Comment redonner envie aux jeunes de sortir de chez eux ?

Monelle Barthélemy
Jam by June Marketing
5 min readOct 17, 2018

Article initialement publié sur France 24 (par ici), rédigé par Émilie LAYSTARY.

La perception qu’ont les jeunes de la nature et des activités “outdoor” semble avoir évolué ces dernières années. Comment les inciter à nouveau à sortir de chez eux ?

“Certains jeunes ne savent plus quoi mettre dans la case ‘Hobby’ de leur CV et se retrouvent à inscrire ‘Instagram’ et ‘Snapchat’…”, se désole Monelle Barthelemy, qui travaille chez le chatbot Jam, vendredi 5 octobre alors qu’était présentée à Annecy une vaste étude sur les jeunes et les activités outdoor.

Menée par l’agence PopRock durant 5 mois, cette enquête est le fruit d’une soixantaine d’entretiens individuels, de questionnaires auxquels plus de 10 000 jeunes ont répondu via Jam, ainsi que de journées d’immersion auprès de la communauté des 15–25 ans. Quelle perception a la jeunesse des sports à faire en extérieur ? Comment envisagent-ils la nature ? Quels imaginaires associent-ils au grand air ?

Alors que le cap des 10 000 heures d’écran est passé à la pré-adolescence et que la culture de l’immédiateté du monde connecté est devenue la norme, quels sont les leviers pour pousser les adolescents et jeunes adultes à passer du temps dehors ?

“Avant 18 ans, les activités des jeunes dépendent en grande partie de ce que leurs parents leur font faire. Après 25 ans, les amateurs d’activités outdoor reviennent. Mais entre les deux âges, où sont-ils ?”, interroge Laureline Chopard, de l’agence PopRock, sur la scène du festival High Five. Pour celle qui a travaillé sur l’étude “Tout le monde dehors”, il est évident que c’est à cet âge-là qu’il est important de montrer aux jeunes toutes les potentialités de la nature. Car sans efforts déployés de la part des acteurs de l’industrie outdoor et des personnels pédagogiques, “dehors” continuera à être synonyme de “danger”.

“Dehors”, une notion qui perd du terrain

Alors que 75 % de la population de l’Union européenne vit désormais en ville et que chaque seconde qui passe, le continent européen perd 31m² d’espaces naturels, la place de l’environnement extérieur dans l’imaginaire collectif est rudement mise à l’épreuve. “Quand tu grandis en ville, tu reçois plein de messages qui te disent que dehors, c’est dangereux : “Ne traverse pas la route, “tu pourrais te faire agresser”, “c’est sale”, “ne rentre pas trop tard après le sport”, égrène Loïc, 27 ans, un jeune adulte interrogé sur la perception du dehors qu’il a été amené à avoir quand il était adolescent.

Selon le chatbot Jam qui a discuté avec près de 10 000 jeunes, une majorité d’entre eux (53 %) ont “tendance à rester chez eux” plutôt que sortir lorsqu’ils ont du temps libre. Il faut dire que le nombre de moyens d’être “connectés au monde extérieur tout en restant à l’intérieur” a augmenté. Jeux en ligne, plateformes de partage de contenus sur Internet, massification de la possession de smartphones avec une connexion 4G… Comment peut-on encore donner envie aux adultes de demain de passer du temps au vert ? Les acteurs du tourisme alpin regrettent ainsi que les jeunes vivant à la montagne sont de plus en plus nombreux à se détourner du ski. Or, des jeunes qui n’aiment plus skier, ce sont aussi de futurs parents qui n’emmèneront pas leurs enfants aux sports d’hiver. “En sautant une génération, on court le risque de perdre le fil…”, commente Laureline Chopard. La suppression de nombreuses classes de neige et déplacements scolaires en classes vertes n’aide pas à endiguer cet effondrement des activités outdoor chez la jeunesse.

Le rôle des infrastructures sportives en bas de chez eux

Toujours selon l’enquête “Tout le monde dehors”, la simplicité d’usage est un véritable moyen de séduire un public plus large. “On se souvient par exemple de la mode des snowblades, qui était un peu ‘la trottinette du ski’ et a incité beaucoup à se mettre au ski”, exemplifie Laureline Chopard, qui exhorte à un soutien collectif de l’accès des plus jeunes à la nature et au sport. Là où Lili, une petite interviewée de 11 ans, trouve que “marcher pieds nus dans l’herbe c’est sale parce qu’il y a plein de bêtes”, il faudrait au contraire réussir le pari à lui montrer que la nature est un incroyable espace de jeu. Après tout, au Danemark, 20 % des classes maternelles sont établies en pleine nature. Un dispositif qui incite forcément les enfants à ouvrir leurs horizons.

“Moi, mon terrain de sport c’est en bas de chez moi, avec un skate-board, un ballon de foot, on joue un peu partout entre potes”, explique Timotheo, 15 ans. S’approprier l’espace urbain, voilà une façon de se connecter aux activités outdoor. Et donc, de ne pas considérer l’environnement extérieur comme un endroit à fuir à tout prix.

Multi-activité et esthétisme

S’il est difficile de demander aux jeunes de se prendre de passion tout à coup pour le ski, les randonnées pédestres ou le kayak tandis qu’ils vivent en ville, il est en revanche tout à fait possible de les séduire avec des activités outdoor simples d’accès en milieu urbain. Une première façon de libérer leur imaginaire, pour ensuite peut-être les laisser être tentés par des escapades au vert alors qu’ils grandiront.

La culture de la mono-activité semble aujourd’hui dépassée. Les pratiques sont réinventées, à l’instar du parkour couplé à de la gym (que l’on appelle freerunning) ou encore associé aux arts martiaux (pour devenir du tricking). Surtout, les jeunes ont aujourd’hui à cœur de dessiner les contours de leur identité en ligne. Dans ce contexte, la recherche de photos à partager à leur communauté est un véritable moteur à sorties, ont constaté les équipes de PopRock. Ainsi, pour la promesse d’un paysage à couper le souffle ou un hashtag communautaire bien utilisé, de nombreux jeunes pourraient accepter de chausser leurs Van’s pour faire une randonnée. À ce titre, le fait de proposer des formats d’activités courts, ludiques, proches des villes pourraient bien permettre de recruter un plus large public afin de les emmener, à terme, plus loin encore. Une réflexion que cette étude (qui sera disponible en ligne fin octobre) pourrait bien aider les pouvoirs publics et acteurs des industries de sport à mener.

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