J’ai des doutes sur la fiabilité de mes recherches utilisateurs

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La recherche utilisateur est une phase fondamentale dans un processus UX. Si elle est abondante et de qualité, elle me permet de bien comprendre le contexte, les points de peine et de concevoir des solutions répondant réellement aux attentes des utilisateurs. C’est certainement la dimension qui pose le plus de problème dans un processus UX. Les entreprises dans lesquelles j’interviens n’ont pas toujours conscience qu’elles ne connaissent pas réellement le niveau d’expérience vécu, parfois, en pensant bien faire, elles me fournissent des études comportant des biais. En repensant à mon travail, j’identifie moi-même des biais potentiels. C’est inquiétant car cela peut déboucher sur de fausses pistes et décrédibiliser la démarche UX.

Identifier d’où les biais peuvent provenir.

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J’oriente inconsciemment mes échanges avec les utilisateurs

Pour comprendre le contexte et qui sont les utilisateurs, de même que pour tester mon prototype, je dois aller sur le terrain et sonder des personnes. L’exercice d’aller poser des questions n’est pas anodin de prime abord. Je le remarque notamment lorsque je forme des stagiaires à l’expérience utilisateur. Formuler une question neutre, écouter sans interpréter n’est pas inné. Si je cherche à valider l’utilisation d’une fonctionnalité, je pourrais être tenté d’inviter mon utilisateur à réaliser une action puis de lui demander : “Est-ce que cette fonctionnalité vous paraît utile ?” j’introduis sans le savoir un biais dans mon entretien car j’ai guidé l’utilisateur dans la réalisation de la tâche. Lorsque que j’interroge un utilisateur, je ne lui demande pas ce qu’il veut ou préfère, j’essaye de comprendre ses besoins et d’observer si l’expérience est adaptée ou non.

Je n’arrive pas à réunir les conditions nécessaires pour mener à bien mon étude.

Je ne dois pas transiger pour aller voir les utilisateurs et comprendre leur besoin. Pourtant je n’ai pas la possibilité de prendre les temps ou les données de ciblage ne sont pas fiables. Parfois par manque de moyens ou de temps mes collègues se proposent de jouer les bêta testeurs pour me dépanner. C’est pratique, ils sont à côté de moi, on s’entend bien en plus, inutile de me risquer à interroger des inconnus… Oui mais… sauf en cas d’application métier, mes collègues ne sont pas des utilisateurs cibles ! En effet, ils travaillent dans mon entreprise et connaissent les coulisses, parfois la stratégie, la culture et l’historique. Leurs commentaires seront donc biaisés de par leur connaissance préalable.

J’ai une idée de la solution et j’oriente inconsciemment les résultats de mes recherches.

Je ne peux m’empêcher parfois de réfléchir directement à la solution. Convaincu que ce service ou cette fonctionnalité apporte énormément de valeur aux utilisateurs. Sans m’en rendre compte, je laisse de côté des réponses qui ne vont pas dans le sens de mon idée. C’est ce que l’on retrouve dans le biais de confirmation. Persuadé d’avoir LA solution, j’interprète toutes les informations qui m’arrivent comme des confirmation de ma croyance. Je n’accorde alors aucune attention à ce qui pourrait aller à l’encontre de mon idée.

Source http://amaninthearena.com/biais-de-confirmation/

Je reprends des études réalisées avant mon arrivée et je suis sceptique sur leur fiabilité.

Lorsque j’intègre un projet où des études ont déjà été réalisées, je suis particulièrement vigilant sur les protocoles qui ont été mis en place. Dans la mesure du possible, je me rapproche des personnes qui l’ont réalisée pour comprendre la démarche qui a été mise en place. Quelles questions ont été posées ? Quelles informations étaient mises à disposition des utilisateurs ? Quelles étaient les conditions de l’étude (à distance, en face à face, individuel ou en groupe…).

Des pistes pour fiabiliser mes recherches

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Je sollicite l’avis d’une personne expérimentée

Après avoir rédigé ma trame d’entretiens ou mon protocole de test, je peux solliciter l’avis d’une personne expérimentée. Elle me fait gagner un temps précieux et j’évite ainsi de fausser mon étude. Plus simple à réaliser, je fais une répétition “à blanc” avec des collègues. C’est l‘occasion de vérifier si mes consignes sont claires et si mes questions sont correctement formulées pour obtenir les retours utilisateurs dont j’ai besoin. Mes collègues n’ont pas besoin d’être UX Designer, leurs remarques m’aident à identifier les phrases mal tournées. S’agissant de la formulation de questions, plutôt que de demander à mon utilisateur “Est-ce que cette fonctionnalité vous paraît utile ?” je préfère le mettre en situation pour qu’il ait besoin de la fonctionnalité et observer si oui ou non :

  1. il exprime (verbalement ou non) le besoin d’une telle fonctionnalité
  2. il trouve la fonctionnalité et parvient à atteindre son objectif.

