Nos petits stress quotidiens (KiwiParty 2016)

Damien Senger • hiwelo
Hiwelo’s notebook
18 min readJun 13, 2016

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Nous avons tous des réactions différentes face au stress. (Crédit photo : Bernard Goldbach)

Le vendredi 3 juin 2016, j’ai eu l’occasion de donner une conférence de vingt minutes lors de la KiwiParty, à Strasbourg.

Pour rappel, la KiwiParty est un événement d’une journée organisé par l’agence web Alsacréations autour d’une douzaine de conférences.

Loin de mes conférences habituelles autour des questions de typographie sur le web, un an après avoir fait le choix du salariat plutôt que mon statut historique de travailleur indépendant, j’ai souhaité parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le stress et l’épanouissement au travail.

Si vous le souhaitez, vous pouvez retrouver mes slides sur SpeakerDeck.
Dans cet article, un peu long, je vous propose de retrouver le contenu plus ou moins exhaustif, voire un peu augmenté, de ma conférence.

#OnVautMieuxQueÇa

Le principal objectif que je me suis fixé pour cette conférence est de vous montrer que quelque soit l’environnement professionnel dans lequel nous évoluons, nous pouvons tou·te·s être sujets au stress au travail.

Et vous, vous aimez votre travail ?

Oui, notre travail nous l’aimons. Pourtant quand on nous pose cette fameuse question, nous répondons trop souvent des réponses du type “Oui mais …”.
La raison : nos conditions de travail, notre absence d’épanouissement, la sensation de ne pas se sentir utile, etc.

Il est donc temps de nous battre pour améliorer nos conditions de travail, de nous battre pour faire avancer nos droits à la veille et à la sauvegarde personnelle et enfin de nous battre pour pouvoir mener à bien nos projets personnels aussi bien que professionnels.
Il est maintenant temps de rééquilibrer notre balance vie privée / vie professionnelle.

Travailleur indépendant depuis mes débuts dans la sphère Web, passé autant par des projets de type “startup” que de type “agence”, je ne pensais pas moi-même atteindre une situation de burnout seulement six mois après le début de mon salariat.

Le stress (au travail)

Pour commencer, j’ai tenu à faire quelques petits rappels sur les mécanismes biologiques du stress, avant de m’attaquer à la question plus spécifique du stress au travail.

Tout d’abord, il faut bien comprendre que le stress est un ensemble de réponses biologiques que notre corps produit lors que celui-ci va se trouver dans un environnement considéré comme oppressant ou dangereux.
Ces réactions de notre organisme doivent en théorie nous permettre de pouvoir nous adapter dans un environnement hostile.

Étant donné qu’il s’agit d’une réaction de défense, nous ne devons pas considérer qu’il existe un bon stress et un mauvais stress.
Le bon stress, ça n’existe pas !
Il existe en réalité deux types de stress : le stress aigu et le stress chronique.

Le stress aigu : un mécanisme de survie.

Le stress aigu est la réaction naturelle de courte durée de notre organisme lorsque celui-ci se trouve dans une situation de danger imminent ou de sentiment d’oppression lié à l’environnement proche.
Le stress aigu n’est pas foncièrement mauvais, il permet à notre corps de libérer une quantité importante d’hormones qui aideront notre organisme à pouvoir gérer la situation.

Typiquement, il s’agit de la réaction que nous allons avoir devant une situation de danger imminent comme lorsque nous évitons de justesse un accident de la route.
Notre corps va notamment libérer une grande quantité d’adrénaline : notre cœur va battre plus vite, nous allons devenir ainsi hyper vigilant et donc nous nous adapterons plus rapidement à la situation face à nous.
Le stress aigu va également se retrouver lorsqu’un individu va prendre la parole face à un grand auditoire : c’est notre fameux trac !

Le stress chronique : des effets néfastes pour la santé.

Dès lors qu’une situation de stress s’installe dans la durée ou que nous devons faire face à des situations de stress répétée, le stress devient chronique.

