Je crois

(Quelques petites choses que je crois — et que vous n’êtes évidemment pas obligé de croire)

Je crois que les médias ont tendance à inventer une fiction qui privilégie les médias.

Je crois qu’on peut être tout à fait heureux aujourd’hui — mais que cela demande des circonvolutions telles, une façon de se montrer et d’esquiver tout en même temps, en essayant d’échapper à la neurasthénie, la toxicité, l’imbécillité ambiantes, que cela s’avère finalement aussi fatigant qu’avant.

Je crois que les morts sont avec nous à chaque seconde (et aussi les mots — et surtout les mots des morts).

Je crois que la pluie et le soleil sont mariés (non, ce n’est pas avec la lune que le soleil est marié, comme disent les contes, ils ne se croisent jamais, n’ont même aucune idée de l’existence l’un de l’autre — la lune est plutôt l’amie des choses cachées : loups-garous, mandragores, zombies).

Je crois que vieillir, c’est essayer de porter aussi loin que possible le flambeau de l’enfance (j’ai écrit ça il y a longtemps).

Je crois que dans son intime écorce, le monde est un soleil parfait, toujours plein de lui-même, et que si on l’oublie, on risque d’être emporté par un vent mauvais, celui de la littérature, et ne jamais revenir (j’ai écrit ça il y a longtemps également).

Je crois que la mélancolie et la tristesse sont des états parfaitement normaux à notre époque (et que le jeu consiste à trouver des forces assez puissantes, mais pacifiques, pour rendre ces états supportables).

Je crois que le matin est meilleur que le soir (en tout cas, il fonctionne mieux dans mon cas — et ce n’est pas qu’une histoire d’âge).

Je crois que demain est souvent pire qu’aujourd’hui.

Je crois qu’il ne faut jamais s’excuser de rien (sauf de vivre).

Je crois qu’un(e) artiste est un(e) raté(e) qui réussit au moins une fois.

Je crois que les femmes sont plus intelligentes que les hommes (et sensibles, et compréhensives — ce qui, par exemple, les rendrait bien plus aptes à gouverner).

Je crois que manger n’est pas très important (même si c’est bon, oui, parfois).

Je crois que “homme” et “femme” sont des qualificatifs qui disparaitront un jour.

Je crois qu’il vaut mieux écrire que ne rien dire : plutôt la scorie que la sécheresse du chemin.

Je crois que le romantisme contient en lui une forme de violence rentrée assez dangereuse (Houellebecq en est le dernier représentant).

Je crois que la littérature du vingtième siècle est bien plus intéressante que tout ce qui s’est fait avant (hormis peut-être Shakespeare et Homère).

Je crois que le silence vaut mieux que l’oubli.

Je crois que je ne suis pas très bon.

Je crois que je peux l’être, parfois, quand je m’oublie (bon).

Je crois qu’il n’y a plus de “grands hommes” aujourd’hui, qu’il n’y en aura plus jamais, et que c’est tant mieux.

Je crois que la réponse à tout, aujourd’hui, réside dans les collectifs (mais que nous avons encore beaucoup de mal à l’admettre).

Je crois que l’IA est une très bonne chose, mais que son problème, c’est sa stupidité (mais c’est aussi pour cela qu’elle nous sera d’une grande aide — et je le dis sans aucun cynisme).

Je crois qu’il ne faut pas trop croire.