Adieu l’école

Nouhad Hamam
Hack tes Kids
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18 min readMay 3, 2016

J’ai atterri en 1994 au Liban, après avoir vécu mes 9 premières années en France. Mes premiers jours d’école ont été un choc. J’ai fait un bon en arrière de 50 ans : on nous tapait dessus avec une grande règle épaisse quand on avait une mauvaise note à un devoir, les profs étaient extrêmement sévères voire humiliants, on portait l’uniforme, on chantait l’hymne nationale tous les matins avant de démarrer la journée et on avait interdiction de porter des baskets - ce que j’avais beaucoup de mal à comprendre.

Je crois que beaucoup d’enfants français - et même occidentaux - vivent aujourd’hui un décalage du même ordre avec leur propre école, celle à laquelle ils vont tous les jours. Bien sûr, il n’y a plus de préjudice physique mais je pense que le préjudice moral reste important.

Aujourd’hui, ni les enfants, ni les profs, ni les parents ne sont heureux ou épanouis avec l’école, loin de là. Et ce phénomène empire un peu plus chaque jour.

L’école est en crise.

Pourquoi l’école est en crise

Cette école, jadis aimée et vénérée, est aujourd’hui souffrante et en plein questionnement. Pour cinq raisons principales :

1. L’école est une veille usine poussiéreuse

On a longtemps eu une vision romantique de l’école. Mes parents et mes grands-parents en ont toujours parlé comme du lieu de l’égalité des chances, de la culture et de l’élévation de soi. Ah, Jules Ferry, ce héros…

Mais l’école n’a pas été créée sous une impulsion humaniste, elle a été murie et rendue obligatoire pour tous dans le but de répondre aux besoins de la révolution industrielle et de la guerre. Il fallait disposer de nombreux profils qualifiés pour faire levier de cette opportunité économique sans précédent et se préparer à tout nouveau conflit. Les grands penseurs du XIXème siècle ont eu une idée. De la même manière qu’on produit des bouteilles à la chaîne dans une usine, on va produire des personnes qualifiées dans une usine particulière qu’on va appeler “l’école”. Les enfants seront rangés par année de fabrication, il y aura une sonnerie comme à l’usine, les différentes étapes du façonnage seront organisées par classe tout au long de la journée avec des horaires et une organisation régie par un planning. Tout le savoir - cet or gris - sera concentré et accumulé par des professeurs qui le redistribueront auprès des enfants pour les façonner le plus efficacement possible. À la fin de chaque étape de façonnage, on en vérifiera la performance à l’aide de tests qualité qu’on appellera des devoirs et des examens. S’ils valident le test qualité final, on leur donnera un diplôme. Et voilà !

Une idée géniale. À l’époque. Sauf qu’aujourd’hui, le contexte a changé et les mentalités ont évolué : l’école est vécue comme un lieu aliénant, ennuyeux pour certains ou angoissant pour d’autres. Elle souffre la comparaison avec internet, les films, les séries télévisées, les nombreux MOOCs de plus en plus intéressants, les jeux vidéos, les jeux sur mobile, les réseaux sociaux et les expériences urbaines enthousiasmantes comme le Parc de la Villette ou le musée en herbe - pour ne parler que de Paris.

Oui, beaucoup d’enfants s’y ennuient à mourir. Il suffit de regarder la carte Twitter des enfants des USA qui tweetent un message expliquant combien ils trouvent ce lieu ennuyeux (en se connectant aux heures de cours américaines et en filtrant la carte des tweets avec les mots-clés “bored” et “school”). Une véritable épidémie d’ennui qui ravage l’école.

En France, 1 collégien sur 3 dit s’ennuyer tout le temps, et 1 autre collégien sur 3 dit s’ennuyer souvent, d’après un rapport de l’AFEV (Association de la fondation étudiante pour la ville). Sans parler du niveau d’angoisse qui grimpe sans cesse chaque année, selon un rapport de l’OCDE.