Dans le cadre du stress chronique, à force de sécrétion permanente d’hormones ayant pour objet de nous rendre hyper vigilant, notre organisme s’affaiblit petit à petit. Si celui-ci s’installe longuement dans la durée, l’individu va finir par s’épuiser physiquement et psychologiquement.
Dans le cadre d’un stress professionnel, l’individu s’oriente vers un syndrome d’épuisement professionnel, le “fameux” burnout.

Le stress installé dans la durée : un mécanisme en trois phases.

D’après Hans Selye, lorsqu’une situation de stress s’installe dans la durée, elle passe par trois à quatre phases distinctes :

  1. Tout commence par la phase d’alarme où le corps subit une réaction de stress aigu, telle que définie quelques lignes plus haut.
    Ici, le corps se prépare à faire face à l’environnement dangereux ou oppressant en mobilisant toutes nos défenses physiologiques.
    Notre corps libère alors de l’adrénaline, notre cœur bat donc plus vite, notre tension augmente, notre vigilance est accrue et notre température corporelle s’élève.
  2. Lorsque le stress s’installe dans la durée, on passe à la phase de résistance où notre corps va tenter de s’adapter à l’environnement jugé stressant.
    Pour cela, notre organisme va libérer des glucocorticoïdes (cortisol et cortisone) qui vont avoir pour but d’augmenter notre glycémie (taux de sucre dans le sang) et donc d’apporter plus d’énergie à nos muscles et à notre cerveau.
    Dans ce premier temps, la production de cortisol est maîtrisée.
  3. Enfin, si l’agent stressant est particulièrement puissant ou si la situation dure depuis particulièrement longtemps, nous passons à la phase d’épuisement.
    Ici, c’est le grand n’importe quoi. Votre organisme perd totalement les pédales, il ne maîtrise plus la production de cortisol. Votre cerveau est complètement noyé dans les glucocorticoïdes ce qui a pour conséquence de mettre l’ensemble de vos systèmes physiques en situation de stress critique. Il suffit d’un grain de sable dans l’engrenage pour que tous vos systèmes physiques s’effondrent.
    D’autant plus qu’à côté des possibles symptômes physiques, on sait aujourd’hui que l’excès de cortisol dans notre cerveau peut être responsable de troubles de l’humeur, comme la dépression.

Les effets physiques du stress sur notre santé peuvent être multiples. Dans certains cas, ils sont les marqueurs d’une grande détresse psychologique.
Le stress chronique peut être à l’origine de maladies cardiaques, de problèmes d’hypertension, d’élévation des taux de cholestérol voire encore un facteur facilitant l’installation d’un diabète de type II.
Sans compter les possibles troubles musculo-squelettiques, les troubles de l’appétit, les crises d’angoisse, de larmes, un mal-être, une possible dépression, etc. qui sont des symptômes que l’on retrouve régulièrement dans le cadre d’un épuisement professionnel.

Il faut enfin comprendre que toute situation de stress nécessite une phase de récupération à son issue pour remettre notre organisme d’aplomb.
De part les efforts importants fournis pendant toutes ces phases, notre corps est soumis à de rudes épreuves. Il est donc plus facilement sujet aux maladies et aux blessures.

Agir contre le stress au quotidien

Au quotidien, dans notre travail, il existe un plusieurs moyens de réduire potentiellement le stress subit.
Lors de ma conférence, en 25 minutes, je n’ai malheureusement pas eu le plaisir de pouvoir être réellement exhaustif sur la question.
Toutefois, s’il y avait qu’un seul et unique point qui devait être souligné, il s’agit de la nécessité d’un dialogue permanent dans l’entreprise pour détecter, désamorcer et évacuer les situations de stress.

“Non.” Réinstallons la culture du consentement en entreprise.

La culture du “non” n’est pas réellement bien ancrée dans notre culture professionnelle. Pourtant ce “non” pourrait désamorcer un grand nombre de situations de stress.
Il ne s’agit pas ici de dire bêtement non à chaque question posée mais plutôt d’oser dire non lorsque les demandes ne peuvent pas être satisfaites dans de bonnes circonstances, tout en proposant des alternatives.

Pour ce qui est des délais, des technologies choisies, des planning, etc. n’hésitez pas à donner votre point de vue et à dire “non” si la tâche demandée ne vous paraît pas correspondre au délai annoncé par exemple.

