Yaayou Jules
Le 2 Avril, journée de l’autisme, le mois d’Avril le mois de l’autisme. Le mois bleu comme on dit. Le mois, le jour où on tourne enfin les yeux vers des personnes, des enfants tout simplement différents. Différent dans leur façon d’agir et différent dans leur comportement. Et nous sommes dans une société qui n’accepte pas et ne tolère pas les personnes hors normes ou anormales atteintes de trouble du comportement.
Aujourd’hui je tais mes maux pour rendre un hommage, un Sargal* à une Yaay** spéciale. En d’autres circonstances, je lui aurais fait un Sargal pour sa douceur et tout l’amour qu’elle nous donne en tant que sœur. Je lui aurais fait un Sargal pour ses délicieux plats qui nous régalent tous les jours.
Mais aujourd’hui, je rends tout simplement hommage à Yaayou Jules.
Jules est un enfant autiste. Il ne parle que pour répéter ce qu’il entend et c’est le plus souvent des paroles de chanson, des spots publicitaires et quelques fois des phrases ou des mots qu’il a entendu dans son entourage. Il refuse de se socialiser et il s’enferme dans sa bulle. Il est très solitaire et il évolue dans son propre monde sans faire très attention à ce qui l’entoure. Et pourtant, c’est un enfant hyper actif qui court dans tout les sens en se dandinant et en émettant toutes sortes de cris transcendants et crescendo, allant du plus rauque au plus aigu. Il ne joue non pas avec les jouets qu’on lui propose, mais avec un bout de branche d’arbre qu’il fait tournoyer entre ses doigts comme s’il jouait d’un instrument de musique. Insouciant et inconscient, il avance à son gré sous la vigilance d’une femme exceptionnelle que j’admire et pour qui j’ai une affection particulière : Yaayou Jules.
Ce qui fait d’elle une femme extraordinaire ce n’est pas le fait qu’elle veille et s’occupe de Jules comme le ferait toute maman, mais elle est exceptionnelle, car elle est la Yaay de Jules l’aîné de Cheikh et Moustapha, deux autistes aussi..
Ce qui fait d’elle une Yaay exceptionnelle, c’est qu’elle brave les barrières de la société et elle jalonne tous les obstacles de sa vie de Yaay d’enfants différents pour le bien-être de ses anges. Ses enfants ne communiquent pas et ont un comportement très asocial. Ils sont très souvent pointés du doigt de manière péjorative au moment où elle mène un combat au quotidien pour leur permettre d’avoir un tant soit peu de repères dans la maison et dans le milieu où ils évoluent.
Et pourtant ces enfants souffrant de troubles du comportement ou même de handicap mental sont très souvent marginalisés ou sont victimes de négligences passives (mauvaise hygiène de vie, mauvaise prise en charge sanitaire) découlant de l’ignorance de leur entourage.
Avec Yaayou Jules, j’ai appris un autre sens à l’éducation où la tendresse et la confiance en l’enfant priment sur l’autorité.
Le combat de Yaayou Jules, Cheikh et Moustapha va au-delà de son cadre familial qui est particulièrement éprouvant. Elle mène un combat pour une bonne prise en charge sociale pour tous ces enfants particuliers souffrant de troubles du comportement, afin de soulager les parents. Il n’y a pas d’école spécialisée dans le public et dans le privée les frais sont très élevés. On note aussi et surtout l’absence de centre de loisirs et de répit pour ses enfants qui ont besoin d’un encadrement spécifique même pour jouer. Yaayou Jules, Moustapha et Cheikh a été et est confronté à toutes ces difficultés qui ont fait que Jules a été tardivement diagnostiqué et scolarisé.
Une lutte qu’elle mène avec le COLLECTIF DES PARENTS ET AMIS DE KEUR XALEYI (COPEKX) qui regroupe d’autres parents d’enfants malades, des volontaires, des psychologues et d’autres spécialistes pour donner aux enfants un accompagnement pluridisciplinaire (orthophonie, psychomotricité, accompagnement éducatif, psychothérapie) qui leur font défaut. En effet, Keur Khaleyi*** est une structure qui s’occupe essentiellement des enfants souffrant de troubles du développement ou vivant avec un handicap mental, logée à l’hôpital de Fann. Le COPEKX appui l’institution (qui en a vraiment besoin) dans la prise en charge de ces enfants. À travers des parrainages (trousseau scolaire et médical, scolarité), des sorties pédagogiques, des ateliers de cuisine, le micro jardinage, ce collectif aide le centre à exécuter sa mission finale qui est l’intégration de ces enfants dans la vie sociale.
Au-delà des enfants autistes, Yaayou Jules soutient toutes les « Yaayou Tidiane ». Elle nous apportait réconfort et bons plats à l’hôpital où elle s’était liée d’amitié avec d’autres mamans qui ont des enfants malades. Elle m’en a apporté du réconfort dans des moments pénibles. Combien de fois ai-je pleuré sur ses épaules me lamentant de la maladie de Tidiane oubliant qu’elle avait laissé chez elle trois enfants malades.
Pour moi, tu es et resteras une grande sœur exceptionnelle pour qui j’ai beaucoup d’affection. Et pour la société, tu es un exemple de bravoure et courage, car au-delà de la maladie de tes enfants, tu nous donnes une bonne leçon de vie : aider et soutenir ceux qui en ont le plus besoin.
*Sargal: Hommage
**Yaay: Maman
***Keur Khaleyi: La maison des enfants