2. Le métier de prof traditionnel n’a plus de sens

Quand le savoir était une denrée rare et éparpillée, le métier de prof avait tout son sens. Il était en quelque sorte un hub en chaire et en os qui accumulait le savoir pour le redistribuer ensuite aux enfants. Ces profs étaient des “érudits”, des gens respectés et admirés par la société, comme ces autres sachants que sont les médecins, les avocats et les pharmaciens.

L’ancien rôle crucial du professeur : accumuler le savoir et le redistribuer aux élèves

Aujourd’hui, la connaissance est banalisée et même l’acquisition de savoir-faire. Tout le savoir est sur internet, accessible en 1 clic. Même les programmes de l’école et des universités sont en train d’être numérisés avec un niveau de qualité difficilement égalable par un seul prof. Des startups comme SchoolMouv sont en train de numériser l’ensemble du programme scolaire en proposant des cours de Mathématiques ou de Français expliqués avec brio. Khan Academy fait le même travail dans le monde entier. D’autres startups comme Coursera ou edX mettent gratuitement en ligne les meilleurs cours des plus grandes universités mondiales. Des sites comme Tynker permettent à des enfants d’appendre à coder de manière fun et ludique. Youtube permet aussi d’apprendre à dessiner, à faire des origamis, à coudre, à jouer des percussions ou encore à faire du break dance.

Un prof ne peut rivaliser avec une telle offre qui est chaque jour un peu plus qualitative, plus efficace car orientée-résultats, plus ludique et plus amusante.

La décentralisation (et banalisation) de l’accès à la connaissance, à l’heure de la révolution numérique

Et le rapport prof-élève ? Encore une vision romantique de l’école. Personnellement, en 25 ans de carrière de bon élève, je n’ai eu que très peu de relations intéressantes avec des profs. Beaucoup d’entre eux se sont enfermés dans un rôle distant en portant un masque d’autorité. Et plus l’école a été en crise et plus les élèves sont devenus ingérables et insupportables et plus les profs ont pris de distance et se sont découragés. Un triste cercle vicieux.

3. Les méthodes et les contenus ont 50 ans de retard

Pour gérer cette éducation de masse, on a crée une administration mastodonte qui s’appelle l’Éducation Nationale. Une administration qui a tué la prise d’initiative et toute forme d’innovation. Elle a pourtant effectué mille réformes, mais souvent il ne s’agissait que d’un énième remaniement des horaires ou une chaise musicale des chapitres de maths ou de physique.

L’Éducation Nationale est passée à côté de toutes ces nouvelles théories éducatives qui sont apparues comme les méthodes Freinet et Montessori (ces théories ont presque cent ans) ou encore comme les expérimentations de la Sudbury Valley School ou des pays scandinaves. Sans compter que les neurosciences ont fait des progrès spectaculaires ces vingt dernières années ; ce domaine nous permet de valider scientifiquement des théories éducatives, dont certains principes de Maria Montessori, et d’en bâtir de nouvelles avec des bases solides et non plus des théories expérimentales établies au doigt mouillé ou selon des valeurs arbitraires. L’Éducation Nationale n’a rien fait de tout cela.

Enfin, les matières sont restées les mêmes : des cours cérébraux (maths, littérature, histoire, géo, sciences) dominants face à ces petits divertissements superflus que sont les arts plastiques, la danse et la musique. Et dire que la seule chose que je retiens de mes classes de musique est qu’on y apprend à jouer de la flûte et qu’on y chante du Francis Cabrel. La seule raison pour laquelle j’ai chanté un titre de Michel Fugain en 3ème était la motivation de la note ; et j’ai détesté le faire. Pourtant, j’adore la musique, j’aime chanter faux et jouer du piano. Et si au lieu de ça, on montait en cours de musique des projets comme celui-ci. Beaucoup plus enthousiasmant et enrichissant, n’est-ce pas ?

