“Vous avez une semaine pour faire de l’UX”

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Lors de la réunion de lancement du projet, je découvre que la phase consacrée à l’UX n’est que d’une semaine. Le Product Owner (PO ou chef de projet digital) vient m’exposer son projet et me demande si je peux “faire l’UX pour la fin de semaine prochaine”. Cette situation est compliquée car je ne veux pas être le maillon faible qui ralentit le projet et je ne peux pas non plus faire du bon travail en si peu de temps. Cela m’agace et me démotive. Comment faire pour créer des conditions de travail décentes tout en tenant compte des contraintes du projet ?

Pour mieux comprendre la situation

Le processus UX n’est pas connu dans l’entreprise

Une des principales erreurs concernant l’UX se situe dans le fait de ne considérer que le livrable final, dans le cadre d’un projet digital, le prototype de maquette (wireframe). Le PO se charge de coordonner tous les corps de métiers. Il s’attend à une réponse nette et précise lorsqu’il me demande un chiffrage. Il ne comprend pas que je le laisse dans l’incertitude après m’avoir rapidement expliqué son besoin. Le risque à aller trop rapidement vers la solution est de décrédibiliser la méthodologie qui se veut plus complète avec une phase de recherche et d’idéation au préalable.

Le projet est contraint

Pour des raisons réglementaires ou stratégiques, l’entreprise peut décider de livrer un projet en un temps record, ou allouer un budget réduit car les enjeux sont faibles. L’ensemble des acteurs est mis sous contrainte. Dans ce cas, je dois faire preuve de pragmatisme et d’inventivité pour répondre aux attentes du porteur de besoin sans pour autant négliger certaines étapes clés du processus.

Quelques pistes pour composer avec ces contraintes

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Evangéliser, convaincre, gagner du terrain c’est une course de fond, il faut doser son effort. J’évalue toujours les situations où je sens que je vais devoir consacrer de l’énergie à convaincre. Dans tous les cas, il y a des actions à mener, il faut juste adapter sa stratégie pour être le plus efficace.

  • Est-ce que mes interlocuteurs sont prêts à m’écouter et à m’entendre ?
  • Est-ce que le contexte du projet est propice au changement ?

Pour cela je peux questionner mon interlocuteur sur le planning, pourquoi seulement une semaine ? Est-ce que la date de livraison est contrainte ? Pour quelles raisons ?

En fonction des réactions et des réponses, je peux choisir les meilleurs angles d’attaque pour résoudre ma problématique. On mesure la qualité d’un UX Designer, entre autres par sa capacité à questionner et identifier les vrais besoins, cela vaut pour les utilisateurs mais également pour le porteur du projet. J’ai pu constater que le questionnement a tendance à rassurer mon interlocuteur sur mon professionnalisme.

Je prends une heure pour expliquer au PO l’enjeu de la démarche UX

Si je sens que mon interlocuteur n’est pas au clair avec les méthodologies UX, mais qu’il est ouvert au dialogue je lui propose de discuter autour d’un café ou d’un déjeuner.

Je lui fais une rapide présentation du processus UX, mais surtout, j’attire son attention sur les risques à ne pas se donner suffisamment de temps.

Si mon interlocuteur comprend mieux mes contraintes et que le projet le permet, j’ai toutes les chances de pouvoir grappiller un peu de temps pour réaliser mon travail en toute sérénité!

J’accepte de travailler sous contrainte mais je suis transparent sur les biais/risques

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Est-ce que le sujet est bien délimité ?

Lorsque que le contexte (interlocuteur, projet) ne me permet pas d’avoir gain de cause pour avoir davantage de temps, je dois faire en sorte de contribuer au projet mais je m’efforce de préparer le terrain pour les prochaines fois. Est-ce que le brief est suffisamment précis et étayé pour me permettre de m’affranchir de certaines étapes ? Si ça n’est pas le cas, je prends le temps de poser toutes les questions qui pourraient m’aider à mieux cerner le sujet et donc à produire dans les meilleurs délais. Parfois cette approche met le porteur de besoin face à ses contradictions. Il ne pourra avoir des maquettes précises sur un besoin flou et sans se donner l’occasion de l’affiner.

Je vais à l’essentiel…pour cette fois !

Je n’ai pas le temps d’aller sur le terrain ? Est-ce que l’entreprise dispose de ressources (études marketing, connaissance des cibles) qui me permettrait de formuler de construire des archétypes d’utilisateurs cible ? Florent Jouali, sociologue, ergonome des usages explique dans un article sur le blog We love users “À défaut de temps ou de ressources (financières ou humaines), d’autres types de personas peuvent être construits sur des comportements et buts supposés ou imaginés, ou sur des souvenirs.” Il est tout à fait possible de construire des personas sans recherche utilisateur au préalable. Cette méthode se nomme Provisional personas (Cooper, 2004), Ad-hoc personas (Norman, 2004) ou de Proto personas. Je n’oublie pas de vérifier mes hypothèses de personas via des recherches utilisateurs dans un second temps. Sinon ce n’est plus des personas. Ce sont des constructions mentales de cibles qui reposent sur les jugements de l’équipe.

Je demande de l’aide pour accélérer certaines étapes

J’ai participé à un projet où j’ai formé des membres de l’équipe à la recherche utilisateur. Au-delà de faire monter en compétences des collaborateurs, cela a permis de démultiplier le nombre d’interviews réalisées en un temps réduit.

Je peux solliciter de l’aide pour récolter des informations ou pour m’aider à réaliser certaines tâches comme la restitution d’interview, des fiches persona…

Je sollicite l’aide de communautés d’UX Designer au détour de meetup ou de conférences organisés par l’association FLUPA (http://flupa.eu), Klap (http://klap.io) ou Le Laptop (https://www.lelaptop.com). Il y a un côté rassurant de pouvoir partager sur certaines situations et il n’est pas rare que d’autres y aient déjà été confrontés, je peux alors échanger avec eux sur leurs approches.

En synthèse

Pour faire prendre conscience de l’importance de se donner le temps de dérouler un processus UX :

  • Je communique sur les apports de la méthodologie ;
  • Je m’adapte au mieux pour ne pas faire obstacle ;
  • Je garde en tête mes objectifs et crée des conditions plus favorables pour les prochains projets ;
  • Je partage mes problématiques avec des pairs en interne ou externe pour trouver des réponses adaptées et rester motivé.
  • Plus je suis confronté à ce genre de situation, plus je gagne en affirmation et rassure le PO.

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