Je sais que tu es déjà occupé·e, mais est-ce que tu pourrais me faire rapidement cette modification dans cet autre projet ?

Osez répondre “non”. Votre planning est déjà prévu, vous êtes en plein travail sur un autre projet, etc. il existe un ensemble de facteurs qui peuvent expliquer que non, vous n’avez pas de disponibilités dans l’immédiat.
Par contre, vous pouvez en avoir dans deux jours, la semaine suivante, etc.

Mais je me suis déjà engagé·e auprès du client et ça ne devrait te prendre que quelques minutes.

Déjà, une tâche ne prend jamais cinq minutes.
Le temps de sortir de son projet actuel, d’ouvrir les bons outils, de prendre connaissance des contours du projet, de l’action demandée, etc., vous venez déjà de perdre 10 à 15 minutes.
À partir de là, réaliser l’action, la sauvegarder ou la commiter, mettre à jour le ticket, etc. : toutes ces actions vont encore vous faire perdre du temps.
Et enfin, le nécessaire retour dans votre premier projet prendra lui aussi beaucoup de temps, ne serait-ce que pour vous permettre d’être à nouveau concentré.

Si ce genre de situation est récurrente dans votre milieu professionnel, il est vraiment plus que nécessaire d’améliorer le dialogue au sein de vos équipes.
Ici, l’engagement de réalisation auprès du client n’aurait pas du se faire sans l’accord des salarié·e·s qui seront concernés par ladite tâche.
Idéalement, votre planning de travail ne devrait pas varier au cours de la journée, ou alors au minimum.

Enfin, savoir dire “non” est une richesse plutôt qu’une faiblesse.
Savoir dire “non”, c’est connaître ses limites et ainsi éloigner en partie le stress de son environnement professionnel.
Au final, pour votre entreprise, il vaudra mieux un·e salarié·e qui dit “non” et qui permettra à ses managers d’aménager le planning auprès du client plutôt qu’un·e salarié·e non épanoui·e en situation d’épuisement professionnel qui multiplie les arrêts maladie.

Le multi-tasking est un facteur important de stress.

Aux côtés de la surcharge de travail, le multi-tasking est un autre facteur important de stress dans un environnement professionnel.

Pour pouvoir être concentré dans une tâche, l’être humain a besoin de temps et de s’adapter à l’environnement.
Chaque fois que nous changeons de tâche, nous devons donc recommencer de zéro pour nous concentrer : comprendre ce qui nous est demandé, nous focaliser dans la tâche en question et nous adapter en conséquence à l’environnement dans lequel nous évoluons.

Une étude a montré que pour un humain qui switch de tâche, un temps moyen de 23 minutes et 15 secondes est nécessaire afin de se replonger dans la tâche originale.
Ce temps moyen nécessaire à notre concentration est donc un temps qui risque d’impacter les estimations de temps de travail initiales.

Ainsi, dans le cadre d’un multitasking répété, l’importante fatigue qui résulte d’un besoin régulier de re-concentration mêlée au temps perdu par la réalisation de ces tâches parallèles ou non prévues peut allonger les programme d’une équipe.
Cette fatigue et les retards qui peuvent être liés sont donc des facteurs de stress importants qui peuvent résulter d’un multitasking trop présent dans le quotidien d’un travailleur·se.

L’open-space est tout sauf un havre de paix

Le multitasking n’est pas le seul facteur qui menace notre concentration à un instant donné.
De plus en plus de travailleur·se·s du numérique travaillent dans des espaces partagés comme les open-spaces en entreprise ou les espaces de coworking par exemple.

Ces espaces étant exempt de cloisons et de moyens d’isolement, les travailleur·se·s ont très souvent tendance à projeter une illusion de disponibilité même s’ils·elles sont plongé·e·s dans leurs tâches.
Dans ces espaces, il n’existe pas réellement de barrières physiques empêchant l’intrusion dans l’espace personnel de chacun·e.

Cette illusion permanente de disponibilité est associée à un grand nombre de distractions qui peuvent exister dans un open-space.
Dans ce genre d’espace, si les travailleur·se·s ne disposent pas de leur propre bulle personnelle où ils peuvent se sentir éloigné·e·s ou isolé·e·s, l’espace commun de travail risque de faire baisser grandement leur concentration, donc leur productivité et leur qualité de travail.