En conclusion, non seulement les méthodes ont 50 ans (au moins) de retard, mais en plus le contenu est incomplet et beaucoup trop cérébral, loin de stimuler les 9 formes d’intelligence de l’être humain, loin de répondre aux besoins économiques futurs, loin de stimuler la créativité pourtant indispensable en ce 21ème siècle, et loin d’apprendre aux enfants à apprendre.

L’arbre des apprentissages et le périmètre restreint de l’école

4. Le diplôme est en train de mourrir dans d’atroces souffrances

“Passe ton bac” et “obtiens ton diplôme d’abord”. Ah, c’étaient de bons conseils effectivement, quand les diplômes étaient encore un passeport pour réussir socialement et économiquement.

On ne peut plus dire ça à nos enfants - ce serait un mensonge. Pour deux grandes raisons. D’une part, le diplôme est en inflation. En effet, d’après l’UNESCO, il y aura plus de diplômés universitaires dans le monde entre 2010 et 2030 que depuis l’invention du diplôme. On appelle ça l’inflation académique. Et ça fonctionne de la même manière que l’inflation monétaire : la valeur du bien en question dégringole.

Illustration de l’inflation académique

D’autre part, comme l’accès au savoir et à la connaissance devient une commodité, le diplôme, qui est une garantie d’acquisition de connaissances, perd aussi tout son sens puisqu’il devient la garantie d’un acquis banal.

L’école a crée au 20ème siècle une fracture sociale importante : ceux qui allaient à l’école étaient nettement plus favorisés que ceux qui n’y allaient pas. Je prends le pari que cette fracture sociale va s’inverser : ceux qui iront à l’école (traditionnelle) seront défavorisés par rapport à ceux qui auront la chance de suivre une école alternative ou peut-être même de ne pas aller à l’école.

Regardez ces deux jeunes nigérians.

Anesi et Osine Ikhianosime, les créateurs nigérians de Crocodile Lite

À l’époque où ils ont créé Crocodile Lite, ils avaient 13 et 15 ans. Il s’agit d’un navigateur internet mobile téléchargé plus de 100 000 fois, meilleur que Google Chrome et surtout adapté aux connexions lentes de certains pays africains et d’autres pays en développement. Ils ont appris à coder par eux-mêmes et sont parvenus à rivaliser avec les meilleurs ingénieurs de Google, rien que depuis leur modeste chambre. C’est un exemple typique de hacker mindset (état d’esprit hacker).

Auparavant, posséder un système scolaire efficace et de haut niveau était indispensable pour le développement économique d’une nation ambitieuse. C’est d’ailleurs ce qu’enviaient les pays en voie de développement aux grandes puissances économiques.

Aujourd’hui, l’ascenseur social qu’était l’école peine aujourd’hui à rivaliser avec une simple connexion internet et un ordinateur. Si l’école ne prépare plus (ou mal) aux métiers de demain, ou même pire, qu’elle en devient une entrave en formatant les enfants et en leur faisant perdre beaucoup de temps, les cartes risquent d’être rebattues. Il faut s’y préparer.

5. L’école ne prépare plus (du tout) aux métiers de demain

Avant les années 1990, le métier de taxi demandait beaucoup d’expérience et une excellente connaissance du terrain. Le GPS n’existait pas, il fallait connaître les rues par coeur, les horaires de bouchon, se renseigner sur les évènements clés comme la Fashion Week pour pouvoir en profiter et mieux servir la demande. Aujourd’hui, il suffit d’avoir son permis de conduire pour pouvoir effectuer un service d’aussi bonne (voire de meilleure) qualité : le GPS connecté permet d’éviter les bouchons et d’amener une personne d’un point A à un point B rapidement. Dans 15 ans, si la voiture sans chauffeur fait son apparition, non seulement le métier de taxi ne demandera plus de qualification particulière, mais en plus, il disparaîtra.

