Une enquête pour mieux comprendre comment est vécue l’école à la maison

En Suisse comme ailleurs, une conséquence majeure de l’épidémie du coronavirus a été l’arrêt de l’enseignement présentiel dans les écoles. Une recherche DISPAR, réalisée en collaboration entre la HEP Vaud et l’Université de Fribourg, questionne les parents d’élèves primaire afin de mieux comprendre comment cette période d’enseignement à distance est vécue.

En quelques jours seulement, un dispositif d’enseignement à distance a dû être mis en place. Son instauration a amené enseignants, élèves, mais également parents à devoir repenser leurs pratiques et leur organisation, avec de nombreux questionnements à la clé.

Du côté des acteurs institutionnels, un souci majeur rapidement apparu, parmi d’autres, a été d’éviter que ce dispositif n’entraine un décrochage des élèves les plus fragiles et ne creuse encore les inégalités scolaires.

Tous les parents ne disposent pas des mêmes ressources

Il faut dire que la recherche a depuis longtemps montré que tous les parents ne disposent pas des mêmes moyens et ressources, que ce soit d’un point de vue financier ou organisationnel, mais également et surtout socioculturel, pour intervenir efficacement dans la scolarité de leur enfant, par exemple dans l’aide aux devoirs (Kakpo, 2012 ; Niggli, Trautwein, Schnyder, Lüdtke & Neumann, 2004 ; Rayou, 2010).

Il est notamment constaté que les parents des couches moyennes et aisées de la population se trouvent généralement mieux pourvus en vue de soutenir le travail scolaire de leur enfant dans le contexte familial, relativement aux parents de milieux socioéconomiques défavorisés et/ou issus de la migration, souvent peu familiers du monde scolaire et des normes qui y prévalent (entre autres, Conus, 2017 ; Durler, 2015 ; Kim, 2009 ; Périer, 2019).

Du côté des parents, l’introduction de l’enseignement à distance a entraîné son lot d’interrogations prosaïques quant à la manière d’intégrer cette nouvelle donne dans un quotidien familial déjà largement chamboulé par les diverses conséquences de la crise actuelle, par exemple l’extension du télétravail. À une conciliation travail-famille ébranlée par la situation actuelle s’est ainsi ajoutée la nécessité d’intégrer la variable nouvelle de l’enseignement à distance de son ou ses enfant(s).

Une période vécue de manière bien différente

Si pour certains parents la fermeture des écoles et l’irruption soudaine de l’enseignement à distance a peut-être pu être positivement vécue comme une occasion unique de s’engager différemment ou plus intensément dans leur rôle de parents d’élève(s), on peut imaginer que pour beaucoup cette situation a dû entraîner des défis et difficultés — plus ou moins importants — tant au niveau de l’organisation familiale que de savoir comment soutenir au mieux leur(s) enfant(s) durant cette période.

Objectifs de la recherche

Dans ces circonstances, la recherche DISPAR a pour but d’interroger le vécu de parents d’élèves fribourgeois et vaudois scolarisés à l’école primaire (1H-8H) autour de l’enseignement à distance de leurs enfants. L’enquête vise à répondre plus particulièrement aux questions de recherche suivantes :

• Comment s’organise le travail scolaire de l’enfant dans le contexte familial ?
• Comment les parents considèrent-ils leur rôle dans le dispositif d’enseignement à distance de leur enfant ?
• Comment les parents s’y prennent-ils concrètement dans la gestion du travail scolaire de l’enfant ?
• Quelles sont les défis et difficultés rencontrés par les parents, tant d’un point de vue organisationnel que pédagogique ?
• De quelles ressources disposent les parents, tant d’un point de vue organisationnel que pédagogique ?
• Quel lien l’élève et ses parents conservent-ils avec l’enseignant et l’enseignante durant ce temps d’enseignement à distance ?

De là, nous comptons dégager des pistes de compréhension et d’action utiles à un double niveau. D’une part, elles doivent permettre de mieux accompagner une hypothétique prolongation du dispositif d’enseignement à distance actuel, ainsi que toute instauration d’un dispositif semblable à l’avenir.

D’autre part, en amenant à une meilleure compréhension de la manière dont les parents s’engagent dans l’accompagnement scolaire de leur enfant et des défis qu’ils rencontrent, les pistes dégagées s’avéreront utiles au-delà de la seule situation actuelle, dans un contexte plus large où l’instauration d’un partenariat école-familles est aujourd’hui considérée comme un levier institutionnel privilégié dans la lutte contre les inégalités scolaires (Duval, Dumoulin & Perron, 2014).

Un article de Xavier Conus et Héloïse Durler

Références

• Conus, X. (2017). Parents et enseignants en contexte de diversité culturelle : quelle négociation des rôles ? Inégalités et tensions de rôles autour de la ‘normalisation’ des pratiques parentales. Thèse de doctorat, Université de Fribourg, Fribourg.
• Durler, H. (2015). L’autonomie obligatoire : sociologie du gouvernement de soi à l’école. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.
• Duval, J., Dumoulin, C. & Perron, M. (2014). Collaboration école-famille et prévention du décrochage scolaire : des pistes d’action pour les enseignants du primaire. Canadian Journal of Education/Revue Canadienne de l’éducation, 37(3), 1–23.
• Kakpo, S. (2012). Les devoirs à la maison : mobilisation et désorientation des familles populaires. Paris : Presses universitaires de France.
• Kim, Y. (2009). Minority parental involvement and school barriers : moving the focus away from deficiencies of parents. Educational Research Review, 4(2), 80–102.
• Niggli, A., Trautwein, U., Schnyder, I., Lüdtke, O. & Neumann, M. (2004). Elterliche Unterstützung kann hilfreich sein, aber Einmischung schadet : Familiärer Hintergrund, elterliches Hausaufgabenengagement und Leistungsentwicklung. Psychologie in Erziehung und Unterricht, 1, 4–14.
• Périer, P. (2019). Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale. Paris : Presses Universitaires de France.
• Rayou, P. (2010). Faire ses devoirs : Enjeux cognitifs et sociaux d’une pratique ordinaire. Rennes : Presses Universitaires de Rennes