Comment accompagner le changement dans le système scolaire ?

La situation actuelle conséquente à la pandémie nous prouve encore une fois, s’il en était besoin, que les enseignants ont une forte capacité à s’adapter. Ils sont habitués au changement. Ils ajustent constamment leur pratique aux situations ; leur leçon prévue avec les besoins de leurs élèves ou les aléas du quotidien. Les enfants s’adaptent également à chaque personnalité et mode de fonctionnement d’une période à l’autre. Ils se sont vite habitués à la situation qui leur était donnée en présence (alors que la distance a fait émerger les limites et les impératifs éducatifs de l’école). Malgré tout, la question du changement reste entière dans une visée pérenne.

Équipe HEP Vaud
Trait d’union HEP Vaud
3 min readJun 24, 2021

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Le changement dans le système scolaire passe forcément par l’intégration du numérique en classe — Crédits photo: AdobeStock

Les réponses dans l’urgence n’ont illustré qu’un besoin de retrouver une stabilité perdue. Ce désir d’homéostasie nous restreint dans nos envies de découvertes, de remises en question ou de prises de risques lorsque nous évoluons dans un environnement sûr. Cela se traduit dans les établissements par des actions où les classes s’inscrivent sur Teams dans la crainte d’une fermeture prochaine de l’école en s’assurant que les élèves sachent retrouver les consignes et retransmettre les devoirs déposés ; sans que la portée sur l’apprentissage en soit vraiment interrogée. En somme, l’action vise à maintenir l’école de la transmission en répondant par une structure pensée par l’administration, mais pas encore par les pédagogues.

De l’importance de l’école

Le malheur de la situation a cependant ouvert de nouvelles perspectives, permettant de casser l’accommodation, de réinterroger les pratiques en maintenant l’engagement formidable du corps enseignant, de redéfinir de nouvelles réalités avant que chacun ne retourne à ses habitudes confortables. Bien sûr, il ne s’agit pas de tout remettre en question. Mais les difficultés rencontrées ont été l’occasion de faire apparaître ce qui fait la force et la richesse de l’école. Un lieu où chaque élève se sent bien ; un lieu social où d’abord il retrouve ses camarades avec qui il peut échanger ; un lieu éducatif où il peut ensuite se développer ; enfin, un lieu où il peut collaborer et apprendre.

Oser le changement

Lors du confinement, nous avons su lâcher du lest sur les éléments apportant de l’anxiété (notes, redoublement), priorisant les sujets d’égalité ou d’équité, cherchant à éviter le décrochage scolaire et l’acquisition en profondeur des compétences de base. Surtout, nous avons retrouvé un lien avec nos élèves. Il serait trompeur de repartir avec célérité pour rattraper un retard sur l’idéal passé. A la place, ne serait-il pas opportun que chacun redéfinisse son interprétation du système ? Dans une récente recherche (Ruffieux 2020), nous avons montré l’importance de cette interprétation à la fois personnelle et socialement distribuée. Particulièrement dans une dynamique relationnelle entre le maître et ses élèves lorsqu’un changement de posture se produit dans la classe. La transformation passe par une phase de perte de repères. Autant l’enseignant que ses élèves doivent se réorganiser dans un système qui se modifie avec eux. C’est alors la manifestation de leur engagement qui soutient la conviction de leur enseignant à poursuivre en coconstruisant de nouvelles habitudes.

Oser désorganiser volontairement son quotidien peut représenter un danger, vis-à-vis de ses élèves, de sa direction. Le pouvoir d’agir (empowerment) peut pourtant être encouragé par cette dernière, par des incitations à tester des innovations, à éprouver des méthodes inédites et échanger sur ces expériences, tout en acceptant des retours dans la spirale du changement. Car finalement, le changement doit se vivre et viendra du terrain.

Que ce soit avec des outils numériques proposés par le département ou à travers de nouveaux espaces scolaires, l’amélioration de l’école ne se fera qu’une fois la pédagogie emparée de ces usages. Et tout l’enjeu institutionnel est alors d’identifier les différents profils d’enseignants, leur donner un cadre adapté pour qu’ils puissent s’exprimer selon leur disposition et ainsi les aider au mieux à ce que leurs intentions se matérialisent en engagement, pour finalement agir en agents du changement sur lesquels l’école pourra capitaliser, construisant ainsi une culture de l’innovation.

Philippe Ruffieux

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La Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud) propose la gamme complète des prestations de formation aux métiers de l’enseignement.