À la rencontre de Sandrine THÉARD

“Je commence à parler d’anti-marque employeur”

Chloé Desault
Hiridium’s blog
9 min readJan 17, 2017

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Pour cette nouvelle interview, nous avons été chercher une professionnelle du recrutement à Montréal : Sandrine THEARD. Son blog alimente régulièrement nos feedly, où nous apprécions déjà ses interviews de Startupers évoluant sur le marché du recrutement. Également blogueuse et organisatrice de #TruMontreal, nous n’avons pas pu nous empêcher de la contacter pour avoir son avis concernant KinTribe. Lors de notre RDV, il est devenu évident que nous devions en savoir plus sur le parcours de Sandrine, sa vision du monde du recrutement et sur nos pairs québécois.

Sandrine THÉARD, La Source Humaine

Il est 14h pour moi, 8h du matin pour Sandrine. Je ne pourrai malheureusement pas retranscrire son accent québécois, mais je vous laisse partir à la chasse de quelques expressions qui trainent par-ci, par-là :) Bonne lecture !

Sandrine, parle-moi de ton parcours !

Je suis un petit peu tombée dans le recrutement par hasard. Rien d’original. Quand j’ai migré au Canada, j’ai parcouru les agences de placement pour trouver un emploi. C’était la solution la plus facile. Et puis, une agence m’a recrutée en tant que conseillère en placement personnel. Je faisais du développement de clientèle et du recrutement de candidats. J’ai ensuite été faire un tour en entreprise dans plusieurs secteurs d’activité, parce que je ne voulais pas avoir uniquement la vision “agence”. Puis je me suis lancée à mon compte. Depuis 6 ans, je me suis orientée vers la formation de recruteurs. Je continue toujours à faire du recrutement, car je veux rester opérationnelle et parce que j’aime vraiment ça. Avant on faisait du tri de CV, puis on appelait les candidats et on les plaçait. Le monde du recrutement a beaucoup évolué. Il y a plein de choses qui sont venues se greffer au recrutement, comme la marque employeur et tout un tas d’outils, qui font que j’aime encore plus ça aujourd’hui.

Tu dis être tombée dans le recrutement par hasard, c’est-à-dire ?

Je n’avais aucune idée de ce que je pouvais faire avec mes études et le métier de recruteur n’était pas une option. C’était une porte d’entrée mais pas une carrière possible. Il faut remettre ça dans le contexte, mais il y a un peu plus de vingt ans, on avait beaucoup de mal à envisager ce métier.

Tu penses que c’est toujours le cas ?

Je suis peut-être un petit peu naïve… Peut-être parce que je suis là avec mon porte-étendard de “Vive le recrutement !”… Mais j’ai l’impression qu’on commence à susciter des vocations. De plus en plus de jeunes me disent qu’ils veulent en faire leur métier. C’est quelque chose que je n’entendais pas avant. On ne l’entendra certainement jamais de façon massive, mais le recrutement commence à susciter de l’intérêt.

Quel était ton projet initial lors de la création de ta société : La source humaine ?

J’ai toujours voulu travailler à mon compte. J’avais vraiment ce désir d’indépendance : maîtriser son temps, ses projets et ses choix. J’étais recherchiste au départ. Quand les outils ont commencé à se développer sur le web, quand on a commencé à parler de marque employeur ou encore de sourcing, c’est là que mon intérêt a un petit peu dévié. Je me suis plus orientée vers la transmission de l’information et de la formation au niveau du sourcing notamment. L’expérience aussi compte. Je me considère mieux armée aujourd’hui pour auditer un département de recrutement ou pour donner du conseil.

Tu as employé un mot : “recherchiste”… Mais qu’est-ce que c’est ?

Chez nous, il y a beaucoup de chasseurs de tête dans des cabinets. Et souvent les gros cabinets de recherche de profils ont des recherchistes qui ne font que de la recherche web et téléphone. C’est un peu ceux qui travaillent dans l’ombre.

Ah ! Le sourceur ?

Ce serait ça mais quand j’ai commencé à faire de la recherche, on appelait pas ça du sourcing, parce qu’on n’avait pas d’outils. En fait, on avait que le téléphone. Tu remontais les organigrammes et tu essayais de trouver des informations.

Si on revient à La source humaine, comment tu interviens auprès de tes clients ?

C’est de l’intervention à la carte, en fonction du besoin du client. Ce que j’aime en étant à mon compte, c’est que je peux complètement adapter mon contenu par rapport à la demande du client. Certains te demandent une formation en sourcing où tu démarres de la base, d’autres sont sur des techniques beaucoup plus avancées.

