Qu’est-ce que l’agilité dans l’entreprise ?

juliendreher
Ground
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5 min readApr 21, 2017

Aujourd’hui, la notion d’agilité semble être une quête prioritaire pour de nombreuses entreprises engagées dans une démarche de transformation de leurs modèles économiques et de leur culture de travail. Cette ambition est évidemment sous-jacente à la tentative de s’adapter à la nouvelle civilisation issue de la révolution digitale. En revanche, cette ambition est peu présente dans le discours et dans les actes des principales startups de référence. Ceci s’explique principalement par le fait que ces structures sont nativement agiles. La faculté d’adaptation extrême est dans leur sang, leur ADN sans forcément qu’elles s’en rendent compte. Les startups sont des entreprises adaptatives sans forcément le revendiquer.

Cette demande croissante d’agilité au sein des entreprises a créé un marché important dans lequel se sont engouffré de nombreuses agences, SSII ou cabinets de conseil. Ces différents acteurs ont su monter des offres pour s’adapter à cette nouvelle opportunité notamment autour des principales méthodologies “agiles” de référence : Scrum, Design Thinking ou Lean Startup. Si ces méthodologies sont bien des méthodes agiles, l’application de leurs principes ne constituent pas nécessairement des cadres “agiles” ou pour le moins, ne suffisent pas à en faire des entreprises agiles. Il existe aujourd’hui beaucoup de confusion autour de cette notion d’agilité. Si le terme est à la mode (car générateur de nombreuses opportunités d’affaires) il est souvent utilisé, car il réconcilie à la fois des directions envieuses des structures agiles et des acteurs (agences, cabinets) voyant l’occasion d’explorer de nouveaux territoires.

Les principales méthodologies agiles citées plus haut sont de commodes références qui sont autant de points de repère sur les marchés. Ces méthodologies sont pratiques car elles sont des références partagées par tous (au delà même des entreprises concernées) qui permettent d’objectiver les initiatives de transformation et ainsi de valider les efforts consentis par les différentes directions dans leurs incitations à plus d’agilité.

Mais, pour autant, la mise en oeuvre de ces méthodes au sein des entreprises en font-elles des structures agiles ? L’application de ces méthodologies au sein des différentes directions concernées suffit-elle à opérer la transformation agile que les directions (et les équipes) attendent ?

Souvent, la mise en oeuvre de ces méthodes ne suffit pas à faire comprendre aux collaborateurs et aux managers les enjeux de l’agilité …

Le problème principal réside dans le fait que beaucoup d’entreprises se focalisent sur ces points de repères agiles sans forcément comprendre ce qu’est réellement une entreprise agile, une vraie entreprise “adaptative”. Et pour cause, la plupart des décideurs et des collaborateurs n’ont jamais évolués dans des structures nativement et réellement agiles (startups citées plus haut par exemple) et n’ont donc pas l’expérience nécessaire pour évaluer la distance qui les séparent de l’ambition qu’ils voudraient atteindre. Plus encore, beaucoup n’ont pas une idée précise de ce à quoi ressemble ce point. Au mieux, ils ont intégré la conviction forte qu’ils devaient devenir agile pour retrouver des “marges de manoeuvre”. Or, nous savons que pour inciter des équipes à changer leurs pratiques et leur culture, il ne suffit pas de lancer des plans d’actions avec des objectifs précis et matérialisés, fussent-ils pertinents. Il faut aussi incarner ce changement et expliquer pourquoi et comment le mettre en oeuvre, a fortiori, si la ligne d’arrivée reste floue et doit se préciser en cours de route.

Golden Circle — Simon Sinek

Et c’est souvent là que le bas blesse. Si vous observez dans beaucoup d’entreprises des initiatives de transformation agiles validées par la mise en place de méthodologies agiles (“Mes équipes sont certifiées Scrum”, “Le produit a été conçu grâce à des méthodes de design thinking”), les questions du Pourquoi et du Comment de la transformation agile est au pire inconnue ou au mieux différentes selon les interlocuteurs (ou l’inverse…).

Même si les réponses à ces 2 questions peuvent être différentes selon les contextes, il est important de les définir et de mettre en place des plans d’actions qui reposent fidèlement sur ce travail de définition. Dans ce premier billet, de la série consacrée à l’agilité, nous allons essayer de poser le

“pourquoi une entreprise se doit d’être agile si elle veut (sur)vivre au XXIème siècle?”.

Nous pourrions essayer de donner une définition d’une entreprise agile :

Une entreprise agile est un système riche et complexe qui partage une vision et une culture commune permettant de s’adapter collectivement et rapidement aux changements permanents dans un contexte de forte incertitude.

Maintenant que nous avons posé une définition, nous pouvons tenter de définir et détailler le Pourquoi, Comment une entreprise doit être agile.

● Pourquoi une entreprise doit être agile ?

Si nous devions ne retenir qu’une seule raison justifiant le besoin d’agilité, cela serait de se mettre en capacité de s’adapter aux incertitudes. Nous vivons une période de forts changements qui entraînent des remises en question totales, permanentes et durables sur tous les éléments qui peuvent influer sur la vie d’une entreprise. Les (r)évolutions sont partout : dans les usages, dans les technologies, sur les marchés, dans les cultures, les organisations ou dans les exigences des utilisateurs qu’ils soient clients, prospects ou collaborateurs. Des entreprises qui ont su comprendre cela ont parfois réussi en quelques années à s’imposer sur des marchés vieux de plusieurs décennies (Tesla, Airbnb, Netflix).

Les entreprises doivent percevoir ces changements en captant l’information et en imaginant les nouveaux modèles qui sont en train de se dessiner. Pour cela, elle a besoin d’adopter une organisation lui assurant une adaptabilité collective et ce, sur l’ensemble de sa chaîne de création de valeur. Par ailleurs, l’entreprise a besoin d’intégrer cette information et la connaissance dans son ensemble afin de générer et intégrer des feedbacks entre les métiers et les expertises contributrices. Ces feedbacks internes sont vitaux également pour s’adapter aux signaux externes et en les utilisant pour innover et concevoir de nouvelles offres, de nouvelles postures. Il suffit d’étudier les processus menant à l’élaboration de l’innovation pour comprendre qu’une entreprise a besoin de beaucoup d’agilité pour s’adapter aux différents contributeurs.

Pour résumer, une entreprise se doit d’être agile car nous vivons une période de forte incertitude, notamment face à la fragmentation et la multitude des acteurs, utilisateurs, communautés, etc. L’organisation se doit de capter les signaux qui l’entourent et d’adapter en permanence ses ressources (dont ses équipes, mais pas uniquement). Cette adaptation collective doit lui permettre de générer du feedback afin de concevoir et réaliser de nouvelles propositions de valeur répondant aux changements permanents et aux exigences multiples de son environnement.

Cette nouvelle exigence s’incarne principalement dans 3 dimensions de l’organisation de l’entreprise :

  • Le management de l’information : rendre l’ensemble des informations accessibles, accessibilité entendue aussi bien dans sa mise à disposition que dans ses formats permettant une compréhension commune au sein de l’organisation
  • Les rythmes de travail : rendre les rythmes de travail plus itératifs afin de laisser la possibilité de prendre en compte les feedbacks et créer des dynamiques de changement et d’amélioration continue.
  • La prise de décision : faciliter les prises de décisions au plus près des besoins (le plus rapidement) et au plus près de la valeur (responsabilisation des équipes) afin de créer les conditions de l’autonomie, de la réactivité et de l’efficacité à tous les niveaux de l’organisation.

Ces 3 dimensions seront traitées dans 3 billets suivants.

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