Musique, discussions, déplacements, coup de téléphone, éclat de rire, etc. : l’open-space est un milieu souvent débordant de vie. Personnellement, j’aime bosser en open-space justement pour ne pas me sentir isolé, pour profiter de la vie ambiante mais malgré cela j’ai besoin de temps pour moi, pour travailler sans distraction.
Dans mon cas, c’est d’autant plus le cas que je dois lutter contre mes troubles de l’attention qui diminuent d’autant plus ma capacité à me concentrer.

Seulement, le revers de la médaille c’est qu’il peut parfois être très compliqué pour chacun·e de trouver l’équilibre entre besoin de vie sociale et besoin de calme et d’isolement dans ce genre d’espace.

Joignable ne signifie pas disponible.

Que nous soyons dans un open-space ou dans un bureau fermé, les outils actuels comme Slack ou IRC donnent l’illusion d’une disponibilité permanente puisque nous sommes joignables à tout instant.
Qui n’a jamais vécu l’expérience d’un·e correspondant·e qui envoie un mail et qui appelle moins de deux minutes plus tard pour avoir une réponse, rapidement.
Dans sa variante plus moderne, il est assez insupportable d’être l’objet d’une questions sur un IRC ou un Slack puis d’être ping par la même personne quelques minutes plus tard par manque de réponse.

Être au travail ne signifie pas être disponible dans la minute.
Être joignable ne signifie pas être en capacité de pouvoir apporter une réponse à une interrogation dans la minute.

La tyrannie de la communication permanente doit prendre fin dans le milieu professionnel. Oui, nous devons dialoguer. Mais cela ne doit pas se faire à n’importe quel prix et à n’importe quel moment.
Nous avons tous besoin de moments de déconnexion où nous sommes concentrés dans une seule et unique tâche pour permettre la réalisation à bien de celle-ci.
Fermez vos boîtes mail, coupez Slack et mettez en silencieux votre téléphone : vous avez bien mérité vos deux heures de déconnexion.

Comme de plus en plus de travailleur·se·s, faites le choix de ne consulter vos mails que deux fois par jour : une fois le matin et une fois dans l’après-midi.
Apprenez ainsi à découper correctement et confortablement votre journée en différentes périodes sereines de travail.

Mettre fin aux interruptions intempestives.

Que vous soyez dans un open-space ou dans un bureau isolé, vous devez trouver un moyen de communiquer aux personnes autour de vous l’information sur votre (non) disponibilité.

Tout d’abord, en open-space, il convient de rappeler une règle universelle qui n’est pas forcément toujours respectée : quand une personne porte un casque, il y a de grandes chances qu’elle ne désire pas être dérangée.
Cela signifie que vous devez obtenir son consentement avant de l’interrompre dans son travail.

À vous de trouver les méthodes qui permettront votre épanouissement mais il existe deux choses simples que vous pouvez facilement mettre en place :

  • Un indicateur permettant d’informer sur la (non) disponibilité d’une personne. Cet indicateur peut prendre des formes multiples.
    J’ai ainsi pu voir des espaces de coworking utiliser des galets peints posés de manière visible sur le coin des bureaux : Face rouge, la personne ne souhaite pas être dérangée ; Face verte, la personne n’effectue pas un travail demandant une concentration ou un isolement particulier.
    De manière plus évoluée, vous pouvez utiliser une LED qui indiquera si oui ou non votre collègue un peu bavard·e peut venir vous parler.
  • Un indicateur permettant de faire comprendre à une personne en pleine concentration que nous souhaitons lui parler ou lui poser une question.
    Cela peut prendre la forme d’un objet personnel à poser sur son bureau qui lui permettra de comprendre que telle personne souhaite lui parler ou encore être le passage via une messagerie interne pour simplement indiquer que nous aurions besoin d’un instant pour poser une question.

Enfin, un code de conduite dans votre espace de travail peut être une bonne solution pour éviter les débordements et garantir de le respect de tous les individus dans l’espace de travail.

