Comment nourrir l’engagement et l’alignement de vos collaborateurs ?

juliendreher
Ground
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6 min readApr 2, 2019

Si le concept d’Engagement au travail est servi à toutes les sauces depuis quelques années, la plupart des managers, des directeurs ou des fondateurs intéressés aux nouveaux modes de travail agiles et aux nouveaux modèles d’organisation ouverts et distribués, peinent à le faire vivre réellement dans la durée. Les 2 principales raisons des échecs observées :

  • un management “Command & Control” qui ne favorise pas l’engagement des équipes
  • un engagement fort des équipes qui génère désalignement, gaspillage et frictions,et une reprise en main par le haut qui décourage même les collaborateurs les plus engagés

Pour la première cause, vous trouverez des éléments de solution dans la première partie de l’article. Pour la deuxième, voici quelques éléments pour vous aider dans votre quête d’un management “Engage & Align”.

Comment nourrir l’engagement en continu en gardant un cap commun ?

Pour les managers, c’est souvent le principal frein dans la dynamique d’engagement des collaborateurs : comment être certain qu’ils prendront les bonnes initiatives, sans aller trop loin, et surtout en allant tous dans le même (bon) sens !

Effectivement, le principal risque de votre engagement est un risque de désalignement. Les être humains étant par nature de sensibilités différentes, chacun interprétera forcément un objectif à sa manière de voir le monde. Et si toutes ces personnes sont très engagées alors les interprétations peuvent aller beaucoup plus loin et générer de fortes divergences entre les membres d’une même équipe, a fortiori si vous avez de la diversité dans les profils. Cela peut créer évidemment des frictions, voire des désalignements néfastes pour l’entreprise. Le réflexe sera alors de remettre du contrôle, de baisser le niveau de confiance et ainsi de perdre leur engagement.

Mais, cela reste juste : comment traiter des désalignements sans reprendre le contrôle et risquer alors un fort désengagement. C’est très souvent ce qu’ont vécu de jeunes startups. Au début, tout le monde est autonome, et engagé sur une Vision inspirante. L’environnement est bienveillant et amical. Tout le monde a accès à toutes les infos. Le business suit. La boîte grandit pour tenir la croissance et rassemble maintenant plusieurs dizaines de personnes. Et c’est là que les problèmes de pilotage et d’engagement deviennent critiques. Le collectif n’est plus aligné, l’organisation génère elle-même de la complexité et le cercle vicieux de la défiance s’installe. Le management reprend le contrôle et met en place des process standardisés, cela génère un climat de défiance, voire du turn-over, qui ne règle pas le problème du désalignement. Il est temps de reprendre les choses en main. Sans s’en rendre compte, le management a rétabli une organisation pyramidale associée à un pilotage « Command & Control ». Cela fonctionne mieux mais l’équipe est désengagée… le turn-over est en général le premier indicateur tangible, mais cela peut prendre plusieurs mois avant d’être objectivé.

Cela va vite et il faut être d’autant plus vigilant que l’engagement d’une personne se gagne en grammes et se perd en kilos !

Comment réaligner les collaborateurs sans perdre l’engagement ?

Il n’y a pas de solution miracle dans ces moments là. Il n’y a pas non plus de Silver Bullet, une action qui règlerait tous ces problèmes d’un seul coup. Cependant, il existe quelques principes à suivre et à ne jamais lâcher, sachant que les résultats mettront forcément du temps à arriver :

1- La Vision, la Vision, la Vision, toujours redonner du sens.

Si des équipes ne sont plus alignées c’est probablement que la Vision doit être re-partagée. En effet, au fil du temps, il est important de repréciser la Vision, l’illustrer ; la raconter et la nourrir avec les nouveaux paramètres, des éléments qui ont émergés entre temps. La présentation de la Vision de l’entreprise n’est peut-être plus aussi pertinente et intelligible. De nouveaux collaborateurs sont arrivés et n’ont pas vécu la co-construction initiale de la stratégie. Par ailleurs, l’environnement changeant et l’enthousiasme des troupes vous auront peut être éloigné de vos objectifs initiaux. Prenez ces frictions comme une opportunité pour mettre à jour la Vision et la partager de nouveau, c’est un travail continu pour le leader d’une équipe.

