Épisode 5 : les États vont-ils nous sauver ?

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#IlestencoretempsàlaCOP24
6 min readFeb 13, 2019

Pour la 24ème fois, le marteau de la présidence retombe, marquant la fin de la COP et un nouvel accord sur le climat entre les 196 parties représentées. Business as usual. Sur un air de “non, non rien n’a changé” que nous vous avions servi au premier épisode, nous sommes repartis en France le coeur léger. Quoi ? Mais l’accord n’est pas à la hauteur ! Oui, mais maintenant que nous sommes convaincus que la solution pour le climat ne viendra pas de nos États, nous sommes prêts à réinventer notre imaginaire et ne plus rien d’attendre en particulier de ces COP !

Notre propos, en venant à la COP 24, était de comprendre pourquoi les États qui se réunissent chaque année n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur des mesures ad hoc, nous permettant de rester en dessous des 1,5°C d’ici la fin du siècle. En 2015, tout le monde sautait de joie à l’annonce de l’accord de Paris, et puis… rien. Pas de remise en question de ce qui dégrade foncièrement le climat, pas de grandes avancées au niveau des pays et rien qui puisse nous rassurer sur les mesures à venir.

Nous venions avec le sentiment que les COPs ne souhaitent pas changer le système pour ne pas changer le climat, nous repartons avec les preuves qu’elles ne sont définitivement pas faites pour trouver de vraies solutions ! Comme chaque année, l’accord de la COP24 est une réussite de l’échec. Nous sommes allés au bout d’un processus qui ne pouvait aboutir qu’à un échec, comme pour les autres COP. Pourquoi sommes-nous aussi tranchés ? Parce que rien de ce qui pourra sortir de ces négociations ne sera jamais assez ambitieux et sérieux que ce qu’il faudrait pour ne pas détraquer le climat.

Ça en devient caricatural, mais la COP c’est une série de décalages, comme si une soucoupe volante atterrissait chaque année sur une nouvelle planète et faisait son truc, sans tenir compte du temps et de l’espace.

Décalage dans le discours

Pendant deux semaines, nous avons fait face à un double jeu permanent entre ce que disaient les gens officiellement devant la caméra et ce qu’ils nous racontaient en off. Que ce soit des négociateurs-rices, des ONGs ou des entreprises, tout le monde usait de la bonne vieille langue de bois pour ne pas se mettre en porte-à-faux. Normal nous direz-vous, chacun doit aller dans le sens de son organisation et ne peut pas balancer ce qu’il/elle veut sur le sujet. Ah bon ? Mais pourquoi ? A-t-on sérieusement le temps de jouer à ça ? Peut-être que les pays riches, pour qui les effets du changement climatique ne sont pas encore perceptibles, peuvent se permettre de tenir cette double parole. Nous, ce qu’on a vu c’est que les pays touchés par ces changements n’ont plus le temps ni l’envie de prétendre que tout va bien et ce depuis plusieurs années déjà. Le changement climatique est déjà présent, nous en subissons déjà ses conséquences, le discours devrait aller dans ce sens mais non. Ce sont les subtilités de la diplomatie nous dira-t-on… Encore une fois, facile quand ce sont quelques pays qui font la pluis et le beau temps aux négociations. La vidéo 4 de notre série vous en faisait mention.

Décalage dans la représentativité

Ces visiteurs venus d’ailleurs à la COP, comme souvent dans ce genre d’espaces internationaux, on peut difficilement dire qu’ils soient représentatifs de la société ou de ce que vivent les gens… Nous avons pu voir que certains-es négocitateurs-rices ou autre acteur-rices influents dans les négociations pouvaient être totalement hors-sol vis-à-vis des problèmes abordés. Comme pour le discours, comment peut-on être crédible quand on a un profil identique à celui des élites responsables du problème ? Des personnes qui sortent des mêmes écoles, des mêmes cercles, qui ont travaillé et/ou travaillent parfois pour des entreprises à côté… Ils ont été formés à traiter ces négociations avec un langage technocrate qui n’existe que dans leurs sphères. Nous avons également été surpris de voir certaines personnes faisant littéralement du tourisme dans la COP. Entre les attractions dans le pavillon des états et tous les événements organisés à côté de la COP pendant les 2 semaines, il y avait effectivement de quoi s’amuser.

Décalage dans les ambitions

Tous les scénarios de transition discutés ici se basent sur le fonctionnement actuel de notre monde, et sur une croissance économique toujours à la hausse, dans tous les pays. Sauf que de maintenant à 2050 il est très improbable que le système économique reste stable : le dérèglement du climat. À court terme même, de nombreux économistes alertent sur la possibilité d’une grande crise économique dès 2019 ou 2020, plus grave que celle de 2008. Que ce soit au niveau de la dette des États, le manque de liquidité, la dette des ménages, le niveau record des inégalités dans le monde ou les bulles spéculatives qui continuent de gonfler : plein de signaux sont au rouge vif. Et je sais pas si tu te souviens de 2008 mais quand la crise a éclaté, l’écologie est sacrément passé à la trappe : tu penses qu’il va se passer quoi avec celle-ci ? C’est pour ça qu’on le martèle : compter sur une croissance infinie dans un monde fini est une aberration, et il serait bien plus pertinent de miser sur la sobriété et la réduction de notre train de vie.

Décalage dans les actions

Le plus gros décalage, c’est celui entre la gravité de la situation et la lenteur des négociations. On se rappelle ce qui est en train de se passer au moment où nos gentils négociateurs parlent entre eux ? On vous laisse re-découvrir le dernier rapport du GIEC sur l’état du climat présent est à venir :)Donc, récapitulons : nous avons besoin de limiter la hausse du climat à 1,5 °C en passant par une réduction des émissions de CO2 de 45 % d’ici 2030 et la réalisation d’une « neutralité carbone » en 2050.

La COP24 nous propose :

  • Une déclaration sur la transition juste
  • Une “coalition de la haute ambition” (déjà créée à la COP21) qui a signé une déclaration à la portée plus ambitieuse pour réduire leurs émissions
  • Le rappel de l’urgence d’augmenter “l’ambition climatique” des pays ;
  • Le lien clair fait entre mobilisation des financements climat et une action climatique accélérée dans les pays en développement
  • Une invitation des pays à préparer des stratégies de long terme bas carbone et à communiquer d’ici à 2020 leurs contributions nationale (même si cela ne constitue pas de facto une obligation de relever l’ambition climatique )
  • La reconnaissance des pertes et dommages subis par les pays les plus vulnérables
  • Et : Aucun appel clair à relever les objectifs climatiques inclus dans les contributions climatiques des pays d’ici à 2020

Voilà voilà ! Merci encore d’avoir participé à cette COP, on se sent mieux :)

Tous les résultats de la COP 24 ici avec

Alors il ne faut plus rien à attendre de la COP ?

Presque ! Le seul élément qui reste important est celui de la rencontre entre les pays. Certes ils ne prennent pas de décisions, mais ils parlent entre eux et c’est déjà ça. Il n’y a pas des dizaines de rencontres internationales où les pays du nord peuvent discuter en direct avec les pays du sud, et inversement. Si la crise est proche, quelle sera la réaction des Etats ? Comment allons-nous gérer la fin de notre ressource énergétique bon marché ? Les déplacés climatiques ? L’effondrement de la biodiversité qui est déjà bien entamé ? Qui sait la COP sert au moins d’espace de discussion qui nous évitera peut-être une 3e guerre mondiale au cours de ce siècle ?

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