L’erreur est humaine, profitez-en.

La peur de l’erreur est une source de stress importante dans l’entreprise.
Pourtant, l’erreur est humaine, elle fait partie de nos vies.
Bien généralement, ce sont nos erreurs qui enrichissent nos parcours et nous permettent d’apprendre de nous-même. N’ayez pas peur d’en faire.

On n’a jamais viré personne chez Valve sous prétexte qu’il·elle a fait une erreur. Ça n’aurait aucun sens d’agir de cette manière.

L’important n’est pas d’éviter à faire les erreurs, mais plutôt de savoir assumer ses erreurs en cas de pépin et surtout d’être force de proposition pour pouvoir passer outre.
L’échec est inévitable et n’est que temporaire, à vous d’en faire une force.

Comment serait votre vie si vous n’aviez pas le courage de tenter des choses ?
— Vincent Van Gogh

Une hygiène de vie à parfaire.

Comme nous avons pu le voir, puisque le stress peut favoriser les maladies cardio-vasculaires, le cholestérol et le diabète, c’est à vous de prendre soin de votre corps pour éviter cela.
Et le sport a d’autres vertus : Sortez, courez, aérez vous. Tout ce que vous pourrez faire comme sport vous permettra de vous défouler et d’évacuer toute la pression que vous pouvez emmagasiner au travail.

La pratique sportive permet la libération d’endorphines dans votre corps. Ces endorphines vont vous permettre de retrouver un “second souffle” vous permettant de vous surpasser et de retrouver l’énergie suffisante pour vous aider à sortir de votre situation de stress.

#TransparenceSalariale

Comme nous avons pu le voir, il est possible de combattre le stress à l’échelle des relations interpersonnelles et de l’individu.
Seulement, cela n’est pas toujours suffisant afin de lutter durablement contre les situations de stress en entreprise. Il me semble aussi nécessaire d’agir aujourd’hui au niveau des méthodes de gestion des entreprises pour lutter contre les situations qui pourraient être génératrices de stress avant même que cela puisse être le cas.

La pierre angulaire de cette idée de transparence salariale est l’idéal de dialogue dans l’entreprise (à différencier du dialogue social qui, à mes yeux, est un non sens) et l’idée d’une gouvernance décentralisée de nos systèmes.

La transparence à travers des grilles salariales claires.

Une semaine avant cette conférence lors de la KiwiParty, j’ai lancé une discussion sur Twitter invitant mes contacts à partager leur salaire sur ce réseau social.

J’y reviendrais plus en détail dans un futur article, mais mon but n’était pas ici de faire une étude sur les salaires dans les professions du web mais simplement montrer que oui, parler salaire, c’est possible.
Sous couvert de jobs “funs”, de conditions de travail “détendues” et d’environnements “décalés” dans nos entreprises, la question des conditions de travail dans le numérique est trop souvent éludée dans nos luttes sociales actuelles.
Autour de moi, à Strasbourg, beaucoup de salarié·e·s sont au même poste depuis maintenant plusieurs années sans avoir osé, même une seule fois, parler de revalorisation de leur salaire.

Cette question peut être une grande source de stress à long terme puisqu’elle ne permet pas au salarié de se projeter dans l’avenir, de prévoir les années à venir et de s’épanouir au travail.

Personnellement, je suis partisan de la théorie du salaire à vie—différente du revenu universel de base — et je pense en conséquence que la question du salariat devrait être déconnectée de l’entreprise dans laquelle nous travaillons. Ce salaire devrait être uniquement lié à la logique de l’échelon et du grade avec une impossibilité de recul pour mettre fin au chantage à l’emploi qui existe dans notre société de chômage structurel.

La question du salaire ne peut pas être déconnectée de la logique de compétences et d’épanouissement. Il est donc important de réaliser que plus votre expérience augmente, plus vous méritez de voir votre salaire augmenter au fur et à mesure que vos grades augmentent.

Diminuer le chantage à l’emploi et permettre au travailleur de changer plus facilement d’entreprise lorsque celui-ci n’est pas épanoui, c’est lui permettre d’aborder plus sereinement l’avenir, et donc de limiter le stress qui peut naître d’une absence de projection à 6 mois, un ou deux ans.

