Chronique d’une Europe non fédérale n°1

Luc Landrot
Hexagone
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4 min readDec 20, 2022

A travers cette chronique, je souhaite relater mon expérience de citoyen vivant entre deux Etats de l’Union Européenne : la France et l’Allemagne. L’objectif est de témoigner des difficultés, mais aussi de ce qui fonctionne, dans l’Union Européenne actuelle et du chemin qu’il reste à parcourir avant de profiter de la pleine liberté et joie d’être un citoyen européen vivant dans un continent uni, en paix, en démocratie effective et prospère. C’est à dire dans une Europe fédérale !

J’entame cette série avec le sujet des télécommunications. Voilà quelques semaines maintenant que bascule régulièrement du territoire français au territoire allemand. J’ai désormais un logement pérenne du côté de Freiburg-im-Breisgau. Première étape indispensable de nos jours, surtout pour moi qui télétravaille régulièrement : la connexion internet.

Première surprise, mon immeuble n’est pas raccordé à la fibre, je ne suis pourtant pas dans une campagne isolée. En revanche, des offres 5G sont disponibles.

Optimiste, ou plutôt joueur, je tente de dénicher une offre “internationale” d’un opérateur français. Je jette mon dévolu sur SFR. Pensant, à tort, qu’ils avaient des liens capitalistiques avec Vodafone, n°1 en Allemagne. Je ne trouve évidemment rien par le processus normal de vérification d’éligibilité. Je contacte le service client par tchat. On me répond que ce n’est pas possible. J’insiste, je lui dis : “je ne comprends pas, vous faites pourtant bien partie du même groupe ? Vous n’avez pas des offres pour l’Allemagne ?”. On me répond que ce service commercial n’est pas compétent et on coupe court à la conversation sans autre forme de procès…

J’opte finalement pour une offre ADSL 1&1 (opérateur allemand) pour un abonnement qui me coûtera environ 40€/mois avec la box, soit 10€ de plus que mon abonnement fibre de Lyon. Et surtout, la norme en Allemagne c’est un engagement de deux ans… Je franchis le pas malgré tout, j’en ai terriblement besoin. Et là, première difficulté : pour valider son email et créer son espace client, il faut recevoir un code SMS. Sauf qu’ils ne savent pas envoyer sur un numéro français ! Pour contourner le problème, je tente alors d’installer l’application vantée par l’opérateur. Surréaliste, mais l’application est invisible sur App Store et Google Play. Je tente par lien direct et là, surprise : “Cette application n’est pas disponible dans votre pays”.

Mais bon sang, mon pays c’est l’Europe !

Sans espace client, je ne peux rien faire. Je ne peux pas déplacer le rdv du technicien fixé dans 3 semaines quand je ne serai pas là… Je ne peux pas appeler par téléphone parce que je ne parle pas un traitre mot d’allemand (je progresse, mais je peux pas avoir une discussion téléphonique avec un service client en allemand).

Une idée me vient alors. La 4G fonctionne très bien chez moi. J’ai pu tester avec le boulot ou via Netflix. Je regarde les offres 4G des opérateurs français à commencer par mon opérateur actuel Sosh. Oui, il existe des offres avec 70 Go, rechargeables, utilisables de manière indifférenciée dans toute l’UE ! Bonheur. Voilà un embryon d’offre commerciale véritablement européenne. Ma décision est prise. Je vais tester comme ça. En plus, ça devrait me coûter moins cher, pour un service équivalent et plus flexible.

En conclusion, côté service téléphonique, grâce aux législations adoptées par le Parlement Européen, le coût de l’utilisation des données et des appels/SMS est maitrisé, leur utilisation facilitée au sein de l’UE. Ce qui est un vrai plus pour encourager les échanges.

En revanche, les opérateurs européens sont infoutus de proposer des synergies entre Etats. Faute de s’être développés dans toute l’Europe ? C’est vrai qu’en France, les 4 opérateurs sont peu internationalisés. Sauf Orange, mais qui est finalement peu présent en Europe et ne l’est pas en Allemagne.

Implantation d’Orange dans le monde (source : Wikipedia)

Peut-être qu’un des problèmes pour l’émergence de groupes/synergies européens, c’est une divergence trop importante des législations au sein de l’UE ? Si quelqu’un a des pistes, je suis preneur.

Dans les pays fédéraux, il existe des offres d’abonnements téléphoniques limitées sur un secteur géographique précis (par exemple limité à seulement Montréal), ce qui permet de proposer des forfaits moins chers. Mais qu’on habite en Californie ou à New York, AT&T saura par exemple proposer une offre simple et flexible. A ma connaissance, on ne trouve pas ces difficultés dans les fédérations.

Preuve que l’homogénéisation du secteur des télécommunications en Europe a encore des marges de progrès : dès que je passe la frontière, mon téléphone galère à retrouver le réseau 4G. Il n’y a pas de continuité comme il y en a entre deux départements français.

Enfin, le “géoblocage”, le fait de ne pas rendre une application mobile qui est disponible dans un Etat, disponible pour tout le reste de l’UE, ou ne pas savoir envoyer un SMS sur n’importe quel téléphone portable de l’UE, là c’est un vrai souci clairement lié à la réglementation (qui devrait interdire toute discrimination sur base de l’Etat dans lequel on a souscrit le service).

D’ailleurs quelques rappels sur vos droits de citoyen-consommateur européen ici : https://www.europe-consommateurs.eu/achats-internet/fin-du-geoblocage.html

Prochains épisodes sur la mobilité ferroviaire ou autre chose !

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Luc Landrot
Hexagone

Auteur de science-fiction, administrateur de l’Union des Fédéralistes Européens — France, ingénieur, Européen dans l’âme et dans la vie. #Subsidiarité