Peut-être qu’être trans n’est pas une erreur
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Le fabuleux texte original est de Sam Dylan Finch, en ligne ici. Je l’ai traduit et adapté à mon identité, pour pouvoir le lire en public, et partager le plus largement possible une belle histoire de transition.
Je prends des hormones depuis deux mois. Et bien que je ne crois pas à la destinée, ou à un design intelligent, rien dans ma vie ne m’a semblé plus proche du destin que ça.
Il m’arrive de me dire “J’étais faite pour ça”. Quand je me rencontre dans le miroir, et je ressens cette extase palpable qui traverse mon corps comme de l’électricité, je suis convaincu que c’est la vérité — ma vérité.
Je n’ai jamais rien savouré, je n’ai jamais rien aimé aussi profondément que ceci : ma peau, les contours de mon visage, les formes et les odeurs et l’énergie érotique qui tourbillonne dans ma tête.
Il m’arrive de dire “C’est bien”, et mes ami·e·s me regardent, étonnées et heureuses, comme si j’avais dit la chose la plus évidente du monde, et à chaque fois ielles me répondent : “Oui Jena, je vois”.
Deux mois d’hormones. Même si ce n’est pas le destin, je suis exactement là où je devrais être.
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Vous connaissez la sensation de tomber amoureux ?
Quand votre monde est soudainement plus grand, plus brillant, magnifique comme il ne l’a jamais été avant ?
La transition est comme tomber amoureux de manière lente et continue. Chaque jour je me vois plus clairement, et je ressens l’amour de façons que je ne connaissais pas ; je trouve des fleurs là où elles n’avaient jamais poussé avant.
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À l’université, j’ai lu un livre sur le concept de “mort lucide” dans le bouddhisme tibétain : c’est l’idée que si nous sommes assez éveillés, nous pourrions rester conscient lors de notre fin, pendant la transition de la vie à la mort.
Ma transition, dans le genre et pas dans la mort, m’a donné une sorte de clarté d’esprit. Je me sens conscient du moindre recoin de mon corps. Je le jure, parfois je peux sentir la chorégraphie de mes cellules lorsqu’elles grandissent et se divisent.
Et je commence à me demander si mon corps n’était vraiment pas le bon. Peut-être que cette transition est une sorte de cadeau. Le don de lucidité, peut-être. Une sorte de connexion entre le corps et l’esprit qui est tellement rare, que certains d’entre nous passent leurs vie sans jamais la connaître.
Peut-être que la douleur de la transidentité n’est pas le hasard du chaos de l’univers, ni ma honte ni mon erreur, mais au contraire, les signes d’une plus grande conscience.
Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis “éveillée”, mais j’ai les yeux grand ouverts.
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Une vendeuse m’a prise pour un homme, l’autre jour, et j’ai ri.
J’ai ri !
Je n’avais jamais ri d’être mégenrée jusque là. Mais à cet instant, quand elle a fait l’erreur, j’ai trouvé ça drôle, parce que, j’ai pensé : “Mais, elle ne voit pas comme je scintille ? Elle ne ressent pas ce que je ressens ?”
J’aurais juré, pourtant, que la lumière que je porte en moi pouvait être vue depuis l’espace.