Pour cela, certaines entreprises comme Buffer ou, en France, WP Media, ont fait le choix d’une grille salariale publique et transparente.
Buffer a même poussé l’idée jusqu’à la mise en place d’un calculateur permettant de connaître le salaire que vous auriez lors d’une prise de poste au sein de leur entreprise.

L’intérêt est double : comme j’ai pu le dire plus haut, il permet aux travailleur·se·s de mieux envisager leurs évolutions à venir mais surtout il permet de pouvoir plus facilement engager la discussion sur les revalorisations du niveau de vie des travailleur·se·s.

#DémocratieOuverte

Ici aussi, le sujet mérite plus de développement que les quelques minutes que j’ai pu avoir pendant ma conférence, je tâcherai de revenir plus en détail dessus dans le futur.

La médecine du travail le répète régulièrement : l’autonomie des salarié·e·s est nécessaire dans la lutte contre le stress au travail.
C’est pour répondre à ce constat que de nouveaux modes d’organisation des entreprises commencent à se mettre en place. L’un des modes d’organisation qui commence à faire ses preuves est l’holacratie.

L’idée est de revoir les structures de gouvernance des entreprises pour disséminer les mécanismes de prise de décision à travers une organisation fractale d’équipe qui s’auto-organisent et s’auto-régulent.
La valorisation de l’intelligence collective est au cœur de l’idée même d’holacratie ce qui permet de la distinguer des modèles top-down habituels.

De grandes entreprises comme Danone, Castorama ou des PME comme Biocoop ont récemment fait le choix de revoir l’intégralité de leur fonctionnement interne à travers le spectre de l’holacratie.
Permettre à chaque travailleur·se de pouvoir agir autour d’un rôle défini sans contraintes hiérarchiques fortes permet de développer l’innovation dans l’entreprise et d’assurer l’épanouissement de chacun·e.

Pour pouvoir fonctionner correctement, ce mode de gouvernance nécessite de limiter la rétention d’information. Chaque membre de l’entreprise étant autonome, il doit régulièrement dialoguer avec les autres et rendre compte de son travail pour pouvoir avancer dans la même direction que le reste de l’organisation.
Présenter soit-même son travail et éviter la rétention d’informations sont deux facteurs reconnus pour valoriser l’implication de chacun·e et donc favoriser l’épanouissement au travail.

Quelque soit la structure hiérarchique, la rétention d’information est un poison pour l’entreprise.
L’éviter, c’est aussi éviter le bus factor.
Car oui, on n’y pense pas assez mais les bus sont de véritables armes de destruction massive. Pour comprendre cela, je vous propose de jeter un œil du côté de la conférence de Laurence Vagner à SudWeb en 2016.

Autant que possible, l’information doit être accessible facilement et sans interaction humaine obligatoire pour ne pas être perdue en cas de congés du sachant (accident, vacances, maladie, etc.).
Cela permet aussi d’accéder à l’information sans barrière pour toutes les personnes pour qui la communication interpersonnelle est problématique (conflits interpersonnels, introversion, autisme, troubles cognitifs, etc.).

#ChacunSonRythme

Pour finir cette conférence, j’ai souhaité mettre en avant la nécessité pour chacun·e d’apprendre à se connaître. Connaître avec précision ses besoins, ses zones de confort et ses limites, c’est pouvoir dès les premiers signes tout faire pour limiter le stress et la fatigue au travail.

On ne le répètera jamais assez, mais il est primordial de faire des pauses régulières pendant son travail.
Il y a plusieurs types de pauses à faire :

  • des pauses durant votre journée de travail, pour reposer votre cerveau, vos yeux et vos mains qui sont sollicités à longueur de journées par notre travail sur écran et clavier ;
  • une pause plus importante après un long projet.

Oui, il est important de faire des pauses entre deux projets, surtout si le projet terminé était particulièrement long ou complexe.
Imaginez-vous finir un marathon. Seriez-vous prêt à enchaîner dès le lendemain sur une demi-heure de course à pied ? Pas sûr. Votre corps et vos muscles ont besoin de repos. Votre cerveau, c’est pareil.

