Réussir dans les concours et appels à projets entrepreneurs/start-ups

Kevin Deplanche
Grow Up
Published in
7 min readOct 9, 2020

Niveau de lecture : accessible ⚫⚪⚪

Le Fundtruck, Lyon Start Up, EY Open Innovation, Big Booster, 104factory, le Prix de l’Entrepreneur Social et les Trophées Créatrices d’Avenir… Ces dernières années, nous avons pu assister à une multiplication des concours et appels à projets destinés aux entrepreneurs et jeunes start-ups. C’est comme si tout d’un coup, chaque entreprise du CAC40, grande école ou institutionnel de renom avait soudain décidé que son cœur de métier était l’accélération de projets innovants ou l’aide à l’amorçage !

Si certains promoteurs de ces programmes surfent clairement sur la vague “Startup Economy” ambiante et tentent de dépoussiérer leur image de marque ou de capitaliser sur des opportunités commerciales futures, la plupart des concours ou appels à projets possèdent une réelle valeur ajoutée et ne doivent pas être vus comme une perte de temps.

Outre le prix final (le plus souvent une aide financière, un accompagnement par une structure sur une période donnée, un boost de visibilité et réseautage important), l’expérience apportée par ces concours permet souvent de faire progresser/maturer aussi bien l’idée ou le concept de base que de bosser le discours commercial, le pitch investisseur, la stratégie d’accès au marché…

Notre expérience dans divers jurys et comités de sélection de certains de ces concours nous indique que (logiquement) le niveau de maturité des projets est extrêmement hétérogène et surtout que les projets les plus intéressants et prometteurs ne sont pas forcément ceux qui sont retenus, notamment du fait d’une description de projet hasardeuse, peu punchy et clairement non pensée comme une histoire bien ficelée.

Vous vous souvenez des longs métrages Disney des années 80–90 ? Et bien, c’est exactement ce type d’histoire qu’il faut présenter : simple, claire et bien ficelée, avec une touche de suspense et d’émotion ! Bref, quelque chose qui fasse vibrer la corde sensible et donne envie d’en savoir plus voire de vous rencontrer… Et de vous donner un coup de main pour avancer par n’importe quel moyen !

Timon et Pumba en pleine séance de pitch ! (source : giphy.com)

L’histoire (sans fin) de l’entrepreneur

Vous avez bossé 6 mois sur votre MVP, vous avez rencontré Bill Gates lors d’une piscine dev pour licornes organisée par Microsoft Redmond, vous avez un contrat de partenariat R&D avec le CNRS pour alimenter vos 5 familles de brevets et votre appli a déjà 50 000 downloads.

Ça doit certainement peser dans la balance ça, nan ?

Ben non. Niet. Nada.

Le monde est rempli de technologies excellentes (et probablement bien plus avancées que la vôtre). Aucune décision d’investissement, d’entrée dans un incubateur ou de sélection par un jury de concours, se fait purement sur votre technologie. La qualité de l’histoire racontée est la première chose qui retiendra l’attention d’un œil externe. Bien plus que les chiffres, le parcours de l’équipe ou la couleur de votre logo. Ces éléments entreront en compte plus tard lors d’une due-diligence approfondie… Mais seulement si l’histoire a réussi à charmer quelqu’un à moment donné pour atteindre ce stade !

C’est l’histoire d’un mec…

Regardons donc les éléments qui constituent une histoire rondement menée. Vous remarquerez d’ailleurs que ces éléments sont pratiquement les mêmes du 1er jour du projet (où vous vous êtes cogné la tête sur le lavabo et avez eu cette idée lumineuse bump Dr Emmett Brown) au jour où vous êtes en closing de A-round pour accrocher l’investisseur du siècle.

En voila une belle idée de techno 😉 Source : https://blog.planete-nextgen.com/wp-content/uploads/2015/10/convecteur.jpg

L’histoire tient souvent en quelques questions simples :

  • Pour quel problème apportez-vous une solution ? Comment l’avez-vous détecté ?
  • Quelle est la taille du problème ? Comment est-il résolu aujourd’hui et par quels acteurs ?
  • Par quel(s) moyen(s) envisagez-vous de répondre à ce problème ? Quel est le degré de difficulté pour développer/mettre en œuvre votre solution ?
  • Qu’est-ce-qui différencie votre solution des solutions existantes (même s’il n’y a aucune solution évidente au problème — “business as usual scenario”) ?
  • Quelles sont les compétences clés des fondateurs permettant de créer votre solution ? Quelles sont les compétences manquantes ?
  • Qui va acheter votre solution et à quel prix ? Comment allez-vous amener cette solution à vos clients ? Combien de temps cela prendra-t-il avant d’amener cette solution sur le marché ?
  • Possédez-vous un premier degré de feedback par certains clients potentiels ? (validation du pouvoir payeur/preuve de degré de réponse au besoin/première traction)

Si vous pouvez répondre à ces questions de façon claire et concise (en une page par exemple), sans s’embourber dans des tas d’explications ou considérations technico-économiques, il sera alors possible de créer une histoire bien punchy qui attirera l’attention de n’importe quel jury/incubateur/investisseur (remplacer par la personne à convaincre).