Quels sont les problèmes de recrutement récurrents chez tes clients ?

La principale raison du recours à un chasseur de tête, c’est le temps. Ceux qui ont le temps ont mis en place l’agilité dans leur service pour pouvoir assurer un meilleur équilibre poste VS temps (annonces VS sourcing, n.d.l.r.). Ceux-là sont très bons dans ce qu’ils font. Les autres ont au moins 32 réquisitions ouvertes, c’est impossible de faire un bon travail. C’est à ce moment là que tu fais appel à quelqu’un. Il s’agit de te former sur les techniques de sourcing en pensant que tu vas gagner du temps… alors que pas du tout. Tu découvres tellement de nouvelles manières de faire, de nouvelles sources, c’est encore plus énergivore même si ça ouvre complètement les possibilités. Il n’y a pas de solutions miracles en recrutement. Les recruteurs ne sortent pas de leur bureau parce qu’ils n’ont pas le temps, ils ne réseautent pas et ne recrutent pas proactivement. Cela les empêche aussi de prendre le temps de connaître le métier pour lequel ils recrutent. Je trouve ça inconcevable qu’un recruteur ne s’assoit pas avec son gestionnaire embaucheur et n’aille pas prendre le pouls de l’équipe pour laquelle il va recruter.

Quels sont les outils que tu utilises pour recruter ?

Le booléen avec Google et le téléphone. Pour moi tu fais tout avec ça ! J’utilise aussi twitter et Facebook.

Comment utilises-tu Facebook ?

Je suis convaincue que ça va devenir un puissant outil de chasse. Facebook est de plus en plus utilisé à des fins professionnelles et beaucoup d’applications de recrutement utilisent ce réseau. Je commence à peine à l’utiliser. Il ne s’agit pas de faire du voyeurisme mais vraiment de faire du sourcing.

Quelle est ta particularité vis-à-vis d’autres indépendants ?

Je pense que c’est mon authenticité. Ça fait bateau dit comme ça… mais je pense que c’est vraiment ça. Les gens savent que je ne vais pas toujours leur dire ce qu’ils veulent entendre. J’ai rien à prouver à personne. L’important pour moi c’est que mes clients ressortent avec quelque chose de très concret, qu’ils puissent mettre en pratique très rapidement. Je suis un peu une anti-conférencière aussi. Je suis dans des approches très pragmatiques, très pratico-pratiques. Il n’y a pas de concepts avec moi. Au contraire, quand il y en a un, je cherche à le casser. C’est ce qui me fait probablement défaut quand j’essaye d’écrire sur mon blog.

Qu’est-ce qui t’a donné envie de lancer ton blog ?

Blog : La source Humaine

Il n’y avait pas de blog au Québec destiné aux recruteurs. Mon objectif c’était surtout de mettre en avant la communauté de recruteurs à Montréal et au Québec. De parler aussi des startups qui sont en train de se développer. De montrer la manière dont le marché évolue. Qui sont les acteurs principaux ? Qui fait quoi au niveau du recrutement à Montréal ? Qui fait des choses originales ? Il y a des gens extraordinaires qui font des grandes choses, et c’était d’eux dont j’avais envie de parler. Pas de moi.

Peux-tu nous en dire un petit peu plus sur la communauté Québécoise ?

C’est vraiment une belle gang, des gens hyper allumés qui sont tellement intéressants. C’est vraiment un pur plaisir d’échanger avec eux. Très égoïstement, j’ai choisi d’organiser #TruMontréal pour pouvoir échanger encore plus avec eux, partager nos connaissances, nos bons coups mais aussi nos échecs. Il s’agit d’avancer et de faire avancer la profession de recruteur. On a quand même très mauvaise presse. Nous nous faisons très souvent bâcher dans des articles et à juste titre d’ailleurs. Nous devons vraiment améliorer nos standards pour être mieux reconnus et pourquoi pas susciter des intérêts de carrière.

Je ne me rends pas compte, mais cette communauté est très développée ?

Je baigne dedans, du coup j’ai envie de te dire oui ! Je ne sais pas si c’est pareil en France, mais à Montréal, il y a les RH et le recrutement. Le mélange ne se faisait pas beaucoup. Avant, le recrutement, c’était du post and pray et ça marchait très bien. Le recrutement était très accessoire, car de toute façon les candidatures rentraient. Aujourd’hui, on est en pénurie de main d’oeuvre sur plein de secteurs d’activité. C’est devenu extrêmement difficile de recruter. Il faut maintenant être beaucoup plus proactif. Cet effort permet au recrutement de prendre sa place face aux RH. Il n’y a pas beaucoup d’événements mais les deux communautés commencent à se mélanger.

