Je suis chez moi, et je le reste ! — La lecture

Martin Angleys
Heetch
Published in
7 min readApr 7, 2020

C’est notre bon président qui nous l’a dit: “occupez-vous des proches qui sont dans votre appartement, votre maison ; donnez des nouvelles, prenez des nouvelles, lisez”.

Voilà la 4ème semaine de confinement.

On a déjà épuisé tous les sujets de conversation avec ses colocs (pour ceux qui ont la chance de ne pas être seuls); on a fait un ménage de printemps dans son appart (et redécouvert des fonds de placards aussi sauvages que le fond de l’Amazonie); on a ré-agencé tous les meubles de son salon deux fois (en regardant des tutos FengShui et les meilleurs conseils de Valérie Damidot sur Youtube); on a enfin appelé mamie (ça faisait quatre mois qu’on s’était promis de le faire); on a fait 300 visio-apéros avec des camarades de jeu (et fini seul devant son ordi, un peu coupable); on a installé Discord, Zoom, Slack, House Party, créé des groupes WhatsApp, partagé nos meilleurs memes 3/4; on a re-regardé l’intégrale The Office US, du Burger Quizz, de Bojack Horseman, de Rick&Morty, de The Leftovers, des Ratz (merci Netflix)

Alors il faut se rendre à l’évidence, on n’a plus d’excuse pour ne pas lire.

Cette pile de livres “pour plus tard” qui s’entassent sur la commode, ce prix Goncourt qu’on aimerait quand même avoir lu pour paraitre intelligent la prochaine fois que ça parle culture, ces recommandations d’amis qu’on a mises à tout hasard dans une note de son téléphone pour se donner bonne conscience..

Alors, que lire dans cette période de confinement, (il parait que vous avez déjà tous acheté La Peste de Camus)?

1. Manuel d’education punk — L’école à la maison Miriam & Ezra Elia

Pour commencer en douceur, avec autant d’images que de pages écrites, une petite merveille parmi les pédagogies alternatives pour toutes les personnes confinées avec des bambins — ou tous ceux atteints de dysexlie ou de didaskaleinophobie.

Vous suivrez les journées de John, Susan, de leur maman et leurs questionnements autour des mathématiques, la philosophie ou l’art. La méthode proposée a pour ambition de “réduire pas à pas des milliers d’années de progrès incrémental à néant”. Efficace, elle lobotomisera le cerveau de votre chérubin le plus érudit.

Une exploration qui permettra aux initiés de consolider leurs libres appréciations des canons arbitraires de la société et aux autres d’apprécier les punchlines de maman parfaite représentante de l’idéologie punk, la crête et le cuir en moins.

Parce qu’un petit aperçu est parfois plus parlant qu’un long discours (et parce qu’on ne va pas utiliser plus de mots dans la description que n’en présente ce petit chef d’oeuvre) :

2. La vie secrète des arbres Peter Wohlleben

Un livre sur les arbres, ça vous branche ? (poinpoinpoinpoinnnn)

Un peu plus costaud que son prédécesseur, la vie secrète des arbres nous invite à entrevoir ces grosses plantes ligneuses comme des entités vivantes capables de communiquer, se reproduire, nouer des relations, entre autres choses. On apprend à considérer chaque gros tronc noueux comme un vieux sage (Pocahontas, sort de ce corps !), chaque forêt comme une société organisée, chaque arbre citadin comme un orphelin coupé de sa famille.

L’auteur avant d’être un sacré conteur a passé plus de 20 ans comme ingénieur forestier en Allemagne — où la forêt recouvre approximativement un tiers du territoire — de quoi appuyer ses métaphores filées d’observations scientifiques et d’anecdotes authentiques. Ode à la nature, ce récit engagé pourrait vous amener à envisager votre bien aimée övraryd dans la cuisine comme un sacrifice sur l’autel du dieu Ikea.

En cette période où même les plus casaniers se mettent à rêver de grands espaces, on n’est pas loin de rejoindre une communauté d’activistes Tree Hugs ou de ressortir son costume d’avatar pour aller se connecter aux plantes à notre sortie (avec un peu de chance le confinement durera assez longtemps pour dégainer une tresse digne de ce nom avant échéance).

3. Utopies Réalistes Rutger Bregman

Dans son dernier livre, Laurent Alexandre nous propose de jouir.

Super programme! Jouir c’est cool, j’aime ça. Pas la peine de culpabiliser, de prêter l’oreille aux dangereux prophètes de malheur (les collapsologistes), de changer notre façon de vivre, d’avoir peur du changement climatique (mais faire bien attention à la méchante Greta Thunberg).

C’est vrai que c’est rassurant comme discours, fini le discours anxiogène et moralisateur des écolos en sarouel qui nous les brisent avec leur steak végétarien. Néanmoins, venant de quelqu’un qui annonce dans son livre que “l’écologie comme science est morte”, on est en mesure de se poser quelques questions sur le monsieur.

Dans le bordel actuel, on aimerait voir du positif. Certains pensent déjà à “l’après-coronavirus” (Yuval Noah Harari, entre autres), on est paumés. Donnez nous un peu d’espoir s’il vous plait, on peut jouir ou pas ? La situation actuelle est une opportunité unique pour questionner le système, soudainement tout le monde applaudit le personnel hospitalier, qui gueule depuis des années pour avoir plus de moyens. C’est l’occasion de réfléchir à la façon dont on vit ensemble.

