Non, les opérateurs ne demandent pas tous la fin de la neutralité du net !

Delphine Sabattier
Tech Stories
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2 min readApr 15, 2018

Qui veut la peau d’Internet ? Qui osera mettre à mort l’accès universel au Réseau ? Dans le débat chahuté de la neutralité du net, nous avons trouvé intéressant de partager avec vous le point de vue — peu entendu- d’un petit opérateur télécoms européen. Interview de Luis Camara, consumer business unit director de Tango, fournisseur d’accès au Luxembourg.

Luis Camara, dirigeant de l’opérateur luxembourgeois Tango, veut faire payer les grands fournisseurs de contenus, pas les internautes

Quelle est votre définition de la Neutralité du Net ?

Luis Camara : C’est une règle de non-discrimination. En tant qu’opérateur télécoms, on doit donner un accès universel à tout type de contenus, applicatifs, services -peu importe la source- sans privilégier ou bloquer des usages ou produits spécifiques.

C’est un principe sain, qu’il faut défendre. Mais l’enjeu devient très complexe pour les fournisseurs d’accès.

Vous nous dites que cela devient difficile de respecter l’égalité d’accès ?

LC : Nous faisons face à une mutation des usages. La croissance importante et permanente de la consommation de datas nous met sous pression, en termes de coûts. Nous devons sans cesse augmenter les capacités des réseaux. Aussi, les règles strictes de neutralité du net sont très contraignantes : on ne peut pas facilement gérer les différents comportements de consommation des utilisateurs, et cependant, on doit assurer une bonne expérience de service à tous.

Pendant ce temps, les producteurs de contenus, eux, profitent des augmentations de capacité sans rien payer…

La fin de la neutralité réglerait les problèmes de coûts des opérateurs ? Quid des conséquences pour les internautes ?

LC : Selon moi, il y a deux débats autour de la Neutralité du Net. D’un côté, un débat éthique, politique. Ce qui se passe aux Etats-Unis, à mon avis, risque de dévier vers un modèle de censure sur les contenus. Je ne crois pas à ce modèle, qui remet en cause les libertés d’accès des internautes.

Mais, de l’autre côté, il y a une discussion nécessaire à engager sur les coûts liés à la croissance de la consommation et le partage des revenus des acteurs over-the-top.

L’Europe peut-elle imposer un nouveau modèle de neutralité ? Différent des Etats-Unis ?

LC : Notre conviction chez Tango c’est qu’il ne faut pas limiter l’accès aux contenus, mais faire évoluer le business de l’accès. Revoir les modèles économiques, tout en préservant la liberté et les droits des consommateurs sur Internet. Il me semble que c’est un modèle plus ancré dans les principes fondamentaux de l’Europe. Nous devons ouvrir ce chantier avec les fournisseurs de contenus.

L’Europe est un gros marché, riche, dont les producteurs de contenus, tout géants qu’ils sont, ne peuvent pas se passer.

Propos recueillis le 31 janvier 2018

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Delphine Sabattier
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Exploratrice des révolutions numériques. J’ai dirigé les grands médias tech et m'exprime aujourd’hui en mon nom sur https://medium.com/human-tech-stories !