Peu de métiers seront épargnés par cette révolution : des intelligences artificielles comme Julie Desk, Watson et Peter, sont en train de progressivement remplacer les métiers de secrétaire, de médecin généraliste et d’avocat. Watson est pressenti pour réaliser des diagnostics meilleurs que la plupart des médecins généralistes. La disparition ne sera pas toujours complète comme pour les médecins généralistes et les avocats, mais beaucoup de tâches pourront être automatisées grâce à l’alliance des objets connectés, du big data et de l’intelligence artificielle.

Il y a deux courants : ceux qui pensent que le travail va disparaître, du moins en grande partie. Autrement dit, pour produire la même valeur, nous n’auront collectivement besoin que de travailler quelques heures par semaine.

L’autre courant pense qu’effectivement 80% des métiers existants vont disparaître mais qu’ils vont être remplacés par de nouveaux métiers auxquels on ne pense pas encore. De plus, le travail tel que nous le connaissons va être remplacé par un autre rapport au travail : nous aurons peut-être 2 ou 3 métiers différents en même temps, sous des formes variées.

En conclusion : s’il reste encore des métiers dans 20 ou 30 ans, ils seront créatifs et relationnels, puisque les autres métiers seront automatisées et qu’il ne restera plus que l’humain dans tout ça.

Or, l’école bride la créativité, c’est le résultat de 100 ans d’ère industrielle qui a prôné le zéro-erreur dans les classes, quand la créativité, elle, ne peut naître que d’erreurs et de prises d’initiatives. On n’y apprend pas à être adaptable, on cultive le mythe de la vocation unique et on y fait peu de projets collaboratifs. C’est impensable à l’ère de l’open innovation, de l’économie collaborative et de l’économie du partage De plus, cette même école fait l’apologie de beaucoup de métiers, autrefois prestigieux, qui vont disparaître - du moins à 80%.

Il est grand temps de remettre en question cette vieille usine poussiéreuse et rouillée.

Adieu l’école du 20ème siècle. Adieu l’école-usine.

Écoles Push vs. Pull

Et les alternatives

Vous l’avez peut-être remarqué mais les alternatives à l’école traditionnelle fleurissent comme des marguerites un peu partout dans le monde et en France — jetez un coup d’oeil à cette carte. On entend beaucoup parler des écoles Montessori, Steiner et Freinet... Comment s’y retrouver dans tout ça ?

Si on peut prend un peu de hauteur, on se rend compte qu’il existe deux manières différentes pour un enfant d’être éduqué ou d’apprendre :

  • La méthode push : la société décide d’un socle de compétences et de savoir-faire que les enfants doivent absolument posséder et les pousse (push) auprès des enfants. C’est ce qu’a fait l’école traditionnel en poussant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul, etc.
  • La méthode pull : l’enfant apprend ce qu’il veut, quand il le veut et à son rythme. C’est l’enfant qui va chercher ou “tirer” (pull) les connaissances ou les savoir-faire.

On peut ainsi catégoriser les pédagogies/écoles selon une matrice Push-Pull :

la matrice Push-Pull des pédagogies et écoles

L’école traditionnelle — elle a choisi un socle de savoir et de savoir-faire qu’elle inculque aux enfants avec peu d’efficacité (j’en discutais plus haut).

Les pédagogies Freinet et Montessori — elles ont été mises au point au cours de la première moitié du XXème siècle. Sans rentrer dans les détails, elles ont permis une meilleure assimilation des apprentissages scolaires grâce à beaucoup plus d’autonomie, des expériences d’apprentissage physique et matérielle (remplaçant les cahiers d’école et les cours au tableau et à la craie), un mélange des âges, des ateliers libres et davantage de collaboration entre les enfants.

Les pédagogies inspirées des neurosciences — elles reposent globalement sur les mêmes principes que Montessori et Freinet. En réalité, les neurosciences ont permis de valider beaucoup d’intuitions de Freinet et de Montessori, 60 ans plus tard — ce qui est fascinant je trouve. De telles pédagogies permettent enfin de bâtir une école Push sur des bases scientifiques et cognitives.

