Les designers réinventent la roue à chaque fois

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Une entreprise, plusieurs initiatives design

Quand j’arrive dans une organisation, je cherche à obtenir les pièces du puzzle du design. Est-ce que des principes de design ont déjà été mis en place ? Pour que le produit soit à minima normé, y a-t-il une charte graphique ? Un design system ? Des guidelines de wireframes? Une bibliothèque avec les personas de l’entreprise? Des templates de livrables aux couleurs de l’entreprise ? etc. 9 fois sur 10 personne n’est en mesure de répondre à mes questions. Je me sens contrariée et découragée à l’idée de perdre du temps et repartir d’une feuille blanche. J’ai l’impression que je vais devoir passer du temps à refaire ce qui a déjà été fait.

Pourquoi est-il si dur d’avoir une vision commune du design ?

  1. Les entreprises ont une vision old school du digital

La plupart du temps, j’interviens dans des entreprises où le design est réduit au style et à l’interface du produit. Il s’agit d’entreprise de maturité 2 sur l’échelle de design du Danish design centre (2001). Dans ce type d’entreprise, les designers — ou concepteurs — ou chefs de projets digitaux — sont embauchés par des services différents, à des fins différentes. A ce stade, l’entreprise n’a pas encore de service digital ou de service design pour centraliser et rationaliser cette activité (maturité de niveau 3). Les concepteurs ne se se connaissent pas toujours et n’ont pas connaissance des initiatives des autres services. Ceci amène l’entreprise à sortir des produits sans aucune logique commune en termes de stratégie business, d’usage ou d’utilisabilité.

Design Ladder, Danish Design Centre, 2001

2. Les designers aiment leur liberté

A chaque fois que je demande naïvement aux designers où se trouve le dossier commun avec l’ensemble des templates et des méthodologies, ils me répondent qu’il n’y en a pas. Ils aiment leur liberté et détestent rentrer “dans le moule” en utilisant des guidelines communes. Les designers sont eux aussi victimes du biais cognitif de status quo, une attitude dans laquelle toute nouveauté est perçue comme engendrant plus de risques que d’avantages. Chaque fois que je ferais une remarque, ils prétendent toujours que le fait de charter des éléments font perdre la liberté créative.

3. Les designers n’osent pas partager leur travail

Heureusement, d’autres designers ont une culture du partage forte et n’hésitent pas à diffuser leurs livrables et à donner des conseils méthodologiques. Mais pour cela il faut passer le stade de “Est-ce que ce que je fais/dis mérite vraiment d’être partagé?”. Au début de ma carrière je partageais peu pour éviter de me ridiculiser devant les autres. Je manquais de confiance en moi. En acquérant de l’expérience, j’ai ensuite développé un sentiment d’imposteur. Comme si, le succès de mon travail était lié à des circonstances avantageuses et non à mes compétences. Aussi, je n’avais aucune envie de partager mon travail que je ne jugeais pas encore assez bien.

Le syndrôme de l’imposteurIl consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel. Les personnes rejettent donc plus ou moins systématiquement le mérite lié à leur travail et attribuent le succès de leurs entreprises à des éléments qui leur sont extérieurs (la chance, un travail acharné, leurs relations, des circonstances particulières). Elles se perçoivent souvent comme des dupeurs-nés qui abusent leurs collègues, leurs amis, leurs supérieurs et s’attendent à être démasquées d’un jour à l’autre.

Quelques conseils pour construire une vision commune du design dans son entreprise

  1. Construire une base commune en montrant l’exemple

Quand j’arrive quelque part, je cherche à trouver l’emplacement d’un fichier partagé avec pleins de méthodologies et de template de livrables. Si mon équipe projet n’est pas au courant, je repère la personne sympa qui est pote avec tout le monde. Je lui demande de me présenter les designers des autres services. Si il n’y a rien de fait, je commence avec les moyens du bord et je communique dessus. Je crée un dossier sur Google Drive et ajoute au fil de l’eau mes différents livrables éditables. Chez un client, j’avais fait un dossier “persona”, un autre “Carte d’expérience” et un autre “Projet A”. Les autres UX Designers pouvaient s’inspirer des études utilisateurs et le directeur produit pouvait piocher au besoin dans le fichier du projet. C’était largement optimisable mais ça avait le mérite d’exister et de faciliter la vie de mes collègues. Ces derniers déposaient également régulièrement leur documentation. A chaque ajout important, j’envoyais un petit message sur Slack aux designers.

2. Monter une communauté Design strategy

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Ma principale devise de paresseuse est “Less is more”. Je passe mon temps à trouver des astuces pour faire le job plus vite et pour déléguer au max. Ca me permet de me dégager du temps pour évangéliser sur l’apport du design dans l’entreprise.

Quand j’arrive dans une nouvelle entreprise, je lance une vingtaine de rendez-vous avec des designers. Je discute avec chacun pendant 30 minutes. Cette première prise de contact permet de briser la glace. Je sonde les appétences de chacun à construire et partager une base de connaissance commune. Je les informe qu’un créneau de 60min par semaine d’ateliers “Design Strategy” est ouvert à tous. C’est un temps d’échange entre designers pour renforcer l’impact du design au sein de l’entreprise.

Exemple de thématiques d’ateliers “Design Strategy”

  • Design Principles de l’entreprise → réfléchir ensemble aux 5 principes de design
  • Persona principal de l’entreprise → déterminer et construire ensemble un persona
  • Carte d’expérience du persona principal → faire une carte d’expérience
  • KPI produits orientés business → Mettre en place des indicateurs clés communs
  • Boite à outils → décider qui ajoute quel template, quand
  • Veille → les 5 apps de la semaine
  • Info Produit → chacun présente en 5min max sur quoi il travaille actuellement

Take-aways

Les points à retenir pour centraliser les initiatives des designers

  • Le modèle d’organisation de l’entreprise freine parfois la mise en commun d’infos
  • Certains designers ont besoin de voir avant de partager
  • Créer soi-même un dossier partagé et l’alimenter au fil de l’eau
  • Aller à la rencontre des designers dispersés dans l’entreprise
  • Faire des ateliers transverses avec les autres designers

Cet article est co-rédigé avec Jérémie Cohen. Nous espérons qu’il vous sera utile, pour vous et pour la communauté UX.

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