INTERVIEW : Hitchcock sort de son silence

À 116 ans, il avoue être fan de Game of Thrones.

Paul Evans
Hollywood Rapporteur
6 min readAug 23, 2016

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Alfred Hitchcock nous reçoit à Los Angeles pour un entretien exclusif. Il n’en a accordé aucun depuis 1980, autant dire qu’il a beaucoup de choses à raconter !

Retour sur sa carrière et ses dernières émotions cinéphiles mais surtout sériephiles : Game of Thrones, Broadchurch et Breaking Bad !

Bonjour Monsieur Hitchcock, comment allez-vous ?

Je vais très bien, merci ! Mais appellez-moi Hitch voulez-vous ?

Bien sûr, ce sera plus simple pour tout le monde. Nous sommes ravis de vous rencontrer pour inaugurer la rubrique !

De même, je suis très flatté. Vous savez, malgré mon expérience c’est toujours un plaisir de rencontrer des jeunes passionnés par le cinéma. Surtout quand ils arrivent avec un projet comme le vôtre !

Ça nous va droit au cœur.

J’imagine que je vais avoir droit à tout un tas de questions très sérieuses à en juger par la ligne éditoriale de votre mag ?

On peut être sérieux aussi. Mais c’est rare.
Aussi rare que mes apparitions en public ? (rires)

Vous n’avez pas tourné depuis Family Plot (en anglais dans le texte) en 1972 est-ce exact ?

En partie oui. J’avais en projet depuis une dizaine d’années de réaliser The Short Night, un film d’espionnage avec Catherine Deneuve et Robert Redford. Mais pour des raisons de santé, je n’y ai pas donné suite. Le scénario doit traîner dans un de mes tiroirs.

On ne vous voit plus beaucoup dans les médias et au cinéma en ce moment. Quels sont vos futurs projets ?

J’ai 116 ans, je ne suis pas mort ! Je profite de la vie. *tousse* Vous permettez que je fume ? (Il sort un cigare électronique)

Oui bien sûr, allez-y.

Plus sérieusement, j’ai l’impression de vivre une seconde jeunesse ! Je pense réaliser des remakes de mes films. Je sais, c’est à la mode mais la nouvelle génération d’acteurs est prometteuse ! J’ai déjà commencé il y a longtemps avec La Mort aux Trousses ou L’Homme qui en savait trop (remakes respectifs des 39 Marches et de L’Homme qui en savait, version 1934, ndlr), mais je voudrais refaire Les Oiseaux, cette fois-ci en 3D !

Des acteurs en tête ?

Ceux qui ont quitté Game of Thrones peut-être ? Pour jouer les corbeaux en motion-capture, il en faut beaucoup ! (rires)

N’êtes-vous pas plutôt attiré par les auteurs de littérature policière contemporains, comme Fred Vargas ou Michael Connelly ? Vous aviez bien adapté l’oeuvre de Boileau et Narcejac, D’Entre les morts, pour Vertigo.

C’est vrai, c’est une idée. Certains romans de Mme Vargas ont d’ailleurs déjà été adaptés en France je crois. Mais Connelly, oui c’est vrai que son univers a un grand potentiel de noirceur. Vous avez raison, je vais y songer ! Mais en 3D encore une fois ! J’y tiens, c’est mon côté “nouvelles technologies” à la Godard !

Vous vous rendez au cinéma de temps en temps ?

Je ne vais au cinéma qu’en de rares occasions. En revanche j’ai un home cinéma et nous regardons des films tous les soirs, sauf les dimanches où nous recevons des amis.

Qu’avez-vous pensé du film Hitchcock, biopic sur vous-même ?

Ils m’avaient proposé d’intervenir pendant le tournage, de donner des conseils à Anthony(Hopkins, ndlr). Mais j’ai préféré leur laisser carte blanche. Cela a donné le film que vous avez vu. Il y a beaucoup à dire sur ce long-métrage, qui m’a laissé plutôt mitigé je peux le dire…

Anthony Hopkins vous a convaincu dans votre rôle ?

Hormis son maquillage catastrophique vous voulez dire ? Oui, il a su capter ma gestuelle et mon comportement pour les retranscrire à l’écran. Peu d’acteurs auraient pu le faire aussi bien que lui.

Vous aimez les séries, vous parliez de Game of Thrones tout à l’heure. Pourquoi ce format vous plaît-il ?

J’aime surtout les bons personnages et je pense que le format des séries permet de creuser plus profondément leur caractère. Une liberté qu’un film ne permet pas, ou peu. C’est ce qui a été fait avec Bates Motel par exemple, avec plus ou moins de talent d’ailleurs !