Dès lors que l’on a réussi à capter l’attention (et à passer un round de sélection préliminaire par exemple), il sera alors possible de se faire plaisir et sortir l’artillerie lourde : description détaillée de la proposition de valeur, état de l’art technique et démonstration de la technologie, stratégie d’accès au marché…

Les erreurs que l’on voit le plus souvent :

Certaines erreurs sont à éviter comme la peste car elles démontrent un manque évident de maturité du projet. Les plus communes (liste non-exhaustive) sont :

  • Inventer ou proposer une solution technologique avancée à un problème qui n’en est pas un

Le concurrent principal de votre solution est la solution qui répond actuellement à la situation d’aujourd’hui (le monde sans votre solution aussi appelé “business as usual” scenario). Sans votre solution, comment les personnes affectées résolvent-elles le problème ?

Pensez à bien décrire le problème de façon simple et claire — il peut vous paraître évident mais une personne venant d’un background différent n’en comprendra peut être pas la portée et donc… l’histoire s’écroulera avant même d’être commencée !

De même, démontrez que votre solution n’est pas née d’une soirée arrosée entre potes (où José a lancé après 8 Vodka Red Bull “la fac, ça me gonfle, montons notre startup les mecs” !) mais que vous avez passé du temps à caractériser et comprendre le problème en profondeur.

Je savais bien qu’il existait une solution pour bouger ma chaise au bureau !
  • Ne pas situer le problème dans son contexte et de manière quantitative

Tout lecteur cherchera à comprendre la taille du problème pour se donner une idée du marché (juteux) qui se cache derrière votre solution.

Aidez-le en donnant quelques chiffres clés et très parlants dans un contexte adapté (géographique, marché, scientifique) : par exemple “30% de la population française utilise des services en ligne de planification de trajet” pour une appli de transport ou “3 musiciens sur 4 sont des autodidactes” pour des cours musicaux en ligne…

  • Se sous-estimer ou manquer d’ambition

Vous êtes l’expert de votre domaine, démontrez-le mais en vous appuyant sur des données concrètes et de manière transparente. Le bullshit ne tiendra pas très longtemps devant un évaluateur qualifié. A éviter.

  • Ne pas identifier sa propre niche d’accès au marché

Vous avez inventé une techno de moteur de recherche qui va concurrencer Google.

Félicitations.

Pour le bien fondé de notre histoire, et au risque de contredire le point précédent, n’indiquez pas dans votre dossier “nous serons le Google de demain”, cela fera au mieux un peu rire, au pire, cela vous décrédibilisera complètement pour les décennies à venir.

Même si la techno est béton, identifiez votre “pré carré” applicatif vous permet de consolider votre société et construire une histoire cohérente en ciblant votre solution sur un premier problème pour démontrer la qualité de votre solution et conquérir des parts de marché (i.e. survivre).

  • Complètement oublier de mentionner le modèle économique dans la présentation projet

Même s’il n’est pas totalement formalisé, il faut absolument dire quelques mots sur la façon dont vous allez atteindre vos clients. En direct ? Par le biais de distributeurs ou prescripteurs ? A quel prix ou fourchette de prix ? Aurez-vous de la récurrence par le bais d’un abonnement ? Quel est le prix final du produit ? Le prix idéal hors-usine ? La marge brute attendue ?

Démontrez que vous avez pensé à ces questions. Une solution magnifique à un problème de masse dont le prix est inconnu (ou inabordable) n’est pas un business, c’est un fantasme.

Les évaluateurs de concours n’aiment généralement pas les fantasmes. Les investisseurs encore moins.

En bref,

Tout bon projet entrepreneurial peut se résumer en une histoire simple et convaincante (au moins en apparence). Votre premier job est de créer cette histoire et pourquoi pas de la tester auprès de vos proches, vos relations pro et perso (gare à la propriété intellectuelle toutefois) pour mesurer à quel point elle est engageante.

Un minimum de structure est nécessaire dès le début, posez-vous les bonnes questions et construisez l’argumentaire, faites vos recherches, obtenez les données brutes. Ensuite, simplifiez au maximum. Si l’histoire convainc toujours autant, tel un bon Disney ou roman de l’été, vous y êtes.

Sinon… Il est temps de réviser ses classiques. Personnellement, j’ai une préférence pour Aladdin et le Roi Lion 😉

………………………………………………………………………………

Suis-nous sur LinkedIn / Twitter / Medium pour être au courant de l’actualité de Grow Up et des prochains articles 📖 Tu peux aussi nous laisser un clap 👏

--

--