Je m’assure que la connaissance de la cible est suffisante pour sélectionner un panel représentatif

Parfois les critères de sélection rendent le ciblage difficile pour mon client. Je propose alors de sous-traiter la sélection des participants. Il existe des agences panelistes comme EM2 ou des agences de tests à distance comme Easypanel ou Testapic qui disposent d’une communauté qualifiée et que je peux interroger à distance. C’est un bon moyen de trouver des utilisateurs qualifiés et surtout d’éviter de partir sur des hypothèses basées sur les usages de personnes qui ne sont pas les utilisateurs finaux.

J’approfondis mes connaissances sur les techniques de recherche

Le contexte du projet (public visé, moyens à disposition) me contraint parfois à privilégier certaines méthodes pour ne pas biaiser l’étude. J’ai par exemple dû revoir mon approche d’entretiens utilisateurs pour un projet lié à l’accessibilité numérique pour des personnes ne parlant pas ou peu la langue française dans le domaine de l’emploi. Je menais des entretiens en mode guerilla : installé dans une agence, je sollicitais les utilisateurs qui se présentaient. Les trois premières personnes qui ont accepté de faire le test semblaient gênées par le regard des autres usagers de passage dans l’agence, leurs réponses étaient brèves et je sentais qu’ils ne souhaitaient pas prolonger l’expérience. J’ai alors décidé de stopper le test pour organiser des entretiens individuels et contourner ainsi ce que j’avais identifié comme un élément perturbateur de mon test et qui biaisait les réponses des utilisateurs.

J’apprends à détecter les biais cognitifs et à les compenser

Plus de 175 biais ont été référencés sur Wikipédia, en tant qu’UX Designer, je retrouve souvent les mêmes cas de figure. Noémie Lecorps, consultante UX a dressé au cours d’une conférence au Web2Day 2017 un classement des cinq biais les plus souvent rencontrés en tant que concepteur.

Le biais d’ancrage
Utiliser la première information disponible comme référence pour comparer avec les autres informations

Le biais de confirmation
Ne prendre en considération que les informations qui confirment ses croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent

L’effet de leurre
Ajouter une option qui n’a pas pour but d’être choisie mais de donner de la valeur à une option jumelle

L’effet de Einstellung
“la première idée qui vient à l’esprit, déclenchée par des caractéristiques familières d’un problème, empêche de trouver une meilleure solution.”
Merim Bilalic, Peter McLeod et Fernand Gobet (cf. Sources)

Peak-end effect
On juge une expérience sur la manière dont on se tient à son point le plus intense et à sa fin plutôt que sur la moyenne de l’expérience

Les biais cognitifs sont des mécanismes automatiques, tout le monde y est sujet. Mon rôle lors des phases de recherche est de savoir les détecter pour les contourner ou en tenir compte lors de mes analyses.

J’organise des entretiens de rattrapage.

Lorsque j’interviens en cours de projet et que la phase de recherche a déjà été réalisée, je m’arrange pour réaliser moi même une phase de recherche car rien ne peut remplacer le vécu de la rencontre avec l’utilisateur. Marina Wiesel résume ce point en disant :

Il ne peut pas y avoir de transfert d’empathie pour l’utilisateur.

Ça n’est pas parce que mon collègue a réalisé et documenté sa phase d’études que je serai en mesure d’appréhender toutes les interactions gestuelles, les inflexions de voix et la clarification des non-dits sont des éléments indispensables pour saisir les attentes des utilisateurs.

Poser des questions, savoir écouter sans interpréter est un processus d’amélioration continue. C’est en pratiquant, en me trompant et en prenant du recul que je peux m’améliorer et éviter de tomber dans les pièges.

En synthèse

  • Je sollicite l’avis d’une personne expérimentée
  • Je m’assure de pouvoir cibler les bons utilisateurs
  • Je monte en compétence sur les techniques de recherche
  • J’apprends à identifier les biais cognitifs et à les compenser
  • Je m’arrange pour vivre personnellement la phase de recherche

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