Les écoles libres (Sudbury Valley School, École Dynamique, etc.) — dans ces écoles, les enfants y font ce qu’ils veulent. Il n’y a plus de classe, plus d’horaires, plus de programme. Je les détaille un peu plus bas.

Le hackschooling — c’est à mi-chemin entre l’école à la maison et l’école libre à la manière de la Sudbury Valley School. Contrairement à cette dernière, il n’y a pas un lieu de rassemblement mais plutôt une communauté qui s’organise. Le Hackschooling est un terme inventé par les parents du jeune Logan LaPlante, dont la vidéo TED est époustouflante. Il y a 4 grands thèmes autour de laquelle s’articule cette approche :

  • L’apprentissage de la créativité
  • L’acquisition de connaissances - principalement en ligne
  • Les sorties en pleine nature et des activités en plein air
  • Le mix corps-esprit avec des cours d’alimentation, de gestion du stress et d’apprentissage du bonheur

Les fondements des nouvelles écoles

Qu’elles soient push ou pull

Jules Ferry

Même si toutes ces nouvelles pédagogies et ces écoles innovantes sont assez différentes les unes des autres, elles ont certains points en commun qui les différencient de l’école traditionnelle et qui les rendent plus efficaces :

  • Elles offrent davantage d’autonomie et de liberté à l’enfant. Dans une classe Montessori, les ateliers sont tous à disposition des enfants. L’enfant choisit ce à quoi il veut s’adonner ; il est ainsi plus impliqué et plus attentif. Sa vitesse d’apprentissage est ainsi décuplé
  • On y mélange les âges. Dans les classes maternelles Montessori on mélange les enfants de 3 ans avec les enfants de 6 ans. Dans l’école Dynamique, une école libre, on y mélange parfois les enfants de 6 ans avec les adolescents de 16 ans. Ça permet aux enfants de développer un meilleur système d’entraide, d’éviter les comparaisons douloureuses, de développer une empathie multi-âge et d’apprendre à vivre dans une communauté beaucoup plus à l’image de la société
  • L’état d’esprit des profs et encadrants est orienté-résultats et tourné vers l’enfant. C’est un état d’esprit que l’école classique a peu adopté et c’est selon moi une des raisons majeures pour lesquelles l’école et les profs ont peu progressé en 50 ans. Quand un prof traditionnel distribue des mauvaises notes, il se dit que ses élèves ont peu bossé et qu’ils ne sont pas bons. Quand un prof moderne distribue des mauvaises notes ou quand il voit qu’un élève ne comprend pas, il se remet en question. Cette différence est fondamentale
  • Les ateliers pratiques, les projets concrets et les activités ont remplacé le tableau et la craie. Les neurosciences ont montré que les activités, les jeux et les projets permettaient une meilleure assimilation des connaissances. De plus, comme le plaisir que les enfants y prennent est plus grand, le niveau d’encodage cérébral est meilleur. La prise de plaisir permet aussi de rentrer dans l’état de “Flow”, qui est le terme inventé par le psychologue des enfants Mihaly Csikszentmihalyi pour décrire cet état qu’on vit quand on ne voit pas le temps passé tellement on était absorbé par une activité. Il a été démontré que cet état permet une forte progression et une forte assimilation des compétences
  • On y respecte les rythmes de chacun. Chacun apprend à son rythme et c’est très important. Finalement, seul l’enfant est capable intuitivement d’adapter son apprentissage à son propre rythme, à son énergie ponctuelle, à ses envies et à ses humeurs. Il apprend au passage à s’écouter et c’est de cette manière qu’il pourra progresser sereinement et dans un meilleur respect de sa nature
  • La posture vis-à-vis de l’enfant est plus horizontale et moins autoritaire/verticale
  • L’approche est souvent plus “orientée-projet” que “orientée-compétences” ou “orientée-bulletin”. Dans une école traditionnelle, on apprend plein de choses sans savoir à quoi ça sert. On demande aux enfants un effort qui est même dur pour un adulte : se passionner pour de la connaissance brute - c’est l’idéal latin de la connaissance pour la connaissance. Dans la vidéo où le jeune Logan présente son expérience de Hackshooling, il y raconte combien il est passionné de ski et de glisse. On y apprend qu’il tient un blog sur le sujet et qu’il a rencontré un fabricant de snowboard pour apprendre lui-même à en faire un. Du coup, l’écriture devient naturelle et plaisante, puisqu’elle est au service de quelque chose qui lui plaît. Par ailleurs, il apprend les maths et la physique des matériaux soutendue par la fabrication d’une planche de snow. On appelle cette approche l’apprentissage orientée-projet