Hitch, rappelons-le vous êtes anglais, nous aurions donc souhaité avoir votre opinion sur les séries britanniques actuelles. Celles que vous aimez, celles qui ne vous plaisent pas…

Les séries anglaises se portent plutôt bien selon moi. A mon époque, peu de séries innovantes venaient de Grande-Bretagne ! Je ne loupe jamais un épisode de Downton Abbeypar exemple. C’était plutôt osé d’encrer une série dans les années 20, surtout dans un manoir bourré de serviteurs. J’adore ! Il manque peut-être un peu de piquant ou d’action, mais j’aime particulièrement le couple Anna/Bates (Joanne Froggatt et Brendan Coyle, ndlr), en lutte constante contre un destin qui s’acharne. Là rien n’est facile et c’est ça qui me plaît. Les Enchaînés de Downton Abbey ! Sinon, j’ai particulièrement aimé Broadchurch, pour son intrigue à huit clos et son ambiance. Des gens qui se connaissent tous et se détestent parfois, malgré les petits sourires. Le glauque côtoie la sensibilité extrême de l’inspectrice, il y a suffisamment de rebondissements pour nous tenir. Le mélange m’a complètement convaincu. Et puis il y a David Tennant (interprète de l’inspecteur Hardy, ndlr) à l’accent incroyable qui complète parfaitement le duo policier. Pas étonnant que la série ait eu un si grand succès !

Et les séries qui vous « emballent moins » ?

Il y en a une qui m’intrigue plus qu’elle ne me déplaît : c’est Utopia. Le scénario est extrêmement bien écrit, mais ce traitement ! Pourquoi le Pop Art ? Cet étalonnage, j’ai beaucoup de mal. J’aime la couleur mais il y a des limites. ll faudrait presque la regarder avec des lunettes de soleil ! Pour quelqu’un comme moi qui aime tant le noir et blanc c’est un sacré choc. Comme le jour où j’ai appris qu’on allait faire un remake de Psychose…en couleur ! C’est un jeune américain qui voulait faire ça…

Oui, Gus Van Sant…

C’est ça ! Je ne sais pas ce qu’il a fait avant ou après, mais refaire un de mes films plan par plan ET en couleur, celui dont le noir et blanc me tenait le plus à cœur, j’ai trouvé cela gonflé ! Pour prouver quoi ? Que la couleur est plus moderne ? Qu’il avait la légitimité pour faire ça ? Je me pose encore la question.

Pour en revenir aux séries, toutes nationalités confondues, quelle est pour vous LA meilleure série contemporaine ?

Sans hésitation Breaking Bad. Ici, la couleur est parfaitement utilisée, au profit d’un des meilleurs scénarios que j’ai pu lire. Et leur force est d’avoir su tenir la distance, voire de monter en puissance. On ne sait jamais ce qui va arriver. Et ce duo d’acteur…

Bryan Cranston et Aaron Paul…

Oui ! Ils sont extraordinaires. Et tellement complémentaires. Ils ont dû beaucoup s’amuser à fabriquer ce couple bancale à qui tout arrive de travers. Un vrai chef d’œuvre !

Quant à la célébrissime série Game of Thrones que vous mentionnez régulièrement ?

Je ne rate aucun épisode. Comme tout le monde j’aime beaucoup. Bien que la dernière saison m’ait beaucoup interrogé. J’ai trouvé le tout très lent, beaucoup de blabla et peu d’action. J’aime les dialogues mais il faut une alternance pour garder l’attention du spectateur. Ici j’ai trouvé que le rythme manquait. Et puis, un peu de misogynie d’accord, vous savez bien que je n’ai rien contre, mais là tout de même, les femmes sont vraiment égratignées. Sinon dans son ensemble, la mythologie que la série développe est passionnante et j’aime vraiment l’aspect politique allié à ces intrigants White Walkers.

Qu’avez-vous pensé du dernier épisode de la saison 5 ?

Sans spoiler vos lecteurs, je dirais que la saison ne pouvait pas mieux se conclure. La dernière scène est tellement folle et inattendue qu’elle a laissé tout le monde abasourdi. Je ne vous apprends rien, d’autant qu’ils font ça tous les ans. Et cet engouement pour savoir si oui ou non ******* est mort, va, j’en suis sûr, tenir en haleine les fans jusqu’à la saison 6.

Dernière question un peu plus personnelle : accepteriez-vous de prendre un seflie avec nous ?

Un quoi ?

interview réalisée par : Kate Brousten et Paul Evans à Los Angeles le 19 août 2015

interprète : Sigourney Weather

Le Hollywood Rapporteur remercie chaleureusement Jane Camp et l’hôtel The Garland pour leur accueil et leur gentillesse.

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