Et si on parlait un petit peu de ta veille ?

Il y a tellement d’événements auxquels j’aimerais participer. Évidemment, il y a tous les #Tru et la RMSConf en France. Aux Etats-Unis, il y a le SourceCon qui est vraiment intéressant et LinkedIn Talent Connect que je veux aussi faire un jour. Je suis évidemment les blogs de tous les plus grands sourceurs comme Irina ou encore Jim Stroud. Enfin, il y a Jean-Baptiste Audrerie. Je pense que je suis sa fan N°1. C’est quelqu’un d’exceptionnel dans la vie et sur son blog !

Quel regard tu portes sur le monde du recrutement ?

Je suis peut-être pleine de candeur, mais j’ai envie que le recrutement prenne complètement sa place, quitte à ce qu’il se détache des RH. J’aimerais aussi qu’il y ait une meilleure collaboration avec les autres services, comme le marketing. On aurait tellement tout à gagner à mieux travailler ensemble. Tout le monde en parle mais sur le terrain, c’est encore rare.

On parle beaucoup de marque employeur, tu en penses quoi ?

Ce n’est plus un sujet nouveau, c’est même fini. Le terme “marque employeur” est vraiment galvaudé. Je commence à parler d’anti-marque employeur. Pour moi, les gens confondent marque employeur et marketing RH. Une marque employeur, ce n’est pas de faire un site web et de parler de ses valeurs et de dire qu’encore une fois on a des super bureaux… Une vraie marque employeur c’est de repenser aussi bien à la manière dont mon candidat vit son process de recrutement que l’expérience vécue par mon employé lors de son passage dans la société. C’est un processus de réflexion avant tout et surtout pas du patchage. Ici on a une expression qui est : “il faut que les bottines suivent les babines”. Il faut mettre en pratique ce que tu dis. Si ce n’est pas le cas, on crée de la déception et il n’y a rien de pire. On parle aujourd’hui davantage de transparence et tant mieux, parce que c’est vraiment de ça dont il s’agit.

Quels sont les sujets d’avenir dans le monde du recrutement ?

Tout ce qui est programmatique, intelligence artificielle et les données. Ce sont des sujets vers lesquels nous allons tendre. Les recruteurs sont complètement perdus aujourd’hui avec ça. J’espère que ces sujets seront intégrés dans les formations pour les sensibiliser.

Un ou deux conseils à partager à nos lecteurs ?

Si tu aimes ce que tu fais, ça transparaît et le reste en découle. Il faut rester curieux et passionné. Si ce n’est pas le cas, ça ne marchera jamais. Si tu n’aimes pas ton métier, il faut se lancer dans autre chose.

L’interview aura duré une heure environ, mais elle aurait pu durer encore et encore :) Sandrine est quelqu’un de passionnée et ça se sent. J’ai aimé son discours sans langue de bois et sa spontanéité. Plus difficile à retranscrire, j’ai vraiment été frappée par la générosité et l’humilité dont elle fait preuve, et j’ai espoir que vous l’ayez aussi ressenti. Souvent présente lors des #TruParis, je ne saurais que trop vous conseiller d’aller lui parler. En attendant, n’hésitez pas à la suivre via son blog et twitter.

En grands habitués que vous êtes, vous êtes en train de vous dire : “Euh, et l’anecdote ?” Un petit peu de suspens les amis. Je n’ai pas une mais DEUX anecdotes :) Je dois vous avouer que Sandrine a un petit peu séché quant à cette question. Mais heureusement, Sherlock a mené son enquête !

Le saviez-vous ? Sandrine n’aime pas écrire. Avec un petit peu plus de 4 600 followers sur Twitter, imaginez le nombre d’abonnés à son blog. Je ne sais pas vous, mais moi ça me donne de l’espoir !

Le saviez-vous (bonus) ? Sandrine organise #TruMontréal depuis 5 ans. Hyperactive et super créative, elle me dit vouloir proposer prochainement un nouveau RDV de recruteurs dans un format différent … à suivre ;) !

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Découvrez l‘interview de Jean-Marie CAILLAUD

Ou d’autres articles de Chloé Desault & Louis Laroche ici : https://medium.com/les-dessous-du-recrutement

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Co-fondatrice @Hiridium & Tech Recruiter… not Geek but beer(s) addict (…)