Céline Alvarez

La reine de la méthode Push en France

Céline Alvarez

Céline Alvarez a un jour découvert un chiffre alarmant : 40% des élèves français qui entrent au collège ne maîtrisent pas les bases fondamentales de la lecture, de l’écriture et des mathématiques (selon un rapport du Haut Conseil de l’Éducation en 2012). Il se trouve que ces mêmes 40% parviennent rarement à rattraper leur retard par la suite. Hantée et révoltée par ce constat, elle décide de s’attaquer à ce problème colossal, refusant d’admettre que ces 40% puissent être une fatalité. Elle découvre alors les travaux de Maria Montessori d’une part, et les neurosciences appliqués à l’éducation d’autre part. C’est une révélation : elle décide de bâtir une pédagogie reposant sur des bases scientifiques, et non plus selon des intuitions ou des idées finalement arbitraires.

Elle infiltre alors l’Éducation Nationale pour y ouvrir une école maternelle d’un nouveau genre dans une zone d’éducation prioritaire à Gennevilliers, une banlieue proche de Paris.

Malheureusement, son projet a été arrêté au sein de l’Éducation Nationale pour des raisons politiques absurdes puisque son école avait des résultats extraordinaires, en théorie incontestables puisqu’elles les mesurait selon des procédés éprouvés et approuvés. Des enfants de 3 ans qui avaient un retard d’un an par rapport à la moyenne finissaient par le rattraper et par le dépasser largement. Elle nous raconte son expérience et son approche dans son fameux TED talk et dans cette récente vidéo du 27RueJacob - pour les grands fans dont je fais partie.

Aujourd’hui, Céline a rebondi admirablement en mettant en ligne des vidéos pédagogiques à destination des profs de maternelle et des ATSEM afin que ces derniers puissent mettre en oeuvre la même pédagogie, les mêmes méthodes et le même matériel dans leur propre classe.

La révolution Push est en marche.

Cette initiative est un très bon exemple d’école Push qui fonctionne (enfin). Elle joue le jeu de l’école traditionnelle en prenant le même parti d’inculquer à peu près le même “programme” aux enfants, aux mêmes âges : comme l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des maths élémentaires dès 6/7 ans.

Ramïn Farhangi

Le roi de la méthode Pull en France

Ramïn Farhangi

L’approche de Ramïn Farhangi est encore plus radicale et plus étonnante. Ce dernier s’est inspiré de la Sudbury Valley School, fondée en 1968, qui est une école incroyable où les enfants font ce qu’ils veulent toute la journée. Aujourd’hui, il y a 40 écoles de ce type dans le monde entier. Ramïn vient de fonder la première école de ce type en France ; elle s’appelle l’école dynamique et se trouve au sud de Paris.

Les enfants y sont mélangés de 3 à 16 ans, sans classes, sans horaires, et sans programmes. Les enfants participent à la vie de l’école et aux prises de décision.

Je vous invite à regarder son TED talk qui est décoiffant :

Ces écoles soulèvent beaucoup de questions et beaucoup de vives réactions. Quand j’en parle à mon entourage, leur premier réflexe est : “c’est n’importe quoi” ou “c’est pas sérieux”. C’est compréhensible parce que ces écoles représentent un changement de paradigme et une remise en question profonde de tout ce qu’on connaît en matière d’éducation et d’apprentissage.

