L’Estony ouvre une e-embassy au Luxembourg : trois questions pour comprendre de quoi on parle

C’est une première mondiale. Une curiosité aussi. L’Estonie a décidé d’ouvrir une ambassade numérique dans un pays ami pour y mettre à l’abri ses données. Cette data embassy siégera au Luxembourg. Le Grand-Duché a déjà mis à disposition de l’Etat balte une salle pour héberger des serveurs. Elle sera bientôt opérationnelle.

Delphine Sabattier
Tech Stories
3 min readApr 17, 2018

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C’est quoi une e-embassy ou data embassy ?

Le terme le plus approprié est « data embassy ». Il exprime plus clairement de quoi on parle, puisqu’il s’agit d’un centre de données auquel on accorde les privilèges et immunités d’une ambassade classique. Autrement dit, la salle de serveurs, qui hébergera des données de l’Estonie au Luxembourg, bénéficiera des accords diplomatiques prévus par la Convention de Vienne de 1961, de la même façon que les ambassades installées boulevard Royal. La data embassy offre la possibilité à l’Estonie de protéger des données sensibles dans un pays ami. C’est un point important quand on se rappelle que l’Estonie a déjà été victime d’une cyberattaque qui a paralysé ses sites gouvernementaux, des banques et media pendant deux semaines. La data embassy stockera donc au Luxembourg des informations gouvernementales, dont le contenu est évidemment confidentiel.

Pourquoi le Luxembourg a-t-il été choisi pour accueillir la data embassy ?

En fait, les deux pays se sont trouvés ! Depuis 2015, l’Estonie et le Luxembourg réfléchissent ensemble sur l’hébergement de données. Et puis il y a un déclencheur : le Brexit. Gilles Feith, le directeur du Centre des technologies de l’information de l’État (CTIE), y voit l’occasion de relancer le sujet : c’est le moment pour l’Etat balte de rapatrier ses datacenters londoniens au Grand-Duché ! Pour parfaire la proposition, le Luxembourg offre bien plus qu’une simple salle de serveurs. Il lui attribue un véritable statut d’ambassade, assurant ainsi non seulement une sécurité informatique, mais également une protection diplomatique. Le Grand-Duché a, en outre, une grande expérience dans l’hébergement de données sensibles. Il est un des pays leaders dans ce domaine : 25% des datacenters Tier IV (le plus haut niveau de garantie qu’un datacenter puisse offrir avec une disponibilité de 99.99 %) se trouvent au Luxembourg. Par ailleurs, Le Luxembourg a bâti depuis les années 2000 un réseau de télécommunications qui le connecte aux plus gros nœuds de raccordement à Internet en Europe. Il offre donc à l’Estonie une place de confiance pour ses données, des infrastructures robustes, tous les gages d’une relation diplomatique… et une démarche innovante.

Est-ce que tous les pays auront un jour leur e-embassy ?

Aucun pays n’avait encore proposé de statut d’ambassade à un datacenter gouvernemental. Mais on peut imaginer que l’idée fasse florès. Gilles Feith à l’origine du projet n’exclut pas, d’ailleurs, que le Luxembourg puisse héberger d’autres data embassy. C’est un atout considérable pour le pays d’accueil. Cela veut dire qu’il se positionne comme un pôle d’excellence dans le digital et la sécurité des données. Les entreprises locales peuvent facilement se placer sur les appels d’offres. Gilles Feith confie, par exemple, que les datacenters de l’OTAN hébergés au Luxembourg coûtent environ 25 millions d’euros sur cinq ans… dont la quasi-totalité revient aux entreprises du pays. Un booster de l’économie nationale.

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Delphine Sabattier
Tech Stories

Exploratrice des révolutions numériques. J’ai dirigé les grands médias tech et m'exprime aujourd’hui en mon nom sur https://medium.com/human-tech-stories !