Si malgré vos demandes votre hiérarchie ne lâche pas la pression sur vos plannings, prenez les choses en main :
Apprenez par vous-même à aérer vos plannings.
Votre productivité est en baisse, vous êtes fatigué·e·s, vous n’arrivez plus à réfléchir, etc. Ce n’est pas grave. Prenez le temps de prendre le temps, partez à la découverte d’articles, faites votre veille.
Si on vous le reproche, demandez à l’entreprise ce qu’elle préfère :

  • un·e travailleur·se fatigué·e, qui va multiplier les erreurs et les approximations pour rendre un travail bâclé dans les temps, mais qui va nécessité un nombre certain de corrections et de retours.
  • un·e travailleur·se reposé·e, qui aura certes pris un peu plus de temps que prévu, mais qui sera au courant des dernières méthodes et idées et qui rendra un travail correct, vérifié et testé.

Entre les deux, même si le premier membre d’équipe aura été rendu dans les temps, les retours qu’il nécessitera feront perdre à l’entreprise au final autant de temps que si la personne avait fait quelques heures de veille pour se changer les idées, voire plus.

Enfin pour permettre aux salarié·e·s de se changer les idées et d’éviter l’épuisement sur des projets pas toujours intéressants, un nombre grandissant d’entreprises choisissent de faire travailler leurs équipes sur 4 jours uniquement pour leur permettre de profiter de la dernière journée de la semaine pour leurs projets personnels, la veille ou la recherche.
Dans certains entreprises, le concept va jusqu’à permettre au travailleur de profiter des locaux de l’entreprise pour faire ce qu’il souhaite, sans limite, pendant cette journée du moment que cela peut être partagé avec les différentes équipes.
Vous avez envie de faire un gâteau ? C’est très bien, cela permettra à tout le monde de passer un moment convivial.
Ce modèle n’est pas parfait, il demande à revoir le mode de financement de nos entreprises (notre tarif journalier notamment) mais il a pour vertu de permettre un meilleur épanouissement au travail.

Cessons d’avoir peur.

En bref, si vous aviez une seule chose à retenir de cette conférence, c’est que nous devons tous agir pour réduire le stress en entreprise, le nôtre aussi bien que celui du reste de nos équipes.

Que ce soit pour vous ou pour vos partenaires, aux premiers signaux, apprenez à tirer la sonnette d’alarme et parlez-en à vos responsables ou à vos partenaires.
Ne laissez pas une personne en situation de stress s’isoler et sombrer.
Plus les solutions mettront du temps à arriver, plus la personne aura du mal à remonter la pente.

Rappelez-vous également que vous n’êtes pas défini par votre travail ou votre entreprise.
Si ça ne va pas, cherchez les alternatives.
Dans nos métiers, la mobilité est extrêmement forte alors profitez-en. Vous pouvez passer de l’indépendance au salariat, du salariat à l’indépendance, changer d’entreprise ou simplement de poste au sein de celle-ci.
Cherchez le rythme de vie qui vous correspond le mieux.
N’attendez pas pour trouver des solutions, si vous n’êtes pas épanoui aujourd’hui il y a peu de chances que vous le soyez demain.

Pour cela, faites-vous aider. Parlez-en à vos amis, à votre famille. Demandez conseils aux personnels soignants comme votre médecin généraliste. Si vous êtes en confiance avec vos collègues, parlez-en.
En somme, ne restez pas seuls face au stress, vous ne vous en sortirez pas.

On en a beaucoup parlé autour des combats face à la loi Travail votée récemment, mais rappelez-vous cette maxime chaque jour où vous ne vous sentirez pas épanoui, chaque jour où vous devrez faire face à une situation de stress ou de burnout :
Quoi qu’il arrive, quelque soit votre état, quelque soit votre fatigue, quelque soit votre exaspération, on vaut mieux que ça.

Vous valez tous mieux que ça.

Si vous désirez aller plus loin sur la question du stress et de l’épanouissement au travail, je vous conseille ces quelques lectures :

Merci à Stéphanie et Anaëlle pour le temps passé à la relecture de cet article.

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Damien Senger • hiwelo
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