Innovation, Transformation, Digital et modes de dispersion #opus1

Fabrice Tranier
Hack40
7 min readApr 8, 2019

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Hack40 évolue depuis 5 ans dans l’antichambre des projets de transformation d’entreprise et il nous semblait intéressant de faire le point sur les dispositifs en vigueur et les effets de bord d’un monde économique en bouleversement qui cherche à tester de multiples solutions et à surfer la vague pour trouver son destin. Comme à chaque printemps, on voit émerger de nouvelles formes de transformation en se posant la même question : est-ce durable ? est-ce vertueux et profitable à la nature ?

Opus 1 : Les nouvelles formes d’organisation pullulent comme les bourgeons au ….

Les CDOs

Au début (désolé pour ceux qui actent le début du chaos à l’ère de l’informatique) c’était le digital et ces CDOs dont la mission était d’infuser les usages du digital dans l’entreprise. Transformation digitale ! Certains s’érigeaient en guides spirituels d’un nouveau monde “nos futurs clients, les millenials utilisent twitter, facebook, snapchat, instagram et toutes les plateformes E-commerce … il faut que nous y soyons” et puis on a vite compris que tout cela allait s’arrêter à diffuser en interne des outils comme “Yammer” (pourquoi Microsoft? est-il un GAFA ?) animer des communautés en créant le maximum de cercles (quel bordel ! avec aucun réel échange au bout de 6 mois) et faire des talks (du matin au soir, en interne ou sur de belles scènes ou devant le board) sur l’histoire des belles startups et leurs rencontres (les faire pitcher sans cesse et leur donner 10K€ pour un POC en contrepartie). Les salariés reprenaient le travail le lundi en attendant la prochaine re-org. Autant d’énergie dépensée plutôt que de s’inspirer de la culture inhérente à une startup et d’affronter le management en silo pour les convaincre d’investir beaucoup … beaucoup plus de leur personne (mode de management et de décision) dans la transformation. J’entends encore le discours de présentation de la stratégie 2018 Carrefour qui pose en levier de croissance un partenariat avec Tencent pour sauver le navire (oui oui le géant chinois qui absorbe tout sur passage) ou celui de LVMH dicté par un ancien d’Apple (magnifique coup marketing, toujours n°1 dans l’évènementiel).

Corporate accelerators et Programmes Intrapreneurs

C’est en parallèle que l’aventure Hack40 commence, des entrepreneurs plutôt orientés business et maker, qui déploient les premiers corporate accelerators et les programmes Intrapreneurs. Le constat était simple : en tant qu’entrepreneurs qui avons dépassé à plusieurs reprises les phases de démarrage d’une startup, nous avions convergé sur le fait que développer un nouveau business à l’ère du digital était comme tout business, le bon mix entre produit à valeur pour un client, une équipe autonome motivée pour co-créer avec ses utilisateurs et des stratégies de partenariat avec de grands groupes pour faciliter la promotion, la distribution voire même le financement et accélérer sa croissance. Ces formats corporate accelerators ont ensuite grandi, se sont même aventurées à être des accélérateurs de startups externes et sont devenus pour certaines des mastodontes (pardon pour ceux qui galèrent encore à avoir un budget) qui gèrent autant le sourcing que l’accompagnement projet avec leurs mentors internes validés 100% “pur boeuf”. On a, je dois l’avouer, du mal à trouver des intrapreneurs, avec plus de 5 ans d’ancienneté dans la boîte, du mal aussi à faire évoluer année après année ces fermes de salariés qui s’écoutent parler sans avoir jamais entrepris la moindre startup de leur vie.

Les départements New Business Model

D’autres entreprises ont pris le problème de leur avenir économique à bras le corps :) ils ont constitué des départements dédiés, un silo plus terroir nommé “Département New Business model /New product /News services ….”. De quoi inspirer des mutations internes sans frais ou des recrutements de jeunes cadres un peu funky avec un P&L connu : un centre de coûts et des résultats peu impactants.

Les labs

Dans la catégorie dispositif light, nous rencontrons aussi des Labs, laboratoire ouvert sur l’extérieur pour repérer, étudier les phénomènes d’innovation par les startups ou tout autre organisme proposant un concept d’avenir en lien avec le secteur d’activité de l’entreprise. Déployé en mode virtuel (l’équipe a un bureau dans l’entreprise) ou via un lieu showroom, c’est le bon moyen de montrer à ses partenaires et clients que l’entreprise est dans le coup prête à …. je ne sais pas vraiment quoi mais elle est prête. Derrière : délégations VIP et learning expéditions mais surtout pas d’acculturation ou de formats de co-création.

L’IT

Et l’IT, la DSI du groupe qu’a-t-’elle fait ? Et bien en soldat sérieux au service de l’entreprise elle s’est engouffrée dans le monde des factories, des startup studios, des hackathons de codes endiablés et des pizzas parties. La pauvre essaye d’incarner l’agilité tout en portant sa croix au quotidien : une énorme dette technologique (comme d’ailleurs a toute startup de plus de 10 ans) des retards à annoncer, à justifier et des partenaires encombrants (éditeurs de logiciel historiques très chers). Dès qu’une “Squad” essaye de travailler un nouveau projet en mode startup avec des équipes métiers elle se fait toujours rattraper par la patrouille au moment de la mise en production : compliance, sécurité, documentations, tu vas prendre 12 mois dans la vue…. Comment peut-on amorcer des transformations profondes avec des contrats annuels en licence logiciel et matériel qui prennent plus de 50% du budget ?!?! Aux dernières annonces du club des DSI, peut être que la coupe serait pleine et que le monde de l’open source deviendrait un chemin libérateur. BRAVO! Les chapelles des frameworks à 600K€ la licence et des certifications payantes en tout genre qui n’en finissent pas d’être passées vont pouvoir enfin voler en éclat.