Néanmoins, ces écoles sont très sérieuses. Contrairement à l’idée reçue, “être libre” de faire ce qu’on veut toute la journée est très difficile, beaucoup plus que de suivre un planning et un programme scolaire huilé comme une horloge suisse. Être libre de ses actions force à beaucoup d’autodiscipline, à mieux se connaître et à se construire son propre système de valeurs. Des élèves qui sortent de ces écoles savent très bien s’auto-gérer et ne sont pas, par exemple, perdus à l’université, quand les étudiants traditionnels disent être désorientés et manquer terriblement d’encadrement.

Est-ce qu’il y a un risque pour que votre enfant joue toute la journée aux jeux vidéos ? Oui, même si c’est loin d’être une fatalité. Et puis c’est une bonne chose. Parce que de toute manière, c’est ce qu’il fera dès qu’il ira à l’université et qu’il sera livré à lui-même. Alors, autant qu’il le fasse le plus tôt possible et sans culpabiliser. Cette phase lui passera d’autant plus vite qu’il y aura le droit de s’y adonner et qu’il sera dans un environnement bienveillant. Et peut-être que cette phase ne lui passera pas, et qu’il deviendra un grand joueur épanoui qui gagnera de sommes d’argent considérables, comme aux tournois Dota 2 - on parle de plusieurs millions d’euros, beaucoup plus que je gagnerai en une vie, moi qui ai fait une des écoles d’ingénieur les plus “prestigieuses” de France. De plus, les jeux vidéos sont d’excellentes plateformes d’apprentissage : on y développe son sens de la stratégie, ses réflexes, sa persévérance, son sens de la collaboration, son agilité de calcul, sa concentration et des fonctions cognitives élémentaires.

Dans ce reportage sur la Sudbury Valley School (SVS), on y découvre plusieurs témoignages dont celui d’un ado qui raconte avoir passé 4 ans à la SVS. Il a effectivement joué pendant 1 an aux jeux vidéos. Au cours de sa deuxième année, il a voulu développer ses compétences en musique pour finalement se rendre compte qu’il aimait ça mais qu’il ne voulait pas en faire son métier. Les deux dernières années, il a continué à faire de la musique et à s’intéresser aux neurosciences appliqués à la musique. Il a ensuite décidé par lui-même d’intégrer une université pour y apprendre les neurosciences.

Un tel parcours initiatique est effectivement chaotique. C’est nécessaire, et c’est beaucoup plus naturel que de suivre un chemin tracé d’avance sans savoir si ça nous correspond, sans avoir fait d’erreurs, sans avoir essayé de nouveaux chemins et sans avoir connu d’échecs.

Par ailleurs, les enfants y apprennent à leur rythme, ils y apprennent à être créatif, à s’écouter. Contrairement à toute attente, ils s’insèrent aussi très bien dans le monde du travail et dans la vie extérieure à leur école.

Je prends le pari qu’une telle école sera un très bon moyen de préparer les enfants au monde qui les attend : un monde où 80% des métiers qu’on connaît aujourd’hui vont disparaître, un monde où 80% des futurs métiers sont inconnus à ce jour, un monde où seule la créativité et le divertissement ne seront pas remplacés par une intelligence artificielle, un monde où on aura peut-être 3 métiers en même temps, un monde connecté et social où l’empathie et la collaboration seront incontournables.

A propos de l’auteur, Nouhad Hamam
Je suis un hacker de créativité. La mission qui m’anime est de rendre les gens plus créatifs, et c’est l’objet de la newsletter bimensuelle des Kréatifs.
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Nouhad Hamam
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Consultant et intervenant en créativité certifié, avec une vocation : rendre les entreprises et les personnes plus créatives. www.nouhadhamam.com