2- Faire du feedback régulier pour influer et orienter la décision dans le bon-sens sans la contredire

En tant que leader (Manager ou non) vous êtes probablement le seul à avoir une Vision aussi globale. Vous devez par vos feedbacks aider chacun à s’orienter et à prendre des décisions. Si votre équipe fait le grand écart, c’est que vous ne devez pas assez convaincre et « influencer » leurs décisions par vos feedbacks et vos arguments.

3- Produire et partager les datas pour éviter la trop grande influence de certaines personnes (voire de vous même !)

En complément du point précédent, il est vital d’accompagner cette force de conviction des leaders, de datas et de métriques qui permettent d’objectiver les situations (inputs, outputs, outcomes). Sinon, vous tomberez dans une situation à risque où celui qui a le plus de pouvoir aura toujours raison. Sur le sujet, une lecture incontournable pour éviter l’effet HiPPO (Highest Paid Person’s Opinion) : “When a HiPPO is in the room and a difficult decision needs to be made but there’s not data or data analysis to determine the right course of action one way or another, the group will often defer to the judgement of the HiPPO.”

4- Partager les dysfonctionnements, adapter les règles

Dans un monde vivant, des règles efficaces un jour peuvent se révéler moins opérante plus tard. Si votre équipe est désalignée, c’est peut-être tout simplement que les modalités de coordination ne sont plus adaptées. L’équipe a grandit, la courbe d’apprentissage a raidi, les feedbacks sont plus variés, autant de raisons d’adapter les modalités de coordination pour éviter une désynchronisation des collaborateurs. Cette démarche d’amélioration continue permettra de partager ce constat et d’adapter les règles aux nouvelles exigences.

Si la Vision, les feedbacks, les métriques et l’amélioration de la coordination ne suffisent pas, n’utiliser l’injonction ou la contradiction qu’en dernier recours

Quel est le dernier recours justement ?

En management ouvert et distribué, le “dernier recours” est la décision prise par le « chef ». Cet effet d’autorité est à manier avec parcimonie car il représente toujours un risque : le risque d’aller contre l’intuition ou les convictions de vos collaborateurs. Ce risque est double. Sur le fond, c’est prendre une décision qui va contre les personnes qui sont censées être les mieux placées pour la prendre car au plus proche du terrain. Vous avez pour vous la légitimité d’avoir une vision plus globale pour prendre la décision pour le bien de l’entreprise. Sur la forme, vous prenez le risque de désengager toute l’équipe, même si votre décision est la bonne car vous montrerez par la preuve que votre délégation fonctionne sauf dans les moments décisifs.

Je suis souvent surpris à quel point de nombreux managers se trouvent dans la situation de prendre des décisions “contre” leur équipe, alors qu’elles devraient être extrêmement rares. Le dernier recours étant très risqué pour l’équilibre de l’équipe, il doit intervenir uniquement pour les décisions irréversibles : racheter un concurrent ou un partenaire, réaliser une dépense dont le montant mettrait en péril la trésorerie, signer un partenariat de longue durée ou qui impacterait l’image de l’entreprise, changer le nom d’une marque, etc. Franchement, combien de décisions irréversibles, prenez vous sur un sujet dans une année ? Or la gouvernance dans une entreprise est pensée et conçue pour faire face à ce type de décision alors qu’elles sont largement minoritaires.

La plupart des décisions à prendre au quotidien sont en général largement réversibles : un message plutôt qu’un autre, une priorité, un mot à la place d’un autre, une couleur… l’extrême majorité de nos décisions quotidiennes sont ce que Jeff Bezos appelle des « 2 ways decisions », des décisions sur lesquelles il sera toujours possible de revenir sans préjudice si finalement elles s’avèrent être mauvaises, contre-productives ou pas en phase avec la stratégie. Mais en allant a priori contre ces décisions, non seulement vous risquez de perdre une occasion d’avoir tort 😉 mais surtout vous commencez à piocher dans le capital d’engagement, voire de créer de la dette !

Et vous remarquerez au final que les « 1 way decisions » ne sont finalement pas si courantes (1 ou 2 dans l’année et encore..) et que bien souvent les équipes prennent conscience de leur importance, et vous demandent de l’aide pour les prendre. Un collaborateur engagé est un collaborateur responsabilisé qui prendra mécaniquement conscience de l’enjeu de sa décision. Au final, vous aurez gagné du temps que vous pourrez passer à vous nourrir vous-même de l’engagement de vos équipes car cette énergie a une caractéristique unique, elle est contagieuse : plus on s’en sert plus elle croit.

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