L’innovation

Et le printemps de l’Innovation, le bras armé de l’ex R&D jugée trop fermée et pas assez rapide dans ses résultats, qu’en est-il ? L’innovation s’est immiscée peu à peu, au début sans faire de bruit et puis boom, elle s’est scindée en deux mondes. Tout d’abord l’innovation interne dont la mission est plurielle : diffuser une nouvelle culture, un nouveau modèle de développement et sensée faire émerger de tous les départements des solutions à fort potentiel de valeur pour l’entreprise… une sorte de facilitateur et de haut parleur pour qu’en haut lieu on puisse décider d’investir plus vite sur telle technologie ou tel nouveau produit. A-t-elle trouver son graal, sa place ? Ou va-t-elle se faire dévorer par tous les managers qui essayent d’innover depuis longtemps à leur frais sans avoir reçu un échos très positif de leur hiérarchie … C’est là que l’Open Innovation est arrivée, épaulée par des fonds issus du Corporate Venture (une entité qui gérait par le passé plus l’épargne de l’entreprise, cf un article pertinent de la Harvard Business Review, qu’un réel investissement externe aligné sur la stratégie). Participation dans des accélérateurs de startup, sponsoring des meilleurs incubateurs, messages de communication dans tous l’écosystème startup : “Nous sommes là et nous voulons investir sur vous startup nation”. Magnifique, les startups partent à la rencontre de ces dispositifs et POC après POC, meeting après meeting, elles se retrouvent freinées quand il faut les intégrer dans les services opérationnels de l’entreprise. Malheur ! On a toujours pas formé les collaborateurs à travailler avec des startups. Sur le papier la chaine de valeur était claire et le partenariat signé sans faille … fallait-il penser que ce sont les collaborateurs des entreprises en bout de chaine de la transformation qui allaient travailler avec elles et vendre ces solutions. Je me rappelle du constat d’une banque prestigieuse qui m’avouait : moins de 15% de nos startups partenaires sont réellement intégrées à nos business aujourd’hui avec des profits (gain de productivité ou nouveaux revenus) pour eux autant que nous.

Alors pourquoi avoir créé autant d’entités si différentes et à la fois unis par cet objectif de transformation ? Pourquoi avoir cloisonné des sujets au nom de la nouveauté ? Pourtant le marché mondial devient hyper concurrentiel et les US autant que la Chine ont compris que les leaders de demain se construisent aujourd’hui en prenant tous les risques. Et nous, nous devrions nous embourber dans des problèmes politiques, des guerres d’ego, des freins humains et des nouvelles chapelles qui émergent. NON

Ce que je retiens de ces rencontres et de ces projets menés avec passion pour créer et générer une transformation profonde que ce soit organisationnelle, managériale, business ou de relation avec l’extérieur, ce sont des principes qui amènent des victoires à court terme, des victoires essentielles pour convaincre et étendre des pratiques et des postures à l’ensemble d’une entreprise :

  • Restez ouvert sur l’extérieur même si vous pensez avoir trouvé la vérité car vous avez besoin d’être challengé et de vous remettre en cause régulièrement
  • Une bataille remportée ne veut pas dire que la guerre est gagnée
  • Ne devenez pas, même si cela est facile, un ayatollah de votre transformation, un guru qui dicte ses vérités, vous n’êtes qu’une étape, un aiguilleur.
  • Trouvez la balance entre acculturation de tous les collaborateurs et missions commandos pour trouver le projet pépite, le nouveau gisement de valeur
  • Ne passez pas trop de temps et d’argent à prospectiver sur le futur : c’est de la science fiction pour amuser les spectateurs et pas de la valeur pour que vos clients restent avec vous et que de nouveaux souscrivent
  • Partez de vos assets et de vos pain points sur le terrain pour construire pas à pas l’avenir plutôt que de donner un discours ambitieux que tout le monde va prendre pour de l’imposture
  • Pensez monde ! pensez que les compétiteurs sont déjà entrés sur votre marché et qu’ils savent que vous êtes lent à décider, que vous êtes divisé sur les moyens à mettre en oeuvre
  • Pensez écosystème ! soyez fier de vos partenaires et ouvrez leurs vos portes pour ne faire qu’un … brandir votre marque historique et les réduire au silence par contrat ne fera que les faire partir vers vos concurrents au moindre conflit d’intérêt.

Si vous avez apprécié la franchise et la lucidité de cet article et marque de fabrique du Hack40, restez connecté car le second opus va traiter des méthodes de la transformation et des dogmes que certains érigent comme une finalité et non un moyen pour arriver à ses fins.

Fabrice Tranier — co founder Hack40

Ex Co founder Kappa Valor, CTO Regime Coach, COO Digital Virgo, Mentor pour Numa, Schoolab, Ticket for Change & Techstars.

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Fabrice Tranier
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