Ce livre de Rutger Bregman part du postulat de base que les grandes avancées sociétales sont toujours des doux rêves avant d’être réalité, et qu’il faut chérir ces idéaux. Il propose donc d’aborder de manière pragmatique des idées qui semblent trop belles pour être vraies. Des idées trop utopiques pour être crédibles lorsqu’elles sont abordées dans le débat politiques:

  • En finir avec les frontières
  • Travailler quinze heures par semaine
  • Mettre en place le revenu de base universel
  • Trouver un toit à tous les sans abris

D’une ville canadienne qui a totalement éradiqué la pauvreté à l’histoire d’un revenu de base pour des millions d’Américains sous Richard Nixon, Rutger Bregman se base sur des exemples concrets d’expérimentations qui ont réellement eu lieu (true story). Il traite ces sujets de manière sérieuse, sans tomber dans la naïveté et toujours en nuançant son propos et les résultats obtenus. C’est un livre historique et politique.

A une époque où l’on ne croit plus trop à la politique, où il est tentant d’être pessimiste pour l’avenir, son enthousiasme (justifié et sourcé) fait terriblement plaisir à lire. Il nous propose une vision alternative crédible sans nous inviter à “jouir” de manière irresponsable et climatosceptique. On termine le livre convaincu que des changements sociétaux drastiques sont possibles à court-moyen terme. Ça fait plaisir.

4. Nouvelles (Tomes 1, 2 et 3) Richard Matheson

Les bouquins d’intello c’est bien, mais les nouvelles qui font peur c’est sympa aussi.

Richard Matheson est un monstre de la science-fiction et du fantastique, il a travaillé pour Hollywood comme scénariste et beaucoup de ses oeuvres été adaptées au cinéma : Je Suis Une Légende, L’Homme Qui Rétrécit, Duel (le premier film de Steven Spielberg)… Il est souvent comparé à Stephen King.

Ces trois recueils de nouvelles proposent des histoires qui explorent les peurs humaines, avec des chutes parfois téléphonées, parfois surprenantes. Parfois c’est fantastique, parfois on ne sait pas, le mystère règne et ne pas tout comprendre fait partie du jeu.

Le style varie énormément d’une nouvelle à l’autre, il est impressionnant de concision, en quelques pages on est transporté dans des ambiances criantes de vérité. Les thèmes sont très divers, il y en a pour tous les goûts. Quelques exemples:

  • Un homme est suivi par un mystérieux camion sur une route des US, qui se transforme en inexplicable course poursuite haletante
  • Une femme et son mari reçoivent une boite avec un bouton : s’ils appuient dessus ils recevront 50 000 $ et quelque part dans le monde, quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, mourra.
  • Un homme part à la recherche de l’origine de toutes les histoires drôles, et tombe sur une étrange organisation

C’est parfait avant d’aller se coucher, une petite histoire avant de dormir (qui se transforme rapidement en deux ou trois ou quatre…)

Lisez bon dieu

Au final, qu’importe ce que vous lisez, prenez le temps de lire. De toutes façons, on n’a pas grand chose de mieux à faire. Lisez Guillaume Musso, lisez Fifty Shades of Grey, lisez la notice de votre grille pain qui traîne dans le placard à côté de la hotte (“au cas où”), lisez ce que vous voulez.

Lire ça demande de prendre le temps, ça demande d’être concentré pendant plus de 3 minutes d’affilée sans se faire aspirer par son méchant fil insta, et ça c’est compliqué.

Lire ne serait-ce que 10 minutes le matin et 10 minutes le soir c’est déjà cool, mettez vous des objectifs atteignables et quotidiens.

Un mot sur l’écriture

Les amateurs de rap le savent, écouter des grosses tracks donne envie de poser des énormes punchlines à la manière d’un Hugo TSR ou d’un Seth Gueks. De la même façon, lire donne envie d’écrire. Alors lisez, parce que c’est le premier pas vers l’écriture.

Ecrire c’est se promener dans son cerveau façon explorateur, écrire c’est structurer la pensée.

Qu’importe le format, qu’importe la qualité, qu’importe le message. Ecrivez un journal intime avec vos pensées superficielles sur la journée écoulée, ou vos pensées profondes métaphysiques, écrivez une lettre à vos potes, écrivez un article Medium que personne ne lira, écrivez un poème, écrivez une fanfiction de Twilight même si ça vous chante.

Ecrivez sans ambition, écrivez des brouillons, effacez et recommencez, écrivez égoïstement, écrivez pour vous, écrivez des trucs nuls, écrivez pour voir ce que ça donne. Il pourrait en sortir quelque chose d’intéressant, et si c’est pas le cas, on s’en fout.

Feuille blanche, un terrain Groenland. Une piste de danse ambulante pour faire swing-swinguer les idées

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Et n’oubliez pas, pendant la crise #JeResteChezMoi

Louise (Backend Dev @ Heetch) et Martin (PM @ Heetch)

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