Sean Lewis x Paste Magazine 1/3

Corentin
HiComics
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5 min readApr 26, 2018

Cette interview a été réalisée par Paste Magazine et l’équipe HiComics et moi-même les remercions sincèrement. La traduction a été réalisée par votre humble serviteur et peut présenter quelques erreurs, je m’en excuse par avance.

Je vous souhaite une excellente lecture !

Paste : The Few s’ouvre sur une citation d’Ursula K. Le Guin. C’est une auteure de science-fiction qui a exploré de grandes questions de société, d’éthique à travers ses romans. Son œuvre a-t-elle influencé cette série ?

Sean Lewis : Je suis tombé sur cette citation a posteriori. Hayden et moi avions parlé de la possibilité d’utiliser des épigraphes pour entamer la série. C’était cette phrase qui résonnait le plus pour Hayden. Et j’avais déjà en tête l’univers de The Few depuis un petit moment avant de le rencontrer.

Je suis un New-Yorkais qui s’est exilé dans le Midwest, donc j’ai en mémoire des hivers très sombres. Je fais beaucoup d’aller/retour entre New York et l’Iowa, et ces régions sont si différentes.

Les aprioris des habitants sont si tranchés d’une région à l’autre . J’étais vraiment fasciné par ces opinions défavorables, ces jugements de valeur des uns par rapport aux autres. Et ça c’était avant les élections ! Ça a été fascinant, comment les questionnements soulevés dans The Few ont évolué depuis les élections. Un de mes sujets préférés est la croyance. Et une des choses que j’observais à ce moment là était comment les gens en venaient vraiment à croire à ce qu’ils faisaient ? Précédemment quand j’ai écrit Saints, j’explorais la spiritualité, la religion. Avec ce livre, je me concentre plus sur les croyances politiques et philosophiques. Au delà de cette citation, ce sont ces éléments-là que j’avais en tête quand j’ai commencé à écrire cette histoire.

Paste : Dans le premier tome, il y a des références religieuses évidentes, avec un personnage nommé Hérode, ce qui résonne clairement comme un clin d’œil…

Sean Lewis : En tant qu’ancien écolier dans un établissement catholique, je n’arrive pas vraiment à me défaire de l’imagerie religieuse, les nonnes me l’ont quasiment imprimé dans la chair par les coups répétés. Cela fait un moment que je suis fasciné par des groupuscules religieux comme Daech, et sur comment, en plein cœur du Moyen-Orient, là où vivent des communautés diverses et éparses, l’isolement est beaucoup plus fort. Dans ce genre de configuration, vous voyez souvent grandir le fondamentalisme — principalement d’ailleurs, le fondamentalisme religieux. Pour une raison qui m’échappe, certaines populations gravitent autour de leaders que le reste du monde pourraient considérer comme maniaques, sauvages ou fous. Mais quand vous êtes sur place, les entendant prêcher que tout est en lien avec Dieu, et qu’il y a dans tout ce qu’ils font, des enjeux qui nous dépassent, vous comprenez mieux l’attachement idéologique que les populations ont vis-à-vis d’eux.

Ça m’a fait penser à ce qui se arriverait si le Midwest et le Sud étaient coupés du reste des États-Unis, de la côte est et de la côte ouest: « Vous parlez toujours de la sécession et de la façon dont vous voulez être séparé ? Eh bien, nous allons juste nous éloigner de vous. »

Beaucoup de ces régions sont très croyantes, très religieuses. Je pouvais voir comment, dans ces endroits, des groupes comme Daech ou des leaders religieux fanatiques pourraient s’établir, et aussi comment construire une idéologie, un raisonnement et une logique derrière des exactions extrêmement sévères et sauvages.

Paste : Au début de l’histoire il y a deux personnages qui parlent d’Halloween. Ils ne savent pas vraiment ce que c’est et ils s’en souviennent comme d’une espèce de fête archaïque, en tout cas qui appartient à un passé lointain. À quel point vous aviez conçu l’univers de The Few avant de vous asseoir pour la coucher sur le papier ?

Sean Lewis : Quand je développe un livre, je l’aborde de la même manière que pour écrire une pièce de théâtre. J’écris d’abord de très longues nouvelles où je développe mon intrigue parallèle et les personnages. Je reviens ensuite sur chacun des personnages pour mieux comprendre ce qu’ils sont, où ils vont et aussi ce que je veux en faire. Il est rare que je m’asseye et que je me dise « Oh, ça s’est passé 1000 ans dans le futur, 200 ans dans le futur ou la semaine dernière. » Je dois écrire beaucoup, créer beaucoup de matière, composer complètement mon univers, avant d’être sûr de la direction où j’amène mon histoire.

Halloween m’a permis de rajouter une temporalité, un ancrage à mes personnages. Ces deux gars sont dans les bois depuis si longtemps, et Davey a 13 ans, donc certaines de ces festivités et bien d’autres choses qui appartiennent à une époque révolue lui sont complètement étrangères, ce qui les rend quasi légendaires à ses yeux. Les histoires, anecdotes de chacun font la mémoire collective d’un monde plus ancien, à l’époque où tout était unifié. Leur génération a grandi sans aucun de ces repères. Halloween est une grande fête pour moi, et je me suis dit qu’il serait tellement étrange et intéressant d’essayer d’en expliquer le principe à quelqu’un qui n’en avait jamais entendu parler : « Nous nous habillons comme des monstres et on essaye d’effrayer d’autres gens déguisées, mais il y aussi un sens religieux derrière cette fête »

Ça me permet de rebondir sur une question intéressante : quel est le but de chacun ? Il y a un personnage que nous rencontrerons plus tard, le père de Davey, qui a grandi dans cette époque, qui a vieilli et qui se souvient encore. Il se projette et espère retrouver un monde qu’il garde en mémoire. Et d’un autre côté, vous avez un enfant comme Davey, qui se raccroche à un monde passé imaginaire, un monde que les gens lui ont décrit, mais qu’il n’a jamais connu de son vivant. En tant qu’écrivain, cela me donnait plusieurs pistes possibles pour construire des leviers, des motivations, des dilemmes ainsi que des conflits. Combien de temps pouvez-vous vous battre pour quelque chose que vous n’avez jamais vécu ? Et si tu te bats pour quelque chose que tu n’as jamais vécu, quelles sont les raisons qui te poussent à le faire ?

🎙 La suite de l’interview très bientôt… 🎙

Pour découvrir The Few, par ici les amis :

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