives qu’un toit classique.

Image : Chesapeake Bay Program

Du concept, à la réalité de villes envahies par les structures végétalisées

Donc cela rend compétitif et plus simple d’opter pour une toiture végétalisée que de (re)faire un toit plat classique, inesthétique et énergétiquement inefficace. Cela rend nettement plus accessible toute autre structure végétalisée. Cela aide à rendre les villes plus agréables, durables, à faire face à certains importants défis de l’urbanisation au XXIéme siècle, avec un meilleur rapport coût/efficacité. Mais comment transformer ce concept plus que prometteur en réalité ?

Si la vente de produits « verts » sous forme de services est courant pour les économies d’énergie et le solaire en toiture — et a été clé dans leur développement dans bien des cas -, l’idée est encore nouvelle pour les toitures et façades végétales. Faire connaître ce concept, faire circuler l’information, créer débats et discussions semble donc la toute première étape. Ces échanges sont d’autant plus importants que la réalisation de tels programmes à l’échelle d’une agglomération vient avec son lot de défis. Les expériences et connaissances complémentaires de chacun permettra de mettre en avant des points de vigilance, de trouver des solutions, de proposer des pistes, d’avancer…

Mais les structures végétales sont des technologies relativement matures, les agglomérations s’y intéressent de près depuis un certain temps, et ce type de modèle économique existe dans des secteurs proches : tous les éléments sont en place pour pouvoir rapidement lancer une étude sur un territoire donné, et que bientôt un projet pilote soit lancé, ouvrant la voie à une plus grande dissémination du concept, et des toitures et façades végétales.

Il faut donc une ville ou une agglomération, pionnière, prête à lancer une étude de faisabilité d’un projet pilote sur son territoire — avec la volonté de ne pas s’arrêter à l’étude. En France, l’ADEME et les agences de l’eau peuvent aider à financer cette étape importante. Les entreprises de toitures et façades végétales, ou leur association professionnelle (l’ADIVET), pourraient aussi faire partie de l’équation.

Pour ce qui est du projet pilote, à l’échelle d’un quartier, d’une ville ou d’une agglomération, a priori il ferait sens de s’appuyer sur un programme européen, qui pourrait apporter un soutien financier clé pour un concept promoteur mais qui n’a pas encore fait ses preuves et demande un investissement initial non négligeable. En France la Caisse des Dépôts semble être un partenaire naturel. Mais il reviendrait à l’étude préalable de creuser les différentes possibilités et les différentes questions, que cela soit sur l’organisation, le financement, l’implication des parties prenantes… Au final l’étude pourrait déboucher sur des scénarios concrets et chiffrés, permettant aux différents acteurs de prendre une décision, de pouvoir lancer le projet pilote dans les meilleurs conditions.

Pour résumer, en distribuant les structures végétalisées sous forme de services — zéro investissement initial , zéro risque, zéro effort pour les clients, et des mensualités qui incluent absolument tout — il devient moins cher et plus simple d’opter pour un toit végétalisé que de (re)faire son toit plat classique, inesthétique et énergétiquement inefficient. Toute structure végétale devient beaucoup plus accessible. Les villes peuvent « verdir » leur territoire et répondre à certaines problématiques environnementales importantes de manière beaucoup plus rapide, ambitieuse, avec un meilleur rapport coût / efficacité. Des programmes à l’échelle d’agglomération, avec tous les acteurs autour de la table et une structure de gestion unique est la voie la plus prometteuse. Et cela commence par une ville pionnière, portée sur l’innovation, prête à étudier la mise en place du concept sur son territoire, à lancer un projet pilote et ainsi ouvrir la voie…

Une ville plus verte, agréable et résiliente est à portée de main…

@FutureOfRoofs

antoine (at) greenroofs .io

Merci à Farah pour son aide sur ce post.

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Antoine Jannin
